XIX Parfois, la vérité est sous notre nez...

11 minutes de lecture

Judith

Je ne revenais pas de ce qu'il venait de se passer. J'essayais de rouvrir la porte mais elle était fermée à clef. Je laissais tomber. Inutile de forcer. Si j'avais vu ce souvenir alors lui aussi. Il s'était juste renfermé. Je retournai en cours, dépitée. Quand j'allai franchir la porte, la sonnerie retentit. Les élèves sortirent et le professeur m'intercepta.

  • Ça va, Judith ?
  • Mouais...
  • Viens, entre quelques instants. Monsieur Morel, veuillez nous laisser seuls.
  • Très bien, répondit-il. Je t'attends dehors, Judith, me lança-t-il en sortant.
  • Alors, ma chère, que te voulait ce Monsieur Aubry ?
  • Il me demandait des nouvelles d'Élé. Rien de bien méchant.
  • Je n'aime pas trop ce nouvel assistant social. D'ailleurs, travailleur social veut dire tout et n'importe quoi.
  • Depuis quand est-il ici ? demandai-je.
  • Depuis un an je dirais. Il vient d'un collège et a demandé à travailler dans notre lycée. Il intervient aussi dans l'école élémentaire d'en face. Il tourne dans certains établissements en fait.
  • Oui, je vois...
  • Ce garçon est mystérieux et je n'aime pas trop ça, déclara-t-il.
  • Pour tout vous dire, moi non plus...
  • Bon, eh bien, sache que s'il y a quoi que ce soit, tu peux venir me trouver, d'accord ?
  • Oui, souris-je, merci, Monsieur Gauthier.
  • Allez, file vite !

Je me sauvais en vitesse en lui faisant un au revoir de la main. Ce professeur était vraiment mon préféré. Soan me questionna mais j'éludai ses interrogations. Tant que Monsieur Aubry et moi n'arrivions pas à communiquer, je préférai garder tout cela pour moi. De plus, comment annoncer à Soan que son frère était là ? Je ne me voyais pas retomber dans un drame familial. Si Alexis était bien Alec, alors leur mère ne devait pas être bien loin. Je devais tirer certaines choses au clair avant de m'avancer. Pourtant, j'en étais sûre, ils avaient le même regard. Comment pouvais-je encore douter ? Certainement que je ne voulais pas de cette vérité. Je n'arrivais déjà pas à gérer les miennes, alors les révélations sur la famille de Soan attendraient. Je devais mettre de l'ordre dans tout ça.

  • Judith, m'appela Soan, tu m'entends ?
  • Oui, je euh.... cafouillais-je. Excuse-moi Soan, j'ai du mal aujourd'hui...
  • Bah, ce n'est rien, rétorqua-t-il en passant son bras sur mes épaules.

Je lui souris et passais mon bras autour de sa taille. Je laissai ma tête reposer sur lui et nous traversâmes le lycée ainsi. Les cours suivants passaient vite et la journée se déroula normalement.

Élé me téléphona et nous convînmes de passer la soirée et la nuit ensemble. Je récupérais Mi à l'école puis nous fîmes nos sacs et partîmes chez Élé. Soan en profita aussi pour aller chez Lucas. Il ne quittait plus son père depuis plusieurs mois et ce qu'ils avaient mis en place paraissait assez solide pour qu'il puisse s'en échapper une nuit.

Une fois chez Élé, je pouvais enfin relâcher la pression. J'avais laissé tous mes problèmes sur le pas de la porte et avais pénétré dans cette maison chaleureuse, légère et heureuse. Mila était aux anges, elle aussi. Nolan lui avait préparé tout un tas de cochonneries et de cadeaux. Nous étions, toutes les deux, traitées comme des princesses là-bas. La soirée s'annonçait géniale. Une fois seule avec ma best, je pris des nouvelles de sa mère. Elle se portait mieux et allait bientôt quitter l'hôpital pour rentrer chez eux. Élé était tellement soulagée. Je pense que nous l'étions tous. Nous regardâmes un film puis restâmes encore à papoter. Nolan s'occupait de Mila et je l'entendais rire jusqu'ici. "Un père c'est quand même essentiel dans la vie..." pensais-je. Soudainement, mon téléphone sonna.

  • C'est qui ? demanda Élé curieuse.
  • C'est Soan, lui répondis-je.
  • Voyons ? me dit-elle en me prenant le téléphone.
  • Mais Élé, attends, ris-je.
  • Bonsoir Judith, commença-t-elle à lire. J'espère que tu vas mieux et qu'Élé te remonte le moral. Je pense à toi, tu sais... Bon, ben je t'embrasse. Soan. Ou la la ! Il t'embrasse, il a dit, se moqua-t-elle
  • Tu es bête, rigolai-je.
  • Alors, où vous en êtes tous les deux ? questionna-t-elle.
  • Je pense que quelque chose de fort nous lie, confiai-je. C'est sûrement le bon celui-là !
  • Eh bien, eh bien !
  • Il est tellement doux, Élé, il est gentil et compréhensif. Je commence à m'attacher à lui, tu sais.
  • Judith Imbert ? Est-ce bien toi ? ironisa-t-elle.
  • Eh oui ! Il me fait craquer que veux-tu ?
  • Ça te dirait qu'on regarde un autre film ?
  • Encore ?
  • Ben ouais !
  • Euh, bon ok... Lequel ? Pitié pas...
  • Dirty Dancing ! me dit-elle toute joyeuse.
  • Ra non ! Élé, tu abuses de moi là !
  • Oh ! Allez, Ju ! C'est mon film préféré !
  • Oui, ça, j'avais bien compris !
  • On ne refuse rien à sa meilleure amie, n'est-ce pas ? me convainquit-elle le sourire aux lèvres.
  • Oui... Bon d'accord ! Allez, va pour un énième Dirty Dancing !
  • Oh Judith ! Tu verras, tu finiras par l'aimer un jour, toi aussi !

Nous rigolâmes à ses propos. Elle me faisait regarder ce film depuis des années sans que j'arrive à y trouver un intérêt. Mais elle l'aimait tellement que je ne pouvais pas dire non. "Aïe aïe aïe, pour le meilleur et pour le pire", pensais-je.

Soan

  • Papa, tu es sûr que ça va aller ?
  • Mais oui, ne t'inquiète pas. Je prendrai mon traitement à l'heure, ne t'en fais pas.
  • Je ne suis pas serein à l'idée de te laisser comme ça, tout seul.
  • Mais vas-y je te dis ! insista-t-il.
  • Bon okay. Allez, je te téléphonerai de toute manière.
  • Très bien, Fils ! Allez, pars maintenant.

Je m'en allai l'esprit préoccupé. Il fallait bien essayer de toute manière ! Je montais dans le bus, tout en me posant un tas de questions. Une fois arrivé chez Lucas, nous partîmes dans la cabane et nous ne vîmes pas le temps passer. Nous tentions de découvrir où se trouvait ma maison pour que Judith puisse réparer ma boîte. Les habitations disparaissaient et réapparaissaient à certains moments et avec seulement les membres de la famille. Si ma mère était bien vivante, j'avais alors l'espoir de la retrouver et de lui demander d'y accompagner Judith, quand elle serait prête. Malgré nos tentatives, nous n'y parvînmes pas. Sans ma boîte, tout était vraiment trop compliqué. Il me fallait une tierce personne. Je devais alors retrouver mon frère. Restait à savoir si lui aussi rêvait...

Rodrigues

Une fois Soan parti, je décidai d'aller prendre l'air quelques minutes. En descendant, je croisai Gislann.

  • Hey ! Salut Rodrigues. Comment tu vas ? m'interpella-t-elle.
  • Bien, merci, et toi ? répondis-je.
  • Eh bien, ça peut aller. Je vais faire un petit tour, les filles ne sont pas là et j'en profite un peu pour m'échapper de mon appartement.
  • Comme je te comprends ! lui souriais-je.
  • Tu veux te joindre à moi ? proposa-t-elle.
  • Je euh... fis-je en regardant ma montre. Oui, pourquoi pas ? J'ai une petite heure devant moi.
  • Parfait !

Nous partîmes ainsi tous les deux. Elle me proposa d'aller boire un verre et nous nous installâmes en terrasse.

  • Alors, commença-t-elle, il serait peut-être temps de faire vraiment connaissance, qu'en dis-tu ?
  • Euh, oui, déglutis-je mal à l'aise.
  • Alors, vas-y, je te laisse commencer.
  • Euh...
  • Bonsoir, Madame Berry, Monsieur, qu'est-ce que je vous sers ?
  • Comme d'habitude, répondit-elle rapidement.
  • La même chose mais sans alcool s'il y a, dis-je en souriant.
  • Ok, un coca simple alors. Très bien, je reviens tout de suite.

De plus en plus mal à l'aise, je ne savais pas quoi dire. Mais pourquoi avais-je accepté ? Je me retrouvais coincé avec une femme que finalement, je ne connaissais pas et qui de surcroit buvait encore. Je pensais qu'elle aurait compris, mais visiblement ce n'était pas le cas.

Le serveur revint puis j'inventai quelque chose pour la faire se retourner. Pendant ce bref temps, j'échangeais nos verres.

  • Alors, dis-je en buvant une gorgée que je manquais de recracher. Où en étais-je ? Est-ce que je t'ai dit que j'étais marié ?
  • Marié ? dit-elle surprise. Ah non, je ne le savais pas !
  • Oui, depuis bientôt vingt-cinq ans !
  • Eh bien ! Où est ta femme ? Je ne l'ai jamais vue, dit-elle en buvant dans son verre. Mais ?
  • Qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'aimes pas ta boisson ? Ce n'est pas un coca que tu bois ? exagérai-je.
  • Euh si, bien sûr ! fit-elle confuse. C'est juste que je l'aime bien frais ! Mais bon ce n'est rien...
  • Alors et toi ? me renseignai-je en détournant ainsi son attention.
  • Bon, moi, je suis aussi mariée. Depuis moins longtemps que toi mais je le suis toujours.
  • Ah, où est ton mari alors ?
  • Eh bien figures-toi que je n'en ai pas la moindre idée.
  • Pareil pour moi malheureusement, avouai-je en buvant encore de ce terrible mélange.
  • Ah oui ? s'intéressa-t-elle.
  • Oui, mais ma femme est précieuse à mes yeux et je l'aimerais toute ma vie.
  • Oui, je comprends. C'est dur de se défaire de quelqu'un. J'en sais quelque chose !
  • À part ça, je vis ma vie tranquillement avec mon fils. Tous les deux nous formons une bonne équipe ! Et toi alors avec les filles ?
  • Nous, bon il y a des hauts et des bas, comme dans toutes les familles je pense, affirma-t-elle en baissant les yeux.
  • Bon et sinon, ce quartier, ça fait longtemps que tu y es ?
  • Oui, une bonne dizaine d'années au moins.
  • Eh bien tu pourrais me faire visiter alors, non ?
  • Oui tout à fait, fit-elle enthousiaste.
  • Très bien, allons-y alors.
  • Tu ne finis pas ton verre ?
  • Euh... Je...
  • Je peux ?
  • Non ! criai-je. Non, je veux dire, je vais le terminer, me repris-je en buvant le restant d'un trait. C'est bon on peut y aller !
  • Attends je vais chercher un truc à boire pour la route.
  • Ne te donne pas cette peine, lui dis-je, je vais y aller. Une bouteille d'eau ça sera parfait !

Je pris nos deux verres puis partis en vitesse pour ne pas lui laisser le temps de riposter. Je revins avec deux petites bouteilles d'eau. Nous fîmes rapidement un petit tour. Ma montre sonna annonçant la prise du traitement.

  • Merde, paniquai-je. Mince, je veux dire, je dois absolument rentrer.
  • Ah oui ?
  • Oui, je euh...
  • Pas besoin de te justifier, Rodrigues ! rigola-t-elle. Moi je vais traîner un peu dehors encore.
  • Ah bon ? m'inquiétai-je.
  • Oui, je vais certainement retourner au bar, boire un autre verre puis je rentrerai. Je suis seule ce soir donc bon...
  • Et si nous mangions un bout ensemble ? tentai-je.
  • Euh... hésita-t-elle en regardant en direction du bar.
  • Allez, viens ! Il n'y a rien de bon pour les personnes seules dans ces endroits-là, déclarai-je.
  • Oui, constata-t-elle, tu as sûrement raison. C'est d'accord !

Nous montâmes puis je l'invitai à entrer. Pendant qu'elle était aux toilettes, j'en profitais pour prendre mon traitement rapidement. J'avais dépassé le temps de quelques minutes et le verre d'alcool me donnait mal à l'estomac. Il faut dire qu'il était sacrément dosé. Je préparai des petits encas et installai le tout devant la télé. Gislann souriait et se sentait, visiblement, bien mieux que moi. Des nausées m'envahirent et je faisais tout pour les refouler. Mon traitement devait être ingéré et il devait bien rester à l'intérieur. Les odeurs de nourritures amplifiaient mon état. Je fis semblant de grignoter pour que tout paraisse le plus normal possible. Une fois le tout débarrassé et rangé, j'allumai la télé et baissai les lumières . Mon état se stabilisa enfin, laissant place à l'alcool et je me sentis drôlement bien tout d'un coup. Nous étions devant un film depuis une vingtaine de minutes maintenant, et je me rapprochai doucement d'elle. Cette femme était encore belle, elle sentait bon et me faisait un drôle d'effet. Je ne pus m'empêcher de la toucher. Elle se tourna vers moi, puis je l'embrassai à pleine bouche. Elle réagit vite à mon baiser, et m'étreignit. Je commençais à passer mes mains le long de son cou et quand elle rouvrit les yeux, je les vis emplis de désir. Le vide autour de nous se fit, et nous restâmes ainsi un petit moment. Mon corps entier l'appelait et je l'attirais près de moi. Je passai mes mains sous ses habits, voulant les lui arracher. J'essayais de me contenir, mais mon envie était bien trop forte. Elle paniqua puis se leva subitement et se dirigea vers la porte.

  • Iris... susurai-je. Mon petit arc-en-ciel, la rattrapai-je par le bras.

Je la retournai et lui pris le visage entre les mains. Je vis les larmes de Gislann remplir ses yeux et me sentis tout de suite coupable.

  • Oh mince ! m'exclamai-je. Ro la la ! Excuse-moi, je perds la tête !
  • Ce n'est rien, dit-elle en reniflant, c'est moi aussi, je ne sais pas me tenir. Je ne voulais en arriver là. Je suis confuse Rodrigues.
  • Moi, aussi je ne sais pas quoi te dire. Je...
  • Je vais rentrer, déclara-t-elle. Je pense que c'est mieux pour nous.
  • Oui, je pense aussi. Excuse-moi Gislann, je...
  • N'en parlons plus, veux-tu ?
  • Très bien.
  • Merci pour la soirée, me dit-elle en partant.

Je refermais la porte complètement dégoûté.

Gislann

Complètement frustrée, je rentrais chez moi, dépitée. J'allais me servir un verre, bien décidée à me prendre une bonne murge. J'ouvris le placard mais ne trouvais rien. J'en ouvris un autre vide également. Judith avait certainement tout jeté. Je commençais à m'énerver et à claquer ces fichus placards vides les uns après les autres. J'ouvris ma cachette secrète et trouvai enfin une fiole de whisky. Une murge avec seulement ça n'allait pas être réalisable. Mais bon, le peu qu'il y avait me permettrait de ne plus penser à tout ça. J'allai boire quand soudain, quelqu'un frappa à ma porte. Ce devait être Rodrigues. Je refermai la bouteille, la rangeai puis allai lui ouvrir.

  • Rodrigues, fis-je.
  • Je euh... dit-il mal à l'aise. Tu as oublié ça.
  • Ah ! Mon foulard, merci de me l'avoir ramené.
  • Est-ce que ça va ? m'interrogea-t-il en regardant chez moi.
  • Oui, rétorquai-je découverte. Je vais me mettre au lit.
  • Okay, okay, bonne nuit alors.

Puis faisant un pas en arrière, il partit. Je refermais doucement la porte en soufflant mes pulsions. Je m'installai à table avec ma maudite bouteille de poche pour seule compagnie. Je me versai un verre, balançai mes chaussures et m'enfonçai dans ma chaise. Je trinquai avec ma solitude puis, en levant mon verre, je vis Judtih. J'hallucinai et prise en faute, je me rendais compte de ce que j'étais en train de faire. Je me levai d'un bon et jetai mon verre dans l'évier. J'attrapai cette abominable boisson et la vidai aussi. Je pleurais bien trop sur mes faiblesses et relevai la tête. Une bonne douche froide laverait mieux ma honte que ces vulgaires larmes ridicules. Je me dirigeai vers la salle de bain, quand quelqu'un toqua encore à la porte. Rodrigues n'en avait pas fini avec moi décidément...

J'allais ouvrir, bien décidée à lui faire entendre qu'il fallait qu'il me laisse tranquille.

  • Rodrigues, il faut que... Nicolas ?
  • Bonsoir, mon ange...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 8 versions.

Vous aimez lire Sila P. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0