Partie 2
Après avoir mentalement répertorié les objets précieux du vestibule, Ava avança vers l’escalier conduisant au premier étage ; elle connaissait la procédure, ils opéraient toujours de la même façon : Mat prenait les pièces du bas et elle, plus leste et rapide, celles du haut. Ensuite, si la maison visitée comportait d’autres étages, elle le rejoignait à la porte d’entrée afin qu’ils poursuivent leurs investigations ensemble. Ainsi, ils ne se trouvaient jamais séparés très longtemps, au cas où un problème surviendrait.
Comme à son habitude, Mathéo suivit sa petite protégée du regard jusqu’à son arrivée sur le palier supérieur, puis disparut derrière l’une des portes s’ouvrant sur le hall.
À l’étage, Avalon bifurqua sur sa droite, débouchant sur une sorte de salle ronde ouverte sur un couloir. Quelques armes blanches aux lames damassées étaient exposées sur de beaux présentoirs en bois travaillé, et sous une alcôve creusée dans le mur, une nouvelle statue représentant un ange au visage androgyne et au corps asexué, semblait surveiller le long corridor nimbé d’obscurité.
Ainsi que son mentor le lui avait appris, une fois sa Maglite allumée, la jeune femme s’enfonça dans le couloir, débutant par la pièce la plus éloignée de la sortie. Cependant, si d’habitude, elle se sentait assez à l’aise avec l’idée qu’elle pourrait couvrir le chemin du retour en courant afin d’échapper à un éventuel locataire mécontent, ce procédé lui paraissait, cette fois, quelque peu hasardeux.
Dans cette demeure, tout était disproportionné. Les pièces tellement immenses que le moindre meuble, même le plus volumineux, y semblait perdu.
Si, par malheur, les personnes qui habitaient ici rentraient alors qu’elle errait encore dans ces corridors sans fin, Ava doutait de parvenir à leur échapper. Elle passerait alors sûrement par la case prison.
Prenant une grande inspiration résignée, elle poussa le battant devant elle et pénétra dans une chambre si grande qu’elle aurait pu tenir lieu d’appartement à une famille nombreuse.
Le lit devant elle, pourtant un king size en bois massif, surmonté d’un gigantesque baldaquin d’où pendaient de lourds voilages en tissus précieux, lui faisait l’effet d’une barque sur l’océan démonté du papier bleu-gris qui, elle aurait pu le jurer, menaçait de l’engloutir.
Ici, hormis une armoire, plus proche du dressing en terme de taille, une coiffeuse au grand miroir ovale, sur laquelle était posés une cruche d’eau coordonnée à une bassine en faïence et une commode à huit portes en bois ciselé, il n’y avait presque rien.
Ses yeux s’arrêtèrent tour à tour sur trois statues représentant des angelots mis en scène dans différentes positions, elles aussi en albâtre et parcourues de veines dorées, ainsi que sur un vase délicatement travaillé dans lequel on avait disposé des roses noires séchées.
À part une feuille dentelée tombée sur le plateau de la table de nuit, tout avait été nettoyé depuis peu, et pas un grain de poussière ne subsistait nulle part.
Ava fronça les sourcils ; au vu du courrier entassé devant la grande porte, la famille qui vivait ici devait avoir déserté les lieux depuis un certain temps… or, la demeure était propre comme un sou neuf. Ces gens avaient-ils recours à une employée même lorsqu’ils partaient en vacances ? Et si c’était le cas, quand reviendrait-elle s’occuper du ménage ?
Elle se posait la question tout en revenant sur ses pas lorsqu’un frisson lui hérissa les poils de la nuque. Il n’y avait personne ici, pourtant, elle se sentait épiée, comme si quelqu’un était là et attendait elle ne savait quoi pour bondir derrière elle et…
Et quoi ?
Balayant mentalement ces pensées ridicules, Ava saisit la poignée de la porte puis l’ouvrit sur le couloir tout aussi désert.
Tu yoyottes, ma fille !
Avalon demeura ensuite quelques secondes sur place avant de se diriger vers la porte face à celle de la chambre qu’elle venait de visiter. Excepté le papier peint qui, dans cette pièce, se déclinait sur des tons mauves et rosés, la décoration était l’exacte réplique de la précédente, jusqu’à la présence des trois angelots posés sur la commode face au balcon dont les volets étaient fermés.
Ava procéda ensuite à la visite des dernières pièces de cette aile. Ainsi qu’elle s’y attendait, il s’agissait de deux autres chambres dans lesquelles, à part le papier peint — décliné en d’autres teintes froides — et la posture des trois angelots disposés sur les grandes commodes, rien ne changeait jamais.
*
L’autre aile de l’étage, quant à elle était, sans surprise, dédiée aux lieux d’aisance et de vie : quatre salles de bain — avec toilettes séparées — peintes dans les mêmes tons que ceux des chambres, une grande pièce qui lui sembla être une salle de bal, où d’immenses miroirs cerclés d’or lui renvoyaient son reflet fantomatique, une salle à manger meublée de six grands buffets emplis de vaisselle en porcelaine fine et de couverts en argent attendant sagement leur prochain repas, et enfin, un salon richement meublé où une multitude de statuettes d’albâtre semblaient la scruter de leurs yeux aveugles.

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