Partie 3
Avalon atteignait le palier lorsqu’elle s’aperçut qu’au dehors, la luminosité avait énormément décliné. Consultant sa montre, elle constata que presque deux heures s’étaient écoulées depuis leur arrivée. Chose étrange, Mathéo, d’habitude si prompt à l’enguirlander lorsqu’elle ne donnait pas signe de vie environ toutes les demi-heures, n’avait même pas cherché à la rejoindre.
La jeune femme redescendit au rez-de-chaussée et y chercha son mentor. Toutefois, elle ne trouva aucune trace de lui. Peut-être avait-il terminé sa visite et était-il monté seul au grenier… En colère contre elle après la dispute qu’ils avaient eue dans la voiture, Ava l’en croyait très capable. Mat avait beau être plus âgé qu’elle, pour certaines choses, elle était souvent la plus adulte des deux.
Seule dans le vestibule, elle soupira bruyamment ; plus qu’à remonter…
Arrivée sur le palier du premier étage, elle poursuivit son ascension jusqu’au grenier. Alors qu’elle s’attendait à trouver une enfilade de pièces, il était entièrement ouvert et courait sur toute la surface de la maison. À sa droite ainsi qu’à sa gauche, s’ouvrait un gigantesque espace envahi de cartons, de meubles anciens et de bric-à-brac, le tout recouvert de toiles d’araignées.
Braquant sa Maglite devant elle, Avalon progressa entre les boîtes et objets hétéroclites qui jonchaient le sol. À première vue, les propriétaires de la maison se débarrassaient de leurs encombrants ici sans prendre le temps de les ranger.
Elle allait crier le prénom de son comparse quand elle avisa un monticule étrangement compact qui s’élevait tout au fond de l’immense pièce. Interloquée, elle avança jusqu’à la montagne, qui s’avéra constituée, en grande partie, de vêtements. Elle allait rebrousser chemin lorsque quelque chose étincela sous la lumière de sa torche. Curieuse, elle se dirigea vers la source du scintillement, retira une vieille chemise à carreaux du monticule et découvrit un piercing auquel adhérait un petit morceau de peau. Une expression de dégoût aux lèvres, elle lâcha vivement le bijou qui rebondit mollement sur le plancher usé.
Un frisson désagréable remontant lentement son épine dorsale, elle déglutit et fourragea de nouveau dans la pile de vêtements. Elle y découvrit d’autres objets : quelques perruques, des bijoux de pacotille, des montres… et des choses qui n’avaient décidément rien à faire ici, qui n’avaient d’ailleurs rien à faire du tout en dehors d’un corps humain : des dentiers, quelques broches en métal destinées à consolider ou à remplacer les os fragilisés ou cassés, un appareil auditif, et même un pacemaker qui la fit de nouveau frissonner de la tête aux pieds.
Il arrive souvent aux gens d’oublier des choses dans leurs chambres d’hôtel, mais oublier, ou perdre ces dernières était complètement impossible !
Proche de l’évanouissement, Ava recula jusqu’au mur derrière elle où des dizaines de statues, moins belles que celles déjà croisées dans le manoir, attendaient dans le noir. Elle agrippa l’une des étagères et l’un des angelots bascula avant de se fracasser au sol dans un bruit répugnant. Bientôt, une odeur abominable monta jusqu’à ses narines manquant la faire vomir ; à l’intérieur de la statue était dissimulée ce qui ressemblait à de la viande en décomposition, au milieu de laquelle surnageait un globe oculaire bleu qui la regardait sans ciller.
Le cœur au bord des lèvres, un hurlement prisonnier de sa gorge, Ava se couvrit la bouche et le nez à l’aide du creux de son coude puis rallia la porte du grenier avant de redescendre en courant au rez-de-chaussée. Ils devaient partir, tout de suite ! Mais où pouvait donc bien se trouver Mat ? Jamais elle ne pourrait l’abandonner.

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