Chapitre I

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Le silence du papier

Le papier ne crisse plus sous la main. Il ne plie plus, ne se froisse, ne s’imprègne d’encre ni de larmes. Il a cédé sa place à une surface lisse, rétroéclairée, où les mots naissent sans bruit ou presque. Car désormais, c’est le clavier qui parle. Il ne hurle pas, il murmure. Chaque touche pressée est une confidence, un soupir, une hésitation. Écrire sans papier, c’est apprivoiser ce nouveau silence, ce langage discret qui s’invente entre les pixels et les pulsations du bout des doigts.Quand le papier s’est effacé, c’est le souvenir d’un violon jamais joué qui m’a soufflé vers d’autres cordes : celles que l’on presse du bout des doigts, en quête de mots.

Le violon manqué, les mots trouvés

Il y a plusieurs années, à une époque où l’écran n’avait pas encore franchi le seuil de mon quotidien, j’avais formulé un vœu : apprendre le violon. Cet instrument me fascinait, avec ses courbes élégantes et sa voix presque humaine. Mais le prix, pour notre famille, était un rêve hors de portée.Ma mère, fine observatrice et stratège hors pair, avait repéré que mes élans artistiques se manifestaient surtout sur des cahiers gribouillés et des histoires inventées jamais envoyées. Alors, au lieu du violon, elle m’offrit une machine à écrire. Une de celles avec un ruban noir et rouge, un châssis solide, et cette manette sur la gauche qui faisait glisser le chariot d’un petit coup sec pour passer à la ligne.Les cliquetis des touches sur le papier devinrent ma musique. Chaque frappe était une note, chaque mot une mélodie. J’ai appris à composer avec les lettres, à faire vibrer les phrases comme d’autres font vibrer les cordes. Ce n’était pas le violon que j’avais demandé, mais c’était un instrument tout aussi puissant celui de l’écriture.

Vers le clavier, ses murmures, ses promesses

Le clavier ne m’a pas envahi comme une révolution high-tech. Non, il s’est glissé dans ma vie comme un chat bien élevé : silencieux, pas trop tactile, mais clairement décidé à rester. Fini le ballet musclé de la machine à écrire, où chaque frappe ressemblait à un coup de marteau donné par une poétesse possédée. Le clavier, lui, caresse les mots. Il ne parle pas, il susurre.

Et parfois, il gémit un peu quand on tape trop vite, comme s’il disait : “Doucement voyons, je suis sensible.”Et puis, soyons honnêtes… le clavier est un vrai magicien : une touche pour effacer les erreurs comme si elles n’avaient jamais existé, une autre pour tout enregistrer sans avoir à prier pour que la page ne s’envole au vent. Avec lui, pas besoin de blanco, de rature ou de soupirs dramatiques juste des retours arrière stratégiques et la promesse de recommencer à l’infini.Bref, le clavier ne fait peut-être pas vibrer les cordes comme un violon, mais il sait très bien jouer… avec mes nerfs et mon inspiration.Et maintenant, entre le silence du papier et les soupirs du clavier, je suis là. Les doigts en suspens, prêts à plonger encore, à chercher le mot juste comme on cherche la note parfaite. Ce n’est pas la fin d’une mélodie, juste la promesse d’un thème à venir. Le violon est toujours muet, mais l’écriture, elle, ne cesse de jouer.

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