Chapitre III
L’intime en vitrine
L’écran : un espace de projection et de mise en scène
L’écran éclaire les mots, mais ne reflète jamais pleinement celui qui les écrit. Il devient un théâtre silencieux, où les pensées prennent forme sans décor ni coulisses. Chaque phrase surgit comme une ombre projetée intime, mouvante, insaisissable. On écrit sans trace, mais avec une présence. Le curseur clignote comme un souffle, rythmé par l’élan intérieur. Et dans cette lumière froide, l’auteur se cherche, se façonne, se raconte.
L’écriture numérique transforme l’acte d’écrire en une performance silencieuse, une mise en scène invisible. Chaque mot tapé est à la fois intime et exposé, prêt à être partagé, modifié, effacé.
· L’auteur projette sur l’écran ses pensées, ses émotions, ses hésitations. Le curseur clignotant devient le métronome de l’esprit.
· Contrairement au papier, l’écran permet une réécriture constante : le texte n’est jamais figé, il est fluide, malléable, comme une pensée en mouvement.
· L’écriture devient spectacle intérieur : on écrit pour soi, mais avec la conscience d’un lecteur potentiel. L’écran incite à une forme d’auto-mise en scène, une dramaturgie de l’intime.
Fragilité persistante
️ Le numérique efface la matérialité du geste : pas de rature, pas d’encre, pas de froissement de page. Et pourtant, les mots persistent dans les mémoires, dans les serveurs, dans les nuages numériques.
· L’absence de trace physique ne signifie pas disparition : les mots existent autrement, dans une temporalité dématérialisée.
· Le texte numérique peut être copié, partagé, sauvegardé, mais il peut aussi être perdu, corrompu, oublié. Il vit dans une fragilité paradoxale.
· Cette immatérialité interroge notre rapport à la mémoire : que reste-t-il d’un texte qui n’a jamais été imprimé ? Est-il moins réel ? Ou au contraire, plus libre ?
Ce soir-là, j’ai écrit sans savoir pourquoi.
C’était un soir d’hiver, tard. J’étais seule, le silence autour de moi semblait plus dense que d’habitude. L’écran allumé devant moi ne reflétait rien d’autre que mes pensées en désordre.
J’ai commencé à écrire sans savoir où j’allais. Ce n’était pas pour un lecteur, ni pour un projet. C’était pour moi. Une douleur ancienne, longtemps tue, s’est glissée entre les lignes. Les mots sont venus comme une respiration, hésitante mais nécessaire.
Je n’ai jamais imprimé ce texte. Je ne l’ai jamais relu. Mais il est resté là, quelque part dans un dossier, comme une trace invisible d’un moment de bascule.
Ce soir-là, j’ai compris que l’écran pouvait être un refuge. Un miroir sans reflet, mais avec une profondeur. L’écriture numérique m’a permis de dire ce que je n’aurais jamais osé écrire sur du papier.
Depuis, chaque mot que je pose sur l’écran porte en lui cette mémoire silencieuse. Et c’est à partir de cette expérience que j’ai commencé à réfléchir à ce que signifie écrire dans un monde dématérialisé à ce que devient l’auteur quand il n’a plus de page à froisser, mais un espace à habiter.
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