Chapitre 1°) Mes patrons sont des vampires
A une époque, je croyais travailler pour des vampires. Je n'étais tombée pas loin... En même temps, je ne savais pas non plus que j'allais contribuer à la fin de l'humanité pour le bien des humains.
Certes, mes employeurs sortaient le jour, mais sauf erreur de ma part, le mythe voulant que les vampires brûlent au Soleil était très récent, comme Dracula et Carmilla nous l'avaient appris dans leurs romans éponymes respectifs, la lumière du jour était censée affaiblir les non-morts.
Je devais aussi avouer que pour avoir vu leurs enfants s'entraîner à la salle de sport, je confirmais qu'ils avaient besoin de respirer.
Définition du mot vampire: mort-vivant buveur de sang dépourvu de reflet dormant le jour dans un cercueil et sortant la nuit pour boire le sang des vivants et les transformer en individus de son espèce, connu pour son pouvoir d'hypnose et de métamorphose et plus particulièrement en chauve-souris...
On me répondra que cette vision du vampire était désuète, je répondrai qu'on la voyait encore représentée dans la culture populaire... Enfin, uniquement dans des œuvres qui n'avaient pas de limitation de budget...
Le jour du 15 juin, je me renseignai sur ce que Lennox avait écrit sur le sujet. Je réfléchissais. Je n'avais pas encore lu ses livres sur le vampirisme, mais il devait bien en avoir parlé. Pour Carla et moi, évoquer la réalité qu'elle me cachait, ce n'était qu'un jeu en attendant notre chauffeur, nous ignorions que ce jour allait changer notre vie.
Mon amie et sa sœur, assises sur le fauteuil, regardaient une série qui ne m'intéressait pas. Si la fillette était passionnée par le scénario, l'aînée m'envoyait quelques regards.
Moi, j'étais assise à table, je disséquais mes notes.
- C'est bon, je demande à papa d'avouer publiquement que nous sommes des vampires et je te transforme? plaisanta la jeune femme.
Tout en lâchant un petit rire, rappelons qu'à l'époque, j'ignorais que mes soupçons allaient un jour s'avérer, je lâchai:
- Oh! Ta G...
Instantanément, je tressaillis, devant mes neveux, je me retenais de dire le moindre gros mot, il en valait de même pour l'enfant de 7 ans probablement trop prise par son épisode.
- Bouche... conclus-je.
Carla se leva et se saisit de sa casquette, elle me rejoignit et observa la masse de papier et son ordinateur, en jetant un œil aux images de bâtiments hantés, elle objecta:
- C'est comme ça que tu vois notre manoir?
- Désolée, j'ai rien trouvé de moderne.
Soyons honnêtes, les Per habitaient dans une splendide demeure, pour l'entretenir, il y avait cinq domestiques, un majordome, un intendant, une bonne à tout faire, le chef et moi.
Comment pouvions-nous reconnaître une créature vivant très longtemps? A sa fortune.
Les parents de Carla possédaient des cinémas, des restaurants, des centres commerciaux et même une compagnie de production. Je pouvais donc cocher ce point.
Les créatures surnaturelles, particulièrement les vampires, ne mangeaient pas les mêmes aliments que les humains.
Le chef et moi préparions des plats chimiquement traités pour chacun des membres de famille Per, ils disaient suivre un régime alimentaire très strict.
Rien qu'avec ça, j'aurais dû deviner que c'étaient bel et bien des êtres paranormaux.
D'après l'arrière-grand-père Lennox, les vampires étaient des monstres? D'après ses livres, on reconnaissait un monstre parce qu'il n'allait jamais aux toilettes. Le rêve: les monstres ne produisaient ni urine, ni excréments, ni flatulences, ni rots, ni cérumen, ni mucus.
Je n'allais pas entrer dans les détails, mais là, je savais que les Per ne pouvaient pas être des vampires.
- Bon, j'ai un cadeau pour votre frère.
Je tapais mes documents sur la table pour les ranger et partis dans le hall, puis me dirigeai vers l'aile Est.
Je montais donc à l'étage remettre le cahier dans la chambre du frère de Carla.
Je ne me rendis pas compte qu'il y avait quelqu'un dans l'antre du fils aîné, que ce "quelqu'un" dormait, il faisait trop sombre, je me contentai donc de replacer le livre avec le devoir que j'avais fait.
Malheureusement pour moi quelqu'un m'empêcha de rejoindre les cuisines, alors que je repartais, la porte que je venais de fermer se rouvrit pour permettre à un jeune homme de sortir.
Si je disais que le voir me déplaisait, le mensonge aurait immédiatement été démasqué! Kave Per restait quand même un beau jeune homme.
Tout le monde n'allait pas être d'accord avec moi, mais on ne pouvait qu'apprécier l'anatomie du fils aîné. Torse nu et en jogging, il me provoquait.
Combien de jeunes hommes de notre âge ne rêvaient pas d'avoir un tel corps? Un mètre quatre-vingt-cinq pour quatre-vingt-cinq kilogrammes. Une chevelure courte, mais légèrement touffue, voire crépue. C'était sans doute la seule preuve de son héritage Béninois. Une barbe mal taillée façon Priapus A Tarou. Un visage parfaitement symétrique. Une mâchoire carrée. C'était surtout son buste qui attirait l'attention.
Impossible de ne pas le dire, déjà parce qu'il portait un tatouage en forme de pentagramme à côté du mamelon droit, mais surtout parce qu'on sentait tous les efforts qu'il avait mis dans la sculpture de cette carrure. Chaque muscle semblait avoir été taillé à la perfection.
Bon... Après il y avait une énorme différence entre la capacité à susciter l'attention et à être vraiment intéressant. Personnellement, la musculature, je m'en foutais!
Le seul bémol était sa manière de parler. Il gâchait la vue en s'exprimant avec un ton si pathétique que je dis le retenir de rire:
- Bonjour, jolie Lavie, me fit-il!
Je ne lui présentai aucune excuse pour l'avoir réveillé, réalisant qu'il ne le méritait pas...
Heureusement que le ridicule ne tuait pas. Entre sa manière de tituber, son besoin de fuir la lumière encore plus flagrant que celui que j'avais en me réveillant et son regard, je ne savais pas ce qui m'énervait le plus... Dès que j'eus la réponse, je compris que je devais m'en plaindre:
- Kave!
Mon rugissement ne le fit même pas réagir. Je le pointai du doigt:
- Juno est dans le salon! Si elle te voit comme ça... Non, mais regarde-toi! Tu empestes l'alcool ! Tu es complètement décoiffé... Bon, je te fais la liste de tous les signes que tu as une gueule de bois ou je prends une photo de cette grimace?
Kave essaya de se boucher les oreilles, mais je continuai ma prestation. J'espérais être crédible dans ma parodie d'autorité! Il devait aller se doucher! Il accepta oralement, c'était difficile de savoir s'il s'agissait d'un soupir, d'un râle ou d'une plainte, dans tous les cas aucune maturité n'y transparaissait, s'apprêtant à se réfugier derrière la porte. Je l'empêchai:
- Minute... Tu dormais pas chez ta copine?
- Elle m'a plaqué... Je suis rentré.
Ah... Ça expliquait le petit ton destiné au "flirt" qu'il avait pris... J'avais un peu honte.
Dans un certain sens, son allure d'épave justifiait une telle réaction.
J'allais essayer de traîner le jeune homme jusqu'à la salle de bain quand j'entendis tousser.
À la sortie du couloir, se tenait un homme en costume qui se croisait les bras, Henry Per.
- Lavie, peux-tu me laisser seul avec mon fils, s'il-te-plaît...?
Henry s'était retenu d'ajouter un "ivrogne de"...
J'obéis à mon employeur.
Pauvre Kave!
Pendant que je passais à côté du propriétaire des lieux, je l'entendis marmonner:
- Si ta grand-mère te voyait...
Serrant le poing, j'ignorai un peu la dispute qui commençait à se faire entendre, je savais que Kave et son père n'auraient jamais osé se crier dessus alors que Juno attendait sa jeune fille au pair dans le salon. Je fermis tout de même la porte du couloir menant aux chambres. Une étincelle me traversa, il avait fallu que j'oublie un certain détail.
Henry et son fils n'eurent pas le temps de se hurler dessus. Je rouvris immédiatement la porte.
- Euh... Henry... Excusez-moi! Je viens juste de me r... De me rappeler: Kave nous avait promis de nous conduire à la fac, Carla et moi.
Les deux hommes cessèrent le duel opposant les foudres sortant de leurs yeux. Le père soupira:
- Pardon... Ca m'était sorti de l'esprit. A cette heure, Kave devrait être en train d'aller à la muscu.
J'avalai ma salive.
Le père de Kave se contenta de mordre sa lèvre inférieure, puis abandonna:
- Fiston... Je te prie de tenir ta promesse. Accompagne ta sœur et son amie. Et en parlant de ça... Evite de te faire surprendre par Juno...
Après s'être aspergé de parfum et de déodorant, puis s'être brossé les dents, Kave nous rejoignit, Carla et moi. A quoi bon se doucher, sachant qu'il allait recommencer après le sport?
Le jeune Cherokee avait accompli un effort monumental, il avait enfilé un débardeur.
Kave prit son casque, plaça la visière adaptée au Soleil sur ses yeux, posa son sac à l'arrière de la nacelle.
Je n'avais jamais compris pourquoi la nacelle du vélo de Kave était aussi grande. Carla et moi le soupçonnions d'avoir pris un modèle pouvant accueillir deux femmes en même temps.
- On est pas trop lourdes pour toi? demandai-je.
- Si tu voyais les haltères qui m'attendent... plaisanta le jeune homme.
Nous traversâmes donc la forêt, d'après le frère et la sœur, c'était plus facile d'arriver à l'université depuis la banlieue en passant par les trajets des randonneurs, accessoirement: la nacelle ne passait pas les routes pour cyclistes.
Kave transportait deux femmes ayant la vingtaine, mais ne semblait rencontrer aucune difficulté, il ne transpirait pas plus que s'il avait pédalé seul.
Une fois sorti du sentier jaune et brun au milieu de l'océan d'arbres, notre chauffeur nous déposa, Carla et moi, aux abords de l'université. Le jeune homme but un peu d'eau et regarda la sororité où il nous avait déposé.
Personnellement, je n'avais toujours pas compris les concepts de "sororité" ou de "fraternité" étudiante, mais je supposais que Per U était à part, les maisons de ces groupes étant disposées dans une banlieue située derrière l'université. Au passage, je ne savais même pas s'il y avait une différence entre les universités et les facultés.
J'aperçus une affiche parlant de cette journée du 15 juin, la fondation "Nomoru Annette" se présentait aux étudiants.
Kave regardait au loin:
- AH! YUKIKO!
Je réfléchis à haute voix:
- C'est qui, déjà? Ah oui, tu l'as trompée avec Heather, c'est ça?
- Non, me corrigea Carla, il me semble qu'elle l'a plaquée et qu'elle lui en veut d'être allé voir Cynthia juste après... Ou je confonds avec Kaya.
- Non, votre père n'aurait jamais supporté que Kave fasse subir son petit jeu à une fille de votre réserve.
Trop tard, le frère de Carla avait déjà fui, son vélo disparaissait entre les arbres situés au bout de la route de la banlieue universitaire.
- Sur son épitaphe, sa bite sera mentionnée, plaisantai-je.
Carla lâcha un petit rire honteux. Admirez notre maturité de femmes adultes.
Nous allions entrer dans le bâtiment déjà bien animé, mais un gorille nous bloqua, il nous demanda nos noms, mais ne nous trouva pas sur la liste, il exigea donc nos cartes d'étudiantes:
- Moi, je suis étudiante, mais Lav' m'accompagne juste, expliqua Carla.
- Je suis désolé, mais nous avons déjà trop de visiteurs. Le quota est rempli! fit le gorille.
Sa voix me fit sursauter. J'espérais ne pas le déranger en refusant de le regarder dans les yeux.
- Vous avez lu mon nom de famille? réagit Carla, les sourcils froncés.
- Per... Ta famille est liée à l'université? demanda le gorille.
Le gorille se fit rapidement aborder par un ninja. La créature supersonique s'avéra être un des organisateurs de l'évènement, je ne compris pas ce qu'il dit, mais comprit un morceau:
- C'est la fille de madame Lea...
- Oh, ça va, je vais pas me plaindre parce qu'un nouveau ne me connaît pas.
Je me souvins alors du jour où un type avait voulu me toucher les fesses, Carla avait failli briser son poignet.
Annotations
Versions