Juste avant de m’évanouir, j’eus le temps de lire dans les pensées de Florian.

Qu’est-ce qui m’avait fait perdre connaissance ? L’aura de Mare !

Oui, c’est tout. C’était sa simple présence qui avait suffi à m’envoyer dans les bras de Morphée !

L’aura de Mare m’était apparue comme un coup de marteau, j’avais eu l’impression que la pression de l’air avait augmenté. J’avais senti l’atmosphère devenir palpable.

Comment avait-elle pu ne pas se fissurer ?

Bon… Pour être honnête, d’un point de vue physique et chimique, c’était comme ça que j’interprétais la nature de la forme ténébreuse de Mare, comme une fissure dans l’atmosphère.

Au cours de mes rêves, j’eus le temps d’interpréter le diagnostic de Florian.

J’avais décimé près de soixante-dix vampires…

J’avais incanté un sortilège. J’avais volé dans le ciel. J’avais manipulé l’environnement par télékinésie. J’avais lacéré mes ennemis entre mes griffes. J’avais transformé mes poussières féeriques en rayons de pure énergie et en arcs électriques. J’avais même lu dans les pensées.

Au cours de la bataille, je n’avais même pas observé le nombre de blessures que mon corps avait reçues !

Tout comme Florian n’avait pas eu à se soucier du contrecoup du soin qu’il avait prodigué au lionceau, je ne m’étais pas intéressée aux parties de mon corps qui avait pu être atteintes par des sortilèges ou par des coups de griffes.

Ne parlons pas non plus des arcs électriques !

J’étais épuisée. Supporter l’aura de la croque-mitaine de l’obscurité avait été un coup de grâce !

Je comprenais pourquoi Anubis tenait à ce que je trouve un remplaçant ou une remplaçante.

Au cours de mon rêve, je remarquai éprouver des difficultés pour lire dans les pensées.

Je réussis néanmoins à percevoir l’esprit de Madame Hawks.

Ma collègue regardait une chaîne d’informations du monde de Florian et de Luka, celui où se trouvait Fleurs.

Plusieurs témoignages indiquaient avoir vu une scène connue.

Les congénères d’Anubis avaient aperçu un gigantesque serpent blanc traversant le ciel. Cette apparition s’était abattue sur le sol et avait rétréci.

La couleuvre s’était donc transformée en homme. Les Grandes Faucheuses n’avaient pas réussi à reconnaître la créature, mais savaient avoir affaire au "Résurrecteur" !

Le mage-couleuvre avait versé une goutte rouge sur la terre.

Les Grandes Faucheuses confirmaient avoir vu le lanceur de sorts se transformer en symbole magique, plus précisément en ânkh (clé de vie de l’Egypte Antique).

Là où le sang était tombé, une gigantesque main composée de pierres avait émergé.

Le reportage en direct que regardait Madame Hawks montrait un monde composé d'îles flottant au milieu d'un ciel diurne, il se concentrait sur la forêt d'une montagne féerique.

Thème de l’Egg-Cerberus et de l’Egg-Genesis, "Sonic the Hedgehog" (2006), composé par Hideaki Kobayashi :

Un éclair d'aura était tombé près de la caméra qui filmait.

Deux créatures venaient de remplacer ce rayon d’énergie.

L'une d'entre elles était un dragon. Ce métahumain sortait d'une coquille géante couverte piquants, puisqu’il n’était pas pourvu de pattes, mais plutôt de nageoires, de longs tentacules velus l'aidaient à reprendre son équilibre. Ces pseudopodes s’avérèrent être ses moustaches.

En plus du dragon-escargot, se relevait un démon déguisé en humain. Son aura rappelait celles de Luka.

Certes, en dehors des vampires, tous les démons possédaient une aura rappelant les ailes de chauve-souris, les cornes et la queue en fourche d'une figure diabolique, mais la bonne à tout faire des Per savait qu'il s'agissait d'un congénère de Luka.

Le Martien, le visage déformé par la rage, changea d'apparence. Ses vêtements disparurent, ses coudes se désarticulèrent, son visage s'allongea.

Le démon possédait désormais de longs tentacules à la place des lèvres et des doigts. Le monstre blanc tourna ses yeux dans la direction des reporters :

- Eh ! Les civiles, ça dégage ! Sinon la patronne va gueuler !

Les personnes ayant lu "Faire du Volontariat en Italie" reconnaîtront le démon Ashtar Vrillon.

Le Martien prit le dragon moustachu entre ses mains, puis son envol, Kave, passant dans le salon, reconnut la créature sans membres qui se faisait porter par un démon presque trois fois plus petit que lui :

- C'est Lou Carcolh ! A savoir le dragon qui a inspiré Muplodocus ! se dit celui qui avait retenu ce que je lui avais raconté.

La caméra s'était déplacée jusqu'à la clairière où Ashtar et son compagnon s'étaient rendus, à savoir là où les témoins avaient vu l’entité en forme de serpent.

Le monstre géant de pierre et les tessons d'archipels aériens déchiquetées auraient de toute façon attiré son attention.

Le combat avait lieu au bord de l'île flottante, un colosse constitué de cristaux abyssaux, sans doute aussi grand que ce qu'il restait de l'île céleste, était sur le point de tomber dans le vide, il essayait de remonter. Pendant ce temps, trois sorcières, vêtues à la manière de leurs consœurs des contes pour enfants, mitraillaient sa tête de rayon de runes et d'éclairs scintillants.

Ces trois femmes au visage caché par un chapeau et un masque, vous vous douterez qu'elles avaient chacune leur propre chapeau pointu et leur propre masque, il eut été compliqué de se partager le même dans les deux cas, n'étaient pas seules.

Elles furent rapidement rejointes par les flammes multicolores qui sortaient de la gueule du dragon-escargot et par un sortilège électrique évoqué par les antennes du Martien blanc.

Boum !

La magie des sorcières avait pris possession des deux attaques pour guillotiner le monstre de pierre.

Il ne resta plus qu'à une des femmes de donner le coup de grâce.

La sorcière se dépêcha de se changer en louve, puis de s'entourer d'étincelles d'aura.

Le canidé magique, paré d'éclairs surnaturels, se transforma à son tour en comète. Son impact provoqua l’explosion du rocher vivant.

Le reste du corps abyssal arrêta de tomber dans le vide du jour éternel. Les deux parties du démon élémentaire avait pris une teinte plus sombre et s'étaient morcelées. Une lueur rouge éclairait chaque fissure.

Chaque gemme et obsidienne fut incinérée. Sans même avoir pris feu, le démon rocailleux n'était plus qu'un tas de cendres noires et de lucioles rouges.

Chacune de ces particules électrifiées convergea vers la main de la femme-louve. Cette sorcière reprenait forme humaine.

La jeune femme bondit de joie en voyant ces poussières magiques tourbillonner et former un rectangle.

Elle remercia ses partenaires, en particulier la jeteuse de sorts à l'habit de neige.

La sorcière habillée en blanc claqua des doigts, le dragon et le Martien retournèrent vers elle, ils s'étaient eux aussi divisés en plusieurs cendres noires et rouges avant de devenir cartes de tarot. Les deux artefacts lévitaient devant leur maîtresse.

Les deux cartomanciennes (si on pouvait les appeler ainsi) firent rentrer leurs outils rectangulaires dans leur corps.

Alors que le reportage se terminait, des cris de colère se firent entendre.

15 juin :

Chambre de Lavie, Manoir Per, Banlieue résidentielle de Mockingcrow, Oklahoma, Terre Aflheimienne:

"Winter wolf" (thème d’Yoichi Yukimura), "Camp Buddy", par HMNK et MYM :

Comment rester endormie quand un nouveau combat faisait trembler les murs. Je sortis de ma chambre, ne remarquant même pas que je ressemblais à l'humaine que j'avais cessé d'être. Je me dirigeai donc vers le grand hall.

Florian et Carla étaient en train de se battre.

Du dos du transformiste Philippin, émanait sa tempête de neige en forme de loup blanc et bleu, de celui de l'étudiante Cherokee, sortait une lionne composée de flammes rouges. Assis sur une chaise, Luka s'enfonçait dans la fourrure de Shouka, l'enlaçant comme si c'était un énorme ours en peluche. Bobby caressait les boucles blondes du démon.

Chaque rencontre des flammes de Carla et de l’avalanche de l’homme-loup crachait un déluge d’arc électriques

Appuyée contre le mur, madame Hawks croisait les bras :

- J'ai hâte d'expliquer ça aux voisins, soupirait-elle.

- C'est pas de la faute du "Martwink" si ta copine est dev'nue une fée, alors ta gueule, furie pyromane !

Les poings enflammés, mon amie cracha :

- Toi, ta gueule, je connais la loi ! Tout ce qui s'est passé est sa responsabilité !

La tête de Florian devint celle d'un crocodile albinos, il propulsa ses crocs sur le fouet incandescent qu'était devenue la jambe de Carla.

Quelle rapidité ! Pour éviter que les flammes entourant le mollet et le pied de Carla ne fassent des dégâts, la bonne à tout faire tourna sur elle-même. Transformée en cyclone miniature, Madame Hawks fit disparaître dans son œil les étincelles, de même que la neige qui émanait des dents de l'homme-animal Philippin.

- Saloperie de croco !

Le duel cessa en même temps que le tourbillonnement de la bonne. Elle se figea en me voyant me précipiter sur elle, les ailes de papillon et la couronne entourant son corps étaient constituées d'arcs-en-ciel, le doré dominant, mais semblaient avoir été sculptées dans de la poussière de cristal :

- Vous êtes une lutine ?! J'LE SAVAIS ! Et en plus de ça, une Sotré !

Sotré : Lutin tourbillonnant très doué pour s'occuper des chevaux et effectuer des travaux en échange de biens et de services. Dans les Vosges, ses farces sont légendaires.

- Une sauterie ? réagit Florian.

- "Sotré", c'est... commença Luka.

Madame Hawks trouva la force de lui couper la parole :

- C'est comme ça que les Français appellent les Hobgoblins...

Des larmes coulèrent sur les joues de Carla.

C'était logique. La Lavie qu'elle connaissait n'aurait jamais combattu des vampires sans se poser des questions sur les morts-vivances qu'elle prenait... La Lavie qu'elle connaissait n'aurait jamais accepté aussi rapidement une telle situation.

La Lavie qu’elle connaissait n’aurait jamais exterminé plus de soixante-dix vampires sans transpirer.

Il y avait une raison pour laquelle aucun des phénomènes paranormaux ne me surprenait plus. Il y avait une raison pour laquelle découvrir que les Per étaient bel et bien des dhampires ne me dérangeait pas. Il y avait une raison pour laquelle une commise de cuisine qui n'avait jamais appris à se battre savait comment gérer une cinquantaine de vampires.

Je réalisai comment j'avais été capable d'assimiler tout ce que j'avais appris.

Le sang qui coulait dans mes veines, la chair qui la couvrait et les cheveux qui coiffaient ma tête n'avaient rien à voir avec ceux que j'avais en partant. La couleur violette de mes yeux en était la preuve.

Carla ne reconnaissait ni mon odeur, ni mon intonation, ni mon aura.

Ma métamorphose concernait jusqu'à mon cerveau, jusqu'à mon âme. Si tout le monde pouvait devenir fée, il n'y aurait plus un seul mortel à Fleurs !

J'avais tous mes souvenirs. J'avais l'impression d'être Lavigna Sthot, je l'étais tout en ne l'étant plus.

Carla et moi entrâmes silencieusement dans le salon.

A quoi ça servait, la télékinésie et la télépathie dans ce genre de circonstances ?