Chapitre 6°) Les couleuvres n'ont pas besoin de venin !

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A l'approche de sa pause déjeuner, Luka a reçu un message de la part de Madame Léonard.

Elle lui demandait de se filmer pour son prototype à la cave. La directrice du B.R.M.A demandait à ce qu'on vérifie de quoi l'appareil était capable. Il fallait que la machine imite le sort du mage démoniaque.

Luka ferma donc les rideaux du bureau de Henry. Il plaça sa boule de cristal sur la table.

Le sorcier se concentra, il se sentit flotter au milieu du vide intersidéral.

Cette chimérique obscurité était percée par quelques galaxies, nébuleuses, étoiles et constellations. Tous ces corps célestes irisés se réunissaient jusqu'à modeler l'image d'un arbre perdu entre plusieurs dimensions parallèles.

Au niveau du tronc, un arc-en-ciel partait dans toutes les directions pour relier les espaces susmentionnés.

Le conjurateur du sortilège envoya sa volonté prendre possession de cet arc-en-ciel.

Quasars, soleils et trous blancs passaient à travers les racines et les branches afin de quitter le frêne. Ils s'insinuaient dans le sorcier.

Luka fit ensuite appel à ses formules runiques pour dessiner son incantation circulaire.

Au milieu du pentacle, il dessina le symbole astrologique de la Constellation du Taureau (un cercle pourvu de cornes).

A l'intérieur du cercle de la rune, il dessina quatre portes formant un "X" par leur ouverture. Il fronça les sourcils en observant l'anneau entourant l'étoile à cinq branches :

- Non, ça, ce sont pas des runes de conjuration...

Le jeune démon dut corriger les symboles qu'il avait gravés sur la partie extérieure de cette magie.

Une fois le sort lancé, le cercle fusionna avec l'arc-en-ciel que Luka avait visualisé.

L'amalgame obtenu fut un tourbillon jaune plat, comme placé sur un mur invisible.

Ce portail flottait au-dessus du sol.


Le vortex jaune montrait en son œil l'image d'un autre endroit, Luka pointa du doigt plusieurs endroits que le portail affichait. Cet écriteau placé sur un mur, ces pierres précieuses et ces poteaux étaient ceux de la mine "Lennox".


Au même moment, à la cave, le cheval mécanique recevait la vidéo. Il s'était divisé en une multitude de petits cubes gélatineux. Ces bonbons carrés évoquaient pour le sorcier un mélange de blocs de graphite et de loukoums.

La texture et la couleur mêmes de ces éléments échappaient au mage. Ce n'était pas leur orgie de couleur ou la dominance du rouge parmi les teintes qui dérangeait l'œil, mais la présence même.

Luka essaya de comprendre ce bazar qui semblait violer les lois de la physique :



- On dirait de la CGI mal travaillée qui aurait été incrustée de force dans la réalité. Après... J'ai jamais observé de cheval-mallet ! Et au passage, c'est quoi, cette caméra ?

Luka grogna, l'image n'était pas nette, elle finit rapidement par disparaître. Fort heureusement, l'hologramme de sa boule de cristal indiquait que le portail était fonctionnel.

Le sorcier démoniaque soupira et laissa son sort se conjurer de lui-même.

Luka supprima son portail magique, le laissant s'estomper. Il ordonna au robot de se désactiver le portail formé par les cubes gluants.

- Au moins, ce machin est capable de calibrer une téléportation.

Luka vérifia que le portail cybernétique avait bel et bien disparu et retourna à sa mission principale.

L'image du robot refusait de quitter son esprit.

Il remarqua que sa main tremblait.

Pourquoi une bourrasque froide le foudroyait-elle ?

- Je comprends pourquoi ces appareils me mettent autant mal à l'aise, pensa le sorcier.

Au laboratoire du bureau, quand Madame Léonard lui avait présenté ce prototype, Luka avait déjà eu la nausée.

Dans sa tête, le jeune mage élaborait toutes les hypothèses possibles sur l'origine de ce malaise : Cette machine projetait-elle des rayons gamma ? Contenait-elle une substance toxique ? Les cristaux la composant menaçaient-ils la vue du sorcier ?

Il réactiva sa boule de cristal et nota sur un pense-bête ce qu'il avait observé : non seulement, les monstres semblaient instinctivement détester cette technologie, mais le prototype qu'on avait confié à Luka avait présenté un défaut d'alimentation.

Le communiqué de Madame Léonard le confirmait, la fascination et l'émerveillement nourrissaient sa machine. De nombreuses notifications avaient donc dérangé Luka. Son oreillette lui avait signalé que le "Cheval-Mallet" s'était rechargé au cours de la conversation que nous avions partagée, lui et moi, pourtant à aucun moment, Luka ne se souvenait avoir autorisé la recharge.

Le lanceur de sorts grogna sur ses notes :

- Ce serait plus simple si j'étais dans la mine !

Un éclair jaune se propulsa hors du sol, puis se transforma en motte de terre, en tourbillon sphérique qui emporta Luka tout en disparaissant.

***************

A ce moment, j'étais moi-même en train de déjeuner dans ma chambre tout en regardant ce que Luka avait posté sur les réseaux sociaux. Ses dessins de cercles magiques et de créatures fantastiques devaient me donner un sourire béat. Son dessin du Culâ des livres de Lennox me plaisait, il le représentait comme une araignée robotique portant une gueule sur le dos, et un chapeau de sorcière.



Des étoiles dans les yeux, je continuai de manger. Je fus néanmoins dérangée par un hennissement.

Je manquais d'avaler de travers ma purée.

Je regardai par la fenêtre. Il était déjà arrivé une fois que des chevaux viennent dans le jardin.

Les habitants du manoir avaient pu assister aux progrès de Juno en équitation, mais je ne voyais que la gouvernante et le jardinier intérimaire en train de s'échanger un langoureux baiser.

Je ne voyais aucun cheval.

Je me dirigeai donc vers le hall d'entrée, quand j'entendis un nouveau hennissement.

Encore aujourd'hui, je me dis avoir été guidée par une armée de mains tapies dans les ténèbres, par des couleuvres spectrales.

Guidées par le rire sardonique du “Résurrecteur”, elles se déchaînaient.

En ce moment fatidique, ce bruit m'attira vers la cave à vin des Per.

Son ricanement se manifestait de plus en plus fort, même si ce n'était qu'une métaphore. Et il devait être en train d'écouter :

Le thème principal de "Fullmetal Alchemist Brotherhood" par Akira Senju !

La seule chose que j'avais l'habitude de trouver, c'était Juno qui sermonnait son frère parce qu'il volait une bouteille à ses parents, mais en cet instant, le temps se gela. L'univers, envahi par les ténèbres cessait d'exister.

En traversant la porte, le hall disparut.

Chaque fois que je passais d'une marche à une autre, l'escalier rétrécissait.

Il était là.

Aujourd'hui, je le savais.

A l'époque, je n'avais aucune conscience de la présence qui dévorait peu à peu l'existence pour, les doigts positionnés en triangle, les fesses collées sur un trône composé des crânes de ses victimes, me pousser à faire le choix qui serait un jour fatal pour tout ce que je connaissais.

S'il y avait un Dieu, il savait que tout ce qu'Il avait créé serait transformé par un simple geste.

En écrivant ces mots, je ne pouvais qu'entendre l'accélération et la montée en puissance du ricanement glacial.

Je ne pouvais qu'imaginer la couleuvre blanche qui emprisonnait dans les anneaux formés par son long corps cette cave.

- Vas-y ! Avance !

Rien qu'en me remémorant ces évènements, je ne peux que revoir le clou que j'étais, celui qui refermait le couvercle d'un cercueil destiné à l'ensemble de l'univers... Et même du multivers.

Un motif récurrent dans les mythes et légendes étaient le Hérault annonçant la catastrophe.

Les trompettes du Paradis devaient précéder l'Apocalypse.

Les Anciens se souvenaient encore aujourd'hui du chant des trois coqs, suivi du bruit de cor, quatre mélodies qui furent les prémices de Ragnarök.

Là, non, j'avais été la seule à entendre le bruit d'un cheval.

Domptées par les fils que tirait le "Résurrecteur", mes jambes avançaient.

Une fois descendue, je découvris l'origine du bruit.

Comment aurais-je dû réagir en découvrant ce phénomène?

Certaines personnes auraient fui. D'autres auraient crié.

Il y avait aussi l'évanouissement ou l'immobilisme.

Moi, je m'étais vantée toute ma vie que j'aurais cherché une explication rationnelle.

En voyant ce portail composé de blocs gélatineux rougeâtres, mon corps se jeta dedans.

Pour les êtres mythiques, cette action était plutôt banale, mais pour tout ce qui existait, c'était, à l'époque, l'étape suivante de la destruction de l'humanité!

Sans réfléchir, je pris ma place dans un évènement historique.


Je n'avais eu qu'à faire un pas.

Je venais donc de passer le portail mystique, je n'en revenais pas, j'étais dans une mine, la lumière provenait de lampes placées au plafond, elle faisait clairement partie d'un circuit touristique.

Je fus bousculée par une voix dans ma tête, la mienne, elle était furieuse (donc, MOI, j'étais furieuse!):

- T'es conne, me hurla-t-elle. TU VOIS UN PORTAIL MAGIQUE BIZARRE ET TU FONCES DEDANS !

J'avoue, ça avait été un réflexe, une impulsion. Mon égo se gonfla en se disant que j'avais au moins la lucidité de reconnaître le problème.

Le portail imprévu disparaissait.

Je pus réaliser ce que je venais de faire, mais refuser du croire.

Ma première pensée fut que je venais de me faire enlever.

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