Chapitre 10 : Deux piles, écrit par Camille Reynes Barcelo

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Chapitre 10 : Deux piles, écrit par Camille Reynes Barcelo


Il y a de l’agitation à l’Assemblée ce matin. Les gens vont et viennent entre les différents bureaux, les bras chargés de dossiers et d’enveloppes. Je n’y prête guère attention, désormais coutumier avec les drôles de manies des politiques.
Alix est d’ores et déjà plongée dans ses dossiers lorsque je franchis le pas de la porte. C’est à peine si elle relève la tête pour me saluer au début. Je patiente quelques longues secondes et enfin, elle daigne relever les yeux pour me dévisager, un drôle de sourire au coin des lèvres. C’est rare de la voir sourire, surtout en ma présence. À vrai dire, il ne me semble pas l’avoir revu rire ou sourire depuis notre petite soirée arrosée d’il y a quelques jours.
De la main elle me fait signe d’approcher, et me désigne une pile d’enveloppes ainsi qu’une liste d’adresse et de personnes à livrer.


— Grosse journée aujourd’hui, me lance t-elle distraitement. J’espère que tu as les jambes reposées.


— Toujours. J’ai la chance d’avoir un job qui entretient, par rapport à d’autres.


Elle ne se formalise pas de ma pique, et retourne à ses études de paperasse.
Je récupère donc ma pile de courrier, et vais récupérer mon vélo avant de me mettre en route.
Mes premières livraisons se passent bien : je serre des mains et parle à des hauts placés dont je n’oublie pas de noter noms et prénoms dans mon petit carnet. Certains s’étonnent de me rencontrer pour la première fois, me détaillent avec suspicion : est-ce mon travail ou le parti que je serre qui ne va pas avec mon physique ? Leurs réactions m’amusent, bien que je n’en montre rien.
En fin de journée, et alors que je remets mon avant-dernier courrier à un habitué, je remarque quelque chose qui jusqu’alors, ne m’avait pas sauté aux yeux : sur son bureau d’accueil, il y a deux piles de courriers. L’une est haute et fournie, l’autre plus petite, et camouflée derrière un tas d’autres dossiers, de classeurs colorés. C’est sur cette pile-ci que finis l’enveloppe que je viens de livrer. En voyant mon regard s’attarder sur les piles, le secrétaire me sourit, et me presse vers la sortie, un rire neveux agitant ses maigres épaules :


— Il vous reste encore du travail. On se revoit vite.


Hors de portée de son regard inquisiteur, je sors mon carnet, et souligne plusieurs fois le nom de la personne que je viens de livrer, afin d’approfondir mes recherches à son sujet dans les jours à venir.

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