Chapitre 2 (Noah)
Promenade
Je me promène dans le quartier. Il n'y a pas grand-chose à voir, juste deux longues lignes de maisonnettes se ressemblant presque toutes. Mon patelin, un endroit misérable se cachant derrière des jolis jardins et des belles maisons. Comme d’habitude le quartier s’éteint en même temps que le soleil. Toutefois, il y a quelque voisin à observer pendant mes marches.
Tout d'abord « le vieux Ed », un ancien militaire ou un truc du genre. Un fou furieux qui fait constamment des rondes aux alentours de sa maison. Il dort en compagnie d’un bazooka et une mitraillette sur une chaise longue posé sur sa terrasse.
Parfois, Victoire et moi, nous nous cachions dans la cabane abandonnée non loin. Nous le taquinions en lançant des cailloux sur sa pelouse et son toit ou nous faisions des bruits d’animaux. Ce fou se réveillait, s’il était endormi, accoure, tire dans le vide ou sur le caillou. Refais une ronde avant de retourner sur chaise longue. Alors que nous tentions de ne pas rire trop fort. Je me suis contenté d’un salut militaire, quand je suis passé devant chez lui.
Ensuite il y a « Flora l'opératrice », une femme à la peau d'ébène bien en chair passant ses nuits à chanter dans une langue étrangère. Je n'ai jamais compris le sens de ses chansons. Mais cette nuit comme beaucoup d’autre, je reste devant sa fenêtre pour écouter ses chansons et je voyage pendant des heures.
Sur le chemin, je croise Henry, ou Julien. Victoire l'appelle toujours par un prénom fictif à chaque fois qu’elle le croise. Entre nous, nous le surnommons « Père Noël ! », parce qu’il se promène toujours avec un caddie rempli de paquets cadeaux. Victoire dit que c’est un tueur de riche doubler d’un cannibale et que ces paquets contiennent des morceaux de chaires humaine.
Cette théorie n’est pas si folle, car son caddie empeste toujours la mort. Enfin ce détail n’empêche pas Victoire de rigoler avec lui, à coup de sarcasmes morbides. Pendant ma promenade je me contente de lui faire coucou alors qu’il dévale l’allée sur son chariot, avec un sourire d’enfant.
Tien je suis déjà devant la maison de « Florentin », notre voisin d'à côté. Un fan de métal qui fait souvent péter le volume. Le plus souvent c’est juste pour voir rappliquer ma sœur afin d’échanger des banalités avec celle-ci. Je le salue au passage, ils fument un joint d’herbe médicinal. Il a des écouteurs, mais il peut lire sur mes lèvres que je lui souhaite « la bonne soirée ».
Voilà j’’arrive devant l’habitat d'un autre phénomène du quartier « Victoire ». Une sarcastique et une fille de joie qui s’est entichée d'un ado au regard vide. Sans doute parce que celui-ci ne la prend pas de haut et ne la juge pas. Sous prétexte qu'elle accueille des hommes d'ici et là sous ses draps afin de payer ses factures.
Pour moi, ce n’est qu’un détail sans importance. Cette demoiselle aime rire de son travail. De plus elle se moque totalement du jugement des autres. Je sonne et une Victoire en sous-vêtements violets m’ouvre.
Orphelin
—Ma sœur est avec son copain dans la maison. Je ne pourrais pas dormir de sitôt. J’aimerai savoir si tu as de la place pour un orphelin ?
Demandai-je en mimant un air tristounet.
Elle pousse un souffle d'exaspération et d'amusement, la demoiselle est visiblement occupée. Lorsque je compris qu’elle me dira « non ! », je commence à m’en aller mais elle me retient avec un :
—L'orphelinat est fermé mais je vais te trouver un endroit où te faire patienter.
Cette femme aux cheveux bleus me sourit avant de me faire un signe pour la suivre. Elle cache la porte de sa chambre et m’emmène dans la salle de bain. Victoire m’ordonne avec sérieux de « rester là et de ne faire aucun bruit ». En même temps ici, il n’y a pas grand-chose que je puisse faire. Victoire est surement avec un client qui préfère le silence, car je n’entends plus depuis son départ.
N'ayant rien pour m’occuper, j’observe la salle de bain. Elle est usée et fissurée, assez terne en somme. Semblable à notre salle de bain, et sans doute à celles des autres maisons du quartier. Vue de l’extérieur, ces maisonnettes semblent très belles, mais leurs intérieurs sont très souvent insalubres. N'ayant plus rien à regarder, je m'endormis en m'appuyant sur la baignoire.
Un immense jet d'eau vint me réveiller et le sourire de la sadique m'accueillit après cette farce. Apparemment elle a fini et n'a pas trouvé de moyens plus doux de me réveiller, ou alors elle voulait juste s'amuser.
Je la suivis dans la cuisine. Elle a débouché une bouteille de vodka et a déjà dégusté un verre de ce breuvage. Elle m'en propose un et je fis signe que je n’en voulais pas. Celle-ci se moque alors, avant de remarquer :
—Tu as peur d'un petit verre d'alcool, toi qui te dis vide et en attente de la mort !
Elle n’a pas tort quand j’y pense. Alors sans raison, je pris la bouteille et la vide d'une traite. J'entends Victoire dire à semi voix choquer :
—Mais tu vas te tuer !
J’entrevue son visage inquiet, c’est la première fois que je la voie ainsi. Une fois la bouteille vidée, elle sourit mais de peur. D’un coup je me sens mal, j'en ris, mon amie poursuit mon rire.
Après, plus rien, j'ai juste eu quelques images de Victoire faisant la même folie que moi en vidant une bouteille. Une trace de nos rires, de nous criant, pleurant et allant où notre cœur nous dit d'aller.
Tableau
Ce fut un mal de tête qui me réveilla. Je suis appuyé sur Victoire, celle-ci dort comme une marmotte. Je regarde mes alentours, les murs sont bleus, des affiches de films italiens les décorent. Nous nous trouvons chez moi dans la chambre des invités. C’est aussi ma chambre bien je n’y dors que très rarement. Celle-ci est devenu la chambre où les copains de ma mère se rendent en cas de dispute mais vu que celle-ci n’est pas là, un petit nid de poussière recouvre chaque objet.
Je me dirige vers les toilettes. Une fois devant la porte, je déverse tout ce que j'ai dans le ventre, enfin ce qu'il en reste. En me relevant de la cuvette, je remarque un tatouage de renard sur mon poignet.
Il a sans doute un rapport avec le fait que Victoire et bien d'autre m'assimilent à un renard à cause de ma crinière rousse. Je retourne auprès de mon accompagnatrice de soirée pour savoir si elle a plus d'infos, car pour moi c'est le trou noir ou presque.
Victoire est toujours endormie sur le lit. Dans sa nuisette violette décorée de quelques taches de vomi. Elle a l'air d’un ange assoupi, surtout avec cette lumière venant éclairer une partie de son visage. Sans oublier ce vent qui fait voler avec délicatesse quelques mèches de sa chevelure bleutée. À croire qu'un peintre a passé une vie à créer ce beau tableau, tant il est subjuguant.
Il me peine de la réveiller, et d'ailleurs, je ne réussis pas à le faire. D’un coup je m'écroule sur elle, prit d'une fatigue soudaine. Je ne pus faire autrement que de squatter ce tableau.
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