Chapitre 2

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J’étais seul face à ce garçon supposé être mon âme-sœur à présent. Je n’avais pas adressé un mot que ce soit à lui ou au scientifique qui nous a présenté.

- Donc heu. Il hésita, le regard tourné, il le replaça sur moi. Lilith, c’est ça ?

- Pas que tu as besoin de le savoir, mais oui.

- Je suis Ja-

- Conserve ta salive, je m’en tape.

Je l’avais sèchement coupé alors qu’il voulait se présenter. Ses yeux s’écarquillèrent de surprise avant qu’il ne se mordit la lèvre inférieure de façon nerveuse. Je levai les yeux au ciel, j’attrapai ma valise et l’emmenai dans la chambre, m’enfermant à l’intérieur. Je soupirai longuement. J’espérais qu’il ne comptait pas me coller. Déjà que je supportais ma mère, alors une âme-sœur… Urg, je n’ai même pas envie d’y penser ne serait-ce qu’une minute.

Je déposai ma valise sur le lit, un lit double, avec des draps blancs. Blancs, comme tout le reste de cet endroit. J’allais vraiment finir par haïr cette couleur représentative de la clarté. J’ouvris ma valise pour placer mes affaires aux places qu’elles allaient occuper pour les prochaines années à venir, le temps que je me résigne sûrement. Je pensais ce que j’avais dit à mon père face à ce gouvernement, je me sens comme une lame émoussée sur un champ de bataille. Je me tenais là, mais personne ne voudrait me récupérer, car je pourrai me briser et devenir d’autant plus inutile que planter dans la terre. Je détestais être aussi vulnérable. Je n’étais pas faite pour ça. J’étais une femme qui, à l’époque d’avant, aurait pris les armes et me serait avancée sur le front pour déchirer la chair. Évidemment, je n’enviais pas le temps d’avant l’Uniformité.

Avant l’Uniformisation, les gens se battaient et tuaient pour un rien. Le voisin était plus riche, sa femme plus belle, simplement parce qu’ils en avaient envie. La violence avait réponse à tout pour ces gens. L’Uniformité était un événement datant d’il y a peine un siècle. Avant, on était dans ce qu’aujourd’hui, on appelle l’ère des Infréqués. Maintenant, et ceux depuis une centaine d’années, ont vie l’air Post-Uniformise.

J’entendis trois coups sur ma porte.

- Oui ?

Le huis, d’un bois sombre, fut poussé et le garçon de tout à l’heure, mon ‘âme-sœur’ entrait dans la chambre. Je ne l’avait pas détaillé tout à l’heure, mais il avait l’air très légèrement plus grand que moi, des cheveux bouclés noir de jais, une peau assez foncée, il possédait probablement des origines d’un pays voisin. Peut-être ses prédécesseurs avaient-ils vécu dans les parties plus chaudes de l’ancien pays. Ses yeux noisette me transperçaient, comme s’il tentait de déceler tous les secrets de mon être. La lumière fit briller quelque chose au niveau de son oreille droite, mais je ne pus savoir si cela était sur lui ou bien derrière.

- Je peux t’aider ? Je crois que tu t’es trompée de chambre. Je le taillai.

- Je voulais te parler en fait.

Il croisait les bras, de manière renfrognée, malgré ce geste qui pourrait démontrer d’un semblant de timidité, le mouvement fit rouler ses muscles le rendant, je dois me l’avouer à moi-même, plutôt séduisant.

- Seras-tu la lumière de ma vie ? Me demanda-t-il soudainement, me faisant écarquiller les yeux.

- Non. Jamais. Je ne le permettrai pas. Réponds-je sèchement.

Il me toisait et je lui rendais ses œillades avec la même intensité. Je pouvais lire la curiosité dans son regard semblable au café fraîchement moulu, profond et enveloppant. Je me demandai dans un coin de mon esprit comment, lui, voyait mes yeux. Mes yeux, si marron, qu’ils s’en dégageaient un noir, telle la suie d'un feu éteint, laissant les traces d'une destruction irréversible.

- J’aime tes yeux. Me dit-il.

- Ne te force pas à me complimenter. Je crachai avec haine.

- Je ne me force pas, tes yeux ressemblent à une sombre nuit.

- Oui, comme celle où tu sembles te perdre dans l’abîme.

Il me regardait avec étonnement, mais ne s’attarda pas sur la question. Il laissait échapper un ricanement, que je reliai à de la nervosité, il se tournait pour sortir de la chambre, mais se retourna avant de fermer la porte, pour me regarder dans les yeux.

- Je percerai le secret qui t’entoure, Lilith Cochet.

Il m’offrit un grand sourire, qui me fit lever les yeux au ciel avant qu’il ne parte, pour de bon, de ma chambre.

Je finissais rapidement de ranger mes affaires, quand mon téléphone sonna, j’y jetai un coup d’œil, avant de décrocher et de voir la chevelure blonde de mon amie s’agiter devant la caméra.

- Salut Cordelia

- Coucou ! Alors, comment est-il ?

- Un trou du cul.

Je lui répondais du tac au tac, elle leva les yeux au ciel, semblant vouloir me demander d’être gentille avec lui, mais je voyais bien la lueur d’amusement qui dansait dans ses yeux.

- Essaie au moins d’apprendre à le connaître avant de dire ça. Me dit-elle. Comment il s’appelle ?

- Me souviens pas. Dis-je en hochant les épaule, je sors de ma valise le poignard que mon père affectionne et qu’il m’a offert à mon anniversaire.

- Range ce truc… elle soupira, exaspérée. Bon a priori, tu ne seras pas bavarde sur lui donc je vais te parler de mon âme-sœur !, me dit-elle enthousiaste, je la scrute un instant.

- Il s’appelle Chain, il a un an de plus que nous. On a été matché, car il n’avait pas de match l’année dernière ! Il est grand, de beaux cheveux noirs de jais, des yeux noisette magnifiquement beaux, et une peau bronzée qui ne fait qu’ajouter à son charme.

- Le physique ne fait rien, Cordelia, ce n’est rien qu’un plus. Je lui rappelle le regard sévère.

Je ne voulais pas qu’elle finisse avec quelqu’un de beau qu’à l’extérieur. La beauté physique n’est que subjective. J’espérais qu’il traiterait bien son petit cœur plein d’espoir. Bien que je ne pensais pas avoir à trop m’inquiéter. Il est bien plus rare de trouver des réfractaires comme moi que des personnes comme Cordelia.

Je jetai un regard par la fenêtre. La nuit tombait. Je souriais doucement à ce constat. J’appréciais les nuits claires où la lune brille sur ma peau, où mes cheveux se fondent dans les couleurs sombres que forme l’obscurité.

Je saluai rapidement mon amie avant de raccrocher mon téléphone. Je fouillai dans l'armoire en bois de pin, où plutôt, j'ai installé mes affaires. J'y retrouvai un jogging noir avec deux bandes blanches sur chaque jambe. Je retirais mon jeans avant de glisser dans ce jogging, qui me rappelait la maison et mes nuits passées dans ma chambre seule lorsque papa n’était pas là. Je retirai mon débardeur et mon soutien-gorge pour enfiler une brassière de sport, trop petite. J’achetais toujours mes brassières de sport une taille en dessous, je trouvais que cela offre un meilleur soutien. Je choppai en plus une veste de sweat-shirt et l’attachai autour de ma taille. Discrètement, j'ouvris la porte de ma chambre. L’appartement était plongé dans un noir total. Les rideaux des grandes baies vitrées du salon avaient été tirés. Probablement, ce gars qui l’avait fait, comment s’appelle-t-il déjà ? Je devrais peut-être faire au moins l’effort de retenir cela.

Tout en marchant vers la porte d’entrée, je me rejouai le souvenir de notre rencontre qui m’avait pour le moins contrariée. L’aurais-je apprécié dans d’autres circonstances ? Je me le demandais. Je faisais mes lacets de basket avant de discrètement passer la porte d’entrée, je tapai le mot de passe sur le petit boîtier de la porte, le recopiant du pense-bête que je me suis fait sur mon téléphone.

Je tournai le dos à la planche en bois et enclenchai le pas vers la cage d’escalier, que je dévalai sans aucune discrétion. Je poussai la porte du rez-de-chaussée, me retrouvant dans le lobby épuré du centre, où on n'entendait pas une mouche voler. J’actionnai les clenches des portes menant vers les jardins et m’enfonçai à travers ceux-ci. Je hais cet endroit, mais je ne peux lui enlever la beauté de ces jardins. Le seul emplacement de ce centre où les couleurs semblaient prêtes à exploser, dans un nuage de beauté. Les fleurs, de couleurs claires, l’herbe fraîche, les cailloux beiges du sentier, tout respiraient la bonté et le naturel. Une ironie qui m’aurait presque fait lâcher un ricanement à ce constat. Dans cet endroit si froid, les jardins ressemblaient à un sanctuaire caché. Comme le paradis de cet enfer, ou à une oasis au milieu d’un désert. Je pouvais m’en sortir.

- Tout ira bien, tu peux survivre à cette merde, tu lui as promis. Me murmurais-je à moi-même.

Je relevai les yeux vers le ciel étoilé, bien dégagé, malgré la pluie qui n’avait cessé de tomber toute la journée, comme si la météo s’accordait à mes émotions. Je souriais doucement à ce constat.

J’étirai mes bras et mes jambes, délicatement, juste assez pour tirer mes muscles, histoire de les réveiller. Je tirai pour détacher mes cheveux, afin de refaire ma queue de cheval, pour être sûre qu’elle soit bien serrée. Je finissais ma coiffure en quelques secondes, et me mis à courir. Le froid de la nuit était mordant, mais je l’ignorai ; mes muscles se réchaufferaient avec le temps que je passerais à courir. Je courus et courus. Comme ci, je tentais d’échapper à cette réalité dont je ne veux pas. Je courus en ignorant le froid, en ignorant la petite voix dans ma tête qui me rappelait que je n’allais pas pouvoir courir éternellement. En ignorant la douleur, en ignorant le désespoir et la résignation qui semblait de plus en plus me rattraper et s’enrouler autour de mon esprit. Pitié, laissez-moi m’échapper…

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