Chapitre 3
L’air frais de l’automne frappait mon visage, comme une claque, mais pour le coup, j’en avais besoin. Le froid mordant, bien que ce n’était que le début de l’automne, faisait rosir les joues de ma meilleure amie. Ses cheveux blonds se fondaient dans la masse des feuilles qui tombaient lentement et de manière silencieuse.
Du coin de l’œil, alors que l’on marchait, une chevelure d’un blond plus clair que celui de Cordelia attira mon regard. Mais le temps que je ne me retourne, je ne pus apercevoir que le dos d’un garçon. Une chevelure d’un blond étincelant. Je me stoppai un moment de manière inconsciente.
- Lilith ?
Je me retournai. La voix de mon amie avait résonné légèrement dans mon cerveau, qui était apparemment partie dans un autre monde, durant un instant.
- Tu vas bien ? Me demande la blonde blé en fronçant légèrement ses fins sourcils. Ça ne te ressemble pas de rêvasser et de ne pas être concentrée sur ce qui t’entoure. Elle me toise de ses yeux bleu ciel.
- Je dois être fatiguée. Je balbutie, fronçant mes sourcils, cela ne me ressemble effectivement pas, qu’est-ce qui m’a pris ?
- On va dire que je crois à ce mensonge. Répliqua-t-elle en levant les yeux au ciel.
- Éviter machin, c’est un boulot à plein temps, tu sais. Je ricanai.
- Il a un nom, tu sais. Elle soupira doucement. Dis-moi que tu t’en souviens au moins ? Plaide-t-elle.
Je haussais les épaules, sachant pertinemment qu’elle lèvera les yeux au ciel avec une telle réponse. Ce qu’elle ne manqua pas de faire, pas même une minute après ma vague réponse. Bien sûr que je me souvenais de son prénom, il est pour le moins hors du commun. Ce qui a, entre guillemets, forcé mon cerveau à le retenir.
-Jabez. Il s’appelle Jabez.
Malgré tout ce que je pouvais déblatérer sur ma haine des âmes-sœurs, j’avais du mal à ignorer la présence de Jabez, c’est qu’il est beau cet imbécile arrogant. Mais je ne pouvais me laisser avoir par… quelques abdos …. Et ses cheveux noirs bouclés qui retombaient sur ses yeux d’une profondeu- MAIS JE DÉRAILLE COMPLET MOI.
Je pris une grande bouffée d’air, attirant l’attention de la blonde qui marchait toujours à mes côtés.
- T’es bizarre depuis notre arrivée ici. Elle fait une moue boudeuse. Pourquoi tu ne me dis rien ?
- Parce que je n’ai rien à avouer, ma belle. Je lui offris un sourire.
- Tu as dit la même chose le jour où tu as fait ton coming-out bi. Elle me le rabâche sans arrêt, ça me soule.
- Tu comptes oublier ce détail un jour ? Je soupire.
- Non. Répond-elle ferme.
Qu’est-ce que je pourrais bien lui dire. Que j’avais promis à mon père de ne pas tomber dans les filets de ces mufles de scientifiques ? Que je me détestais parce que j’avais l’impression d’être d’une impuissance affligeante ? Que malgré tous mes mots de haine, je commençais à trouver dans mon cœur une marque d’appréciation pour celui qu’on m’avait choisi ? Que je le trouvais beau et sexy et que je haïssais mon cerveau pour ne serait-ce qu’oser émettre la suggestion que ces mots puissent désigner Jabez.
Foutu mec grand et musclé, je râlai intérieurement. Je ne pouvais m’empêcher de penser et de réfléchir à, si les circonstances avaient été différentes, aurais-je autant hésité ? Je me raclai la gorge douloureusement. Rien que le fait d’oser penser, cela me terrifie.
- Au fait. Je tournai mon regard vers elle, prête à tourner mes pensées sur elle pour stopper ma léthargie. Comment ça se passe de ton côté ?
- Avec Chain ? Je hochai de la tête. Il est génial, ou en tout cas de ce que j’ai pu voir et discuter avec lui. Elle m’offrit un large sourire. Je te le présenterai quand je pourrai promis, il est assez réservé. Je haussai mes sourcils brun foncé à cela.
- Il est de nature réservé ? Ils t’ont assigné quelqu’un d’introverti ? Et après, c’est à moi qu’on dit que je suis folle de pas respecter notre système ? Ils n’auraient pas fait de la merde sur ce coup ? Je ricanai, mais cela ne fit pas rire Cordelia qui me fit une moue.
- T’insinues quoi là ? Bouda-t-elle.
- Que tu es le contraire du mot réservé, ma belle. Je rigolai.
Mon amie levait les yeux au ciel et fit semblant de se sentir insultée. Elle marchait devant moi pour prouver son “mécontentement”. Je la laissais faire. Après moins de cinq minutes, elle fit volte face, faisant voler dans les airs sa jupe et ses cheveux blonds attachés en tresses. Elle m’offrit un sourire, qui malgré mes années d’amitié avec elle me fit rougir de sa beauté. Elle rigolait doucement et m’emmena par le bras. Je regardais par curiosité autour de nous, le nombre de personnes à l’extérieur avait drastiquement augmenter. Du coin de l’œil, j’aperçus une jeune femme d’une grande beauté, elle pourrait difficilement passer inaperçu, une peau de porcelaine, un corps fin, des yeux couleur rubis et une chevelure blanche comme une tempête de neige. J’en trébuchais à moitié sur un caillou informe du pavement, je me retournais, voyant cette caillasse ébauchée. Je stoppais mon regard un moment. Je n’étais pas très différente de ce galet, tous les autres sont conformes et bien rentrées dans le pavement et moi, je suis l’imperfection qui faisait trébucher le système…
Nuit étoilée, tu avais toujours mon refuge. Je regardais les étoiles se débattant pour briller dans le ciel noir, menant un combats pour illuminer le ciel contre les lumières infâmes qu’émettait le centre, même si tard dans la soirée. Je me retournai doucement, mon esprit apaisé en ce déclin de journée. Mon regard croisa celui de cet homme que je ne pouvais me permettre d’approcher et qui m’attirait à la fois de manière si énigmatique.
- Tu regardes quelque chose ? Me demanda sa voix rendue plus grave par le sommeil, je le vis bâiller et se gratter la joue.
- Rien en particulier. Je répondis de façon bien moins agressive que ma manière habituelle de lui parler.
- Tiens la tigresse à ranger ses griffes ? Dommage, j’ai une préférence pour quand elles sont de sortie. Ricana-t-il, ce qui lui valut un regard noir de ma part. Ça va, détends-toi, chaton, j’essaie juste de te détendre un peu.
- Garde tes réflexions pour toi, connard. Je répliquai avec haine, et marchai vers la porte d’entrée. Je sors et claquai la porte derrière moi sur ces dernières paroles.
Je traversai le couloir en courant.
Je le hais. Je le hais. Je le hais. Je le hais. Je le hais. Je le hais.
Des larmes commencèrent à dévaler mes joues. Pourquoi ça fait si mal ? Je ne comprenais pas, je relevai la tête, l’air froid frappant mon visage. J’avais inconsciemment couru jusqu’au jardin encore une fois. Je m’effondrai au sol, en plein milieu du pavement.
Une sorte de flash de lumière me faisait de l’œil au loin, se reflétant dans les larmes qui dévalaient mes joues. De l’or, c’était ce que je crus apercevoir, avant que je ne me rende compte qu’il s’agissait d’un homme, à la chevelure blonde comme les blés, éclairé de la douce chaleur solaire. Mes yeux embrumés observèrent cet inconnu un instant. Des cheveux de la couleur du soleil, ses yeux semblables à l’herbe couverte par la rosée du matin, brillaient d’un vert clair et profond. Le physique d’un ange, fin, mais pas chétif.
Je me relevai doucement et essuyai mes larmes, attirant l’attention de l’inédit. La profondeur charbonneuse de mes yeux rencontraient la clarté des deux Jades qui composaient son doux regard. Je me retournai soudainement et rentrai dans le bâtiment, le cœur battant. Bordel, j'espère qu’il n’avait pas vu que je pleurais, la honte…
Je soupirai longuement et remontai la cage d’escalier, ruminant à propos de cette rencontre. Son visage m’était familier, mais je ne saurais dire d’où. Les traits de son visage étaient si fins et délicats.
Je ramenai mon pouce à mes lèvres, mordillant mon ongle. Oh ses lèvres, elles étaient si fines et roses, avait-il les lèvres pincées pour qu’elles aient l’air si élancées. Sa peau était si claire aussi… Si éclatante, elle reflétait la brillance de la lune.
Et puis pourquoi je pense à cet inconnu, déjà ? Je ne devrais pas ressasser comme ça. Je trouvais que je ruminais bien trop ces derniers temps. Entre ma vie passée à la maison avec mon père, cet imbécile profond, mais magnifique de Jabez et maintenant ce blondinet éblouissant. Sérieusement, je pense qu’une lampe de poche en pleins dans mes yeux aurait été moins flamboyante et aveuglante.
Je poussai discrètement la porte d’entrée et trouva Jabez avachie sur le canapé du salon.
- T’as fini de bouder ma belle ? Il ricana doucement, me faisant lever les yeux au ciel et lui donnant un regard de mépris.
- Ferme-la. Je répondis sèchement, il souffla faiblement.
- T’es méchante, princesse. Répliqua-t-il, malgré ma claire demande à ce qu’il ferme son clapet.
- Et tu n’as encore rien vu.
Je me déplaçai vers ma chambre et claquai la porte derrière moi. Je m’allongeai dans mon lit, épuisé par tout ça.
Le centre. Le fait de devoir vivre avec ce gars insupportable, beau gosse, mais insupportable.
Je glissai dans mon lit, tentant tant bien que mal de faire le vide dans ma tête. Mais impossible de penser à autre chose que cet homme qui dormait à une porte de la mienne. Purée, est-ce que je vais pouvoir tenir la promesse que j’ai faite à mon père dans de telles conditions ?
J’ouvris le tiroir de ma table de nuit et en tirai le poignard de mon père.
Un poignard si vieux qu’il se briserait probablement si je tentais de m’en servir. Le métal était légèrement rouillé. Le manche était en bronze et un serpent en argent s’enroule autour. C’était plus un objet de décoration, qu’un véritable outil de défense, au vu de son poids et de son manque de grippe. Mais je ne l’appréciais pas moins pour cela.
Mon père, bien qu’il ne l’ait pas dit de vive voix, me l’avait confiée comme un symbole qu’il serait toujours là pour me protéger des malheurs de cet endroit.
Je devrais sûrement prendre le temps de passer une demande au centre pour aller le voir. Lui saurait que penser dans ma situation. Il savait toujours quoi faire. Je souriais doucement face à ce couteau, qui portait encore faiblement l’odeur de l’eau de toilette de mon père.
Mon sourire retomba quand je me rappelai la règle sur les voyages à l’extérieur du centre, fait chier…
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