Chapitre 4
- Je veux juste parler à mon père, ne pense pas que je fais ça parce que je t’apprécie. Je grognai.
- Mais bien sûr et moi, je suis une chèvre. Il rigola.
Je lui donnai un regard noir. Je finis de mettre mon bazar dans mon tote bag, avant de le faire glisser sur mon épaule. Je me tournai vers l’armoire de l’entrée qui est ornée d’une porte miroir. Je pris mes cheveux et les ramenai en queue de cheval haute.
- J’aime bien tes cheveux lâchés., Dit-il d’une voix douce, mais grave, qui fit rougir mes oreilles.
- Je ne t’ai pas demandé ton avis. Je répliquai faiblement.
Ce qui lui tira un sourire, que je meurs d’envie d’arracher à ses lèvres charnues. Je jetai un regard dans sa direction. Il portait un jean basique et un t-shirt noir, qui colle à ses muscles. Il les entretenait, je le savais, car je le croise à la salle de sport du centre, ça m’insupportait cette manière qu’il a de vouloir être prévenant avec moi quand on s’y croisait. Ça m’empêchait de le trouver détestable, c’est agaçant. Heureusement qu’il avait beaucoup de défauts pour compenser.
Je m’avançais pour ouvrir la porte d’entrée, mais en quelques enjambées à peine, il me devançait et l’ouvrit pour moi.
- Madame. Ricana-t-il.
Je retins un commentaire et passai la porte en silence. Je ne l’attendis pas et marchai vers la cage d’escalier. Alors que je l’entendis fermer la porte de l’appartement à clef, ses semelles crissèrent sur le carrelage et bien vite une ombre couvrait mon visage. Je regardai à ma droite et vis Jabez marchant à mes côtés. Je me fis la réflexion qu’il est plus grand que je ne le pensais. Si j’avais dû deviner, j'aurais dit qu’il était au tour du mètre soixante-quinze, comme moi. Mais finalement, maintenant qu’il se tient juste à côté de moi, il est finalement sûrement plus proche du mètre quatre-vingts.
Je dévalai les escaliers, une fois en bas, je l’attendis uniquement, car j’avais besoin de lui pour que l’on m’ouvre la porte principale.
Je dévalai l’escalier et l’attendis uniquement, pour pouvoir sortir par la porte principale, qui se trouve être également l’unique porte vers l’extérieur. Bien que contre mon grés. Une fois à la porte, Jabez fit signe au réceptionniste de nous ouvrir. Je leur balançai l’autorisation, littéralement. Je vis du coin de l’œil Jabez retenir un rire. Le secrétaire râla et lu le document dans ses grandes lignes, l’autorisation avant de se lever pour nous ouvrir la porte. Une fois dehors, je pris une grande bouffée d’air.
- Ça fait du bien de changer de décor. Dit Jabez en étirant ses bras au-dessus de sa tête.
Je ne pris pas la peine de répondre. On pourrait penser qu’il en a l’habitude à force, mais a priori, pas tant puisqu’il laissa échapper un soupir d’exaspération.
On marcha doucement en direction de la ville. Osterson est la plus grande ville des environs, et j’ai grandi au beau milieu de son quartier des affaires où mon père travaillait pour les ressources nationales. Nous marchions en direction de l’arrêt de bus le plus proche et je tentais désespérément de me retenir de frapper Jabez qui parlait encore plus que mon arrière-grand-mère qui radotait sans arrêt.
Mon regard se porta au loin sur un point invisible à l’horizon. Ma contemplation fut cependant interrompue par une jeune femme qui passa tout juste à quelques centimètres de mon visage.
- Oh toutes mes excuses. Se confondait-elle en excuse.
Je relevais le regard vers elle. Elle était vraiment jolie, un parfait visage d’ange. Cependant, le rouge cardinal de ses yeux donnait une touche de quelque chose de dérangeant chez elle. J’ignorai cette impression stupide. Son visage m’était vaguement familier. J’y réfléchissais un instant, avant de me rappeler que je l’avais croisé une ou deux fois au centre. La jeune femme ne devait même pas dépasser le mètre soixante. Visage rond, lèvre fine et une chevelure longue et soyeuse blanche comme neige. En ajoutant à l’équation sa peau pâle, il n’était pas compliqué de comprendre qu’elle souffrait d’albinisme.
- Ce n’est rien. Je lui répondis calmement, ce n’est pas comme si elle m’avait bousculée.
La jeune femme à la chevelure opaline s’éclipsa. Je tournai la tête et la vis rejoindre un garçon blond blé. Son visage m’était familier, mais je ne saurais dire d’où.
Le bus s’arrêta et je grimpai dedans à la suite de Jabez. Je m’asseyais à côté de lui. Le silence planait entre nous. J’appuyai ma joue contre la vitre. Quand une ombre passa sur mon visage, je relevais le regard en direction d’un certain brun. Celui-ci m’offrit un sourire charmeur. Il était beau, mais je n’avais pas cette sensation de papillons dans le ventre que m’avait décrit mon oncle, il y avait fort longtemps maintenant.
- Je peux t’aider ? Je lui demande en haussant les sourcils.
- Pas vraiment, ou tout du moins, je ne pense pas que tu puisses m’aider à admirer ton charme naturel. Répondit-il, avec ce sourire confiant, que je rêverai de lui faire ravaler.
Il attrapa ma main et y déposa un doux baiser sur le dos de celle-ci. Ses lèvres effleurèrent ma peau un instant, un léger frisson me parcourut, mais je ne saurais dire de quel sentiment celui-ci provenait. Surprise, dégoût ou bien quelque chose de plus intime. Mes sentiments envers cet homme étaient toujours aussi confus, malgré le peu de temps qui s'était écoulé depuis notre rencontre.
Je laissais ma joue glissée sur la vitre du bus une fois de plus. J’apaisais mon esprit tourmenté en regardant par la fenêtre les paysages familiers de la ville.
Quand le bus s’arrêta à notre stop, je poussais Jabez pour qu’il se lève et descende de celui-ci. Je n’étais pas cruelle au point de l’abandonner dans le véhicule qui faisait des tours complets de la ville et ses campagnes.
La caillasse grisait, bruyamment, sous nos semelles. J’étais calme, chose rare ces dernières semaines. Mon compagnon du moment sembla le remarquer et vouloir en profiter.
- Alors comment est ta famille ?
- Chaotique. Je soupirai dans un élan d’honnêteté qui m’étonna moi-même.
Il fronçait les sourcils confus, mais il n’avait eu le temps de parler plus que je lui annonçai que nous étions arrivés. Je m’avançais vers la porte d’entrée, et toquai trois petits coups sur le bois de celle-ci.
De petits pas se firent entendre. Je reconnaissais les petites enjambés de ma génitrice. La porte s’ouvrit, les yeux de ma mère s’écarquillèrent d’étonnement avant que le plus large sourire que je n’avais jamais vu sur elle, étire ses fines lèvres couleur pêche.
- Lilith ! Tu ne nous as pas envoyé de courrier disant que tu venais ? Ma mère avait l’air agréablement surprise.
- Si j’ai envoyé un message à mon père, c’est lui que je suis venu voir.
Le sourire de ma génitrice retomba, une déception visible sur son visage. J’en avais eu une pointe au cœur. On ne s'était jamais bien entendu elle et moi. Du plus loin que je me souvenais, j’étais toujours avec mon papa, et jamais avec elle. Pourquoi n’étais-je pas avec elle déjà ? Je ne me souvenais pas. Je croisais les bras comme un bouclier contre la tristesse que je lisais sur son visage. Je ne l’avais jamais vu aussi abattue avant, malgré les nombreuses fois où je l’avais repoussée.
Je passai devant elle, laissant Jabez avec elle. Je devais parler avec mon père, seule.
- Mon père est là, n'est-ce pas Délia ? Je demandai à la femme qui m’avait mise au monde, elle hocha.
- Il est enfermé dans son bureau. Murmura-t-elle avec tristesse.
Je n’attendais pas plus pour tourner les talons et grimper les escaliers de bois massif de la maison familiale. Je trainai ma main sur la tapisserie du mur qui représente mon arbre familial. Comme si la famille avait une quelconque importance dans cette maison.
Je m’arrêtais un instant, retraçant du bout de mon pouce la broderie rouge qui écrivait mon prénom sur celle-ci. Rouge… Délia avait choisi ma couleur préférée. Pourquoi n’ai-je jamais remarqué avant aujourd’hui ?
Je tournai le dos à la tapisserie avant que celle-ci ne remette en cause tout ce que j’ai toujours pensé être vrai. J’avançai jusqu’au bout du couloir et frappai trois coups secs sur la porte noire et lourde du bureau de mon père.
- Papa ? C’est moi. Je fis doucement avant de pousser la porte pour l’ouvrir.
J’écarquillai les yeux, le chaos régnait dans le bureau habituellement rangé au millimètre carré de mon père. Je tentais de trouver mon père quand, dans l’obscurité, j’aperçus ses cheveux noirs sur le bureau.
- Papa ! Je fis inquiète, me précipitant vers lui.
Son regard se posa sur moi. Je n’avais jamais vu mon père dans cet État. Est-ce le fait que je ne sois plus sous leur toit qui rend mes deux parents comme cela, ou n’avais-je jamais remarquer ces détails ? Ou alors, je l’avais ignoré délibérément. Mon père m’attirait dans ses bras de manière brutale. Me faisant un peu mal, je contractai mes muscles de surprise.
- Ma précieuse enfant. Murmura-t-il. Tu es toujours là, inchangée, tu n’as pas encore plongé dans un désespoir des plus totales, comme ton père.
Je ne comprenais rien de ce que mon père déblatérait. Je le regardais, tentant désespérément de comprendre, alors qu’il continuait de balbutier des trucs du genre de “ils ne t’ont pas encore pris”, “tu es toujours toi”, “tu n’es pas moi”.
- Papa ? Je pris son visage dans mes mains, paniquant de son agitation.
- Il est là, n'est-ce pas ? Demanda-t-il.
- Mais de qui est-ce que tu parle papa ? Je geignis.
Mon père se leva d’une façon qui sembla automatique. Il se précipita hors de la pièce. Je trébuchais en voulant me relever, et le poursuivis, complètement affolée de son comportement étrange. Je dévalai les escaliers à sa suite, et je le vis s’arrêter sous l’arche qui marque l’entrée du salon. Je le rattrapais sans peine, malgré la nervosité qui me rendait maladroite.
Je stoppai mes mouvements et jetai un regard à mon père. Son visage était tordu de haine. Je tournai le regard et vis ma génitrice, une tasse de thé à la main, qui discutait avec Jabez, qui lui sirotait du café.
Mon père passa l’arche d’un pas lourd. Mon âme-sœur se releva pour le saluer, mais il l’ignora et attrapa une poignée des longues mèches brune comme les fèves de cacao de ma génitrice. Il tira dessus violemment. Je n’avais jamais vu mon père lever la main sur elle.
Jabez écarquilla ses yeux, d’un profond marron, comme l’écorce des arbres. Il porta son regard choqué sur moi, et il put y constater un choc qui égalait le sien.
Délia pleurait de douleur alors que mon père tirait toujours plus fort, lui hurlant des profanités au visage. La colère finissait par succéder au choc. Je me précipitai sur mon père et pris son bras entre mes mains, ma poigne ferme.
- Lâche maman ! Je lui hurlai dessus. T’es devenu dingue ! Lâche-la tout de suite ! Lâche ma mère !
- Ta mère ! Hurla-t-il, il eut un rire noir. Elle n’est rien ! tu m’entends, rien ! Une mère, c’est la femme que ton père aime, d’accord ?!
Il était complètement fou. Mon père avait complètement pété un câble. Je serrai les dents, et lui mis une claque. Il baissa la tête, et trébucha en arrière. Il releva les yeux vers moi, un regard noir.
- Lilith n’oublie pas qui est l’ennemie. Pesta-t-il avant de remonter, les escaliers, massif de la maison.
Je jetai un regard en direction de Jabez, qui était figé, choqué, de ce qu’il venait de voir. Mes yeux glissèrent ensuite sur ma mère, le visage tordu par la douleur et les larmes qui dévalaient rapidement ses joues. Je m’approchais d’elle de quelque pas. Elle tremblotait, ses prunelles couleur chocolat au lait, se posèrent sur moi. Sa lèvre inférieure tressautait, ses pupilles tremblotèrent. Je serrais les poings, et elle se recroquevillait d’autant plus.
- Tu… Je bafouillai en fronçant les sourcils. Tu ne penses quand même pas que je vais te frapper ?
Ses lèvres couleur pêche s’écartèrent un instant, avant qu’elle ne les presse ensemble. J’avais eu ma réponse. J’avançais plus près d’elle, et me jeta à genoux devant sa forme assise dans le canapé en cuir.
- Je suis tellement désolée maman. Mes mains agrippèrent sa robe bleu canard. Je suis si désolée… Je pleurai à chaudes larmes.
Ma mère restait figée. Je relevai mes yeux pleins de larmes sur elle et rencontrai les siens. Ses orbes brillaient, les larmes glissaient sur ses joues à elle aussi, tombant de son visage et se déposant dans mes cheveux noir charbon. Elle prit mes mains dans les siennes et marmonnait des excuses qui n’avaient pas lieu d’être.
- Maman… ne t’excuse pas.
- J- je suis désolé, tu ressembles tant à ton père que… Elle avait eu un frisson, la terreur lisible sur les traits fins de son visage.
J’agrippais plus fort ses mains. Serrant les dents, je ne pouvais pas croire que mon père avait pu faire une chose pareille.
- Dis-moi que c’était la première et seule fois où il a levé la main sur toi. J’exigeai une réponse, mon regard était noir.
Elle mordilla violemment sa lèvre inférieure. Son silence me fit parvenir sa réponse. Je serrais les dents plus fort, le grincement de celle-ci dérangea ma propre ouïe. Cependant, le son fut bien vite assourdis par ma haine silencieuse. Le goût amer de la trahison me prit et m’asséchait les sens. Si il y a bien quelque chose que je haïssais par-dessus, c’était la trahison. Et il avait osé lever la main sur une femme. Lui et moi, ce ne serait plus que haine et mensonge à présent.
Annotations