Escarmouche

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L’Odysséas venait d’atteindre la bordure extérieure de la ceinture d’astéroïdes après deux jours de voyage lorsque les premiers chasseurs Black-Tron firent leur apparition sur les écrans radars des postes de vigie.

Ils étaient un peu moins d’une vingtaine, en formation en échelon parfaitement synchronisé. Les sentinelles du vaisseau-amiral virent immédiatement la manière d’agir des drones autoguidés. Étant face à un ennemi dépourvu de vie humaine, les pilotes de la Police Spatiale reçurent l’ordre de les éliminer sans ménagement.

L’adjudant Dorys Bannoc dirigeait les opérations de combat à bord de son Striker modifié, baptisé La Comète Bleue. Les trois escadrilles, composées de cinq chasseurs chacune, dont l'une était dirigée par Niki, l’accompagnaient. Julius, qui avait sa licence de pilote à l’instar de Spiros, avait demandé à en faire partie, mais le capitaine Ferne le garda sur le pont comme aide tactique.

Il avait réussi à établir différentes approches, selon le comportement des vaisseaux ennemis, et avait conclu que la meilleure constitution à adopter était une formation Delta dans chaque escadrille. L’une devait rester positionnée plus en avant que les deux autres qui devaient résider sur une ligne d’horizon inférieure. Le lieutenant Perguet avait appuyé la stratégie élaborée par le Néo-sapiens et avait fait parvenir les ordres du capitaine directement à l’adjudant Bannoc.

— Votre objectif premier est de briser leur formation, indiqua-t-il dans le communicateur. Frappez au centre de la ligne ennemie et tentez de les séparer en deux groupes.

— Bien reçu, mon lieutenant ! répondit Bannoc.

La tactique était claire dans l’esprit de l’adjudant. Scinder ainsi l’adversaire permettait aux escadrilles deux et trois restées en arrière de les contrer face à face. Si l’ordinateur contenu dans ces drones mettait le laps de temps habituel pour réévaluer la situation, cela leur donnerait un certain avantage.

— Sergents ! lança Bannoc aux autres chefs pilotes. En formation Delta ! Escadrille Deux, placez-vous en arrière à huit heures ! Escadrille Trois, mettez-vous à quatre heures ! Horizon à moins cinq degrés !

— À vos ordres ! répondirent Niki et Desrives, chef de la troisième escadrille.

Les chasseurs se mirent tous en position selon les ordres reçus. Devant eux, à quelques kilomètres encore, les Intruders arrivaient et se préparaient également au combat.

— Ce ne sont que des drones, lança Desrives dans l’intercom. Ils n’étudient même pas notre stratégie et ils persistent dans leur formation initiale.

— Restons prudents, répondit Niki. Ils sont plus nombreux que les dernières fois.

— À mon signal, ordonna Bannoc, emmenez votre groupe sur les extérieurs. Lorsque j’aurai dépassé la ligne ennemie avec l’escadrille Une, nous ferons volte-face pour les coincer en tenaille.

— Méfiez-vous, mon adjudant ! alerta Niki. Une seconde vague hostile peut nous prendre par surprise.

— Les vigies de l’Odysséas sont aux aguets, ne nous inquiétons pas.

Il était temps de mettre les gaz afin d’appliquer la stratégie. Bannoc ordonna à la première escadrille d’accélérer dans le but de lancer une attaque éclair au centre de la ligne ennemie.

— Concentrez les boucliers sur l’avant ! Charge d’artillerie au maximum !

À l’approche de la Police Spatiale, les drones se mirent en mouvement ondulatoire.

— Qu’est-ce qu’ils font ? demanda l’un des pilotes. On dirait des dauphins qui sautent hors de l’eau…

— Restez en formation, prévint Bannoc. Ne vous préoccupez pas de ce qu’ils font pour l’instant. PR-04 et 05, préparez-vous à lancer vos mines IEM à mon signal. PR-01, 02 et 03, feu avec vos lasers… MAINTENANT !

Les tirs lumineux fusèrent des chasseurs situés en avant de la première escadrille. Une majorité d’entre eux firent mouche, mais pas autant que l’adjudant avait espéré. Il pria que cela suffise au moins pour diviser l’adversaire. Il regarda les données affichées sur son ordinateur de bord. Les boucliers d’énergie des Intruders n’avaient malheureusement pas lâché.

— Protections ennemies toujours actives, annonça-t-il. Ils sont coriaces ! Préparez les mines IEM… attention… FEU !

Les Protectors 04 et 05 larguèrent chacun deux mines IEM. L’escadrille était à présent à la hauteur des premiers Intruders et ceux situés au milieu de la ligne ouvrirent le feu sur les chasseurs de police. Les boucliers de ces derniers tinrent bon jusqu’à ce qu’ils les aient dépassés. Les mines explosèrent ensuite et atteignirent en tout cinq vaisseaux Black-Tron. Au même moment, les escadrilles Deux et Trois se déplacèrent sur les extérieurs, affrontant à leur tour la ligne d’ennemis scindée en deux, en usant de la même action que celle employée par l’adjudant Bannoc.

Ce dernier ordonna à son groupe un demi-tour rapide en adoptant une formation déployée. L’opposant était désormais pris des deux côtés, mais la flottille de Bannoc n’attaquait pas afin d’éviter de toucher malencontreusement les chasseurs alliés. Leur utilité arriva lorsque les Intruders ayant échappé aux mines IEM dépassèrent les escadrilles Deux et Trois.

— Feu à volonté, ordonna Bannoc. Terminons les derniers !

Après cette salve intensive, il ne restait plus que trois vaisseaux Black-Tron sur les dix-huit. Les flottes de Niki et Desrives finirent ceux déjà mis hors circuit précédemment en les faisant sauter par les tirs laser. Sur la passerelle de l’Odysséas, Julius constata avec effarement la puissance réelle des chasseurs.

— Je comprends votre stupéfaction, agent Derry, lui dit le capitaine Ferne en voyant son expression. En simulation, les lasers que vous utilisiez n’étaient destinés qu’à réduire les boucliers énergétiques des ennemis. En combat réel, lorsqu’il s’agit de drones, nous avons l’autorisation de monter leur puissance à leur maximum afin de les détruire.

— Mais comment être sûr que nous n’abattons pas dans la mêlée un appareil piloté par une vraie personne ? demanda Julius.

— Nous le voyons à la manière de se comporter des vaisseaux, répondit le lieutenant Perguet. Les drones opèrent avec une parfaite synchronisation dans leurs mouvements. Les Intruders avec de véritables pilotes agissent individuellement, rendant les combats plus difficiles et plus longs. En détruisant ainsi les chasseurs autoguidés, nous montrons à notre ennemi que nous pouvons être aussi agressifs.

— Les Black-Trons n’utilisent que très peu de vrais pilotes, ajouta Ferne. Nous avons eu affaire à des drones la majorité du temps, raison pour laquelle nous avons augmenté la puissance des lasers.

Julius demeura pensif. Et si les Black-Trons avaient compris la manière d’opérer de la Police Spatiale ? Ils pourraient user d’une stratégie simple : envoyer des drones et des chasseurs avec un vrai pilote. Obliger ainsi à devoir faire la différence entre les deux rendrait les choses beaucoup plus compliquées pour les policiers spatiaux. Le combat serait fortement désavantagé.

Il entra les nouvelles données de l’affrontement dans la console de simulation de bataille. Il attendit que les éléments se mettent en place et vit ce qu’il craignait. Cette dernière bataille a pu fournir à l’ennemi les informations nécessaires pour contre-attaquer.

— Capitaine, dit-il. Il nous faut nous insérer dans la ceinture d’astéroïdes immédiatement !

— Pardon ? s’exclama Ferne. Vous voulez entrer dans la ceinture ? Mais pourquoi cela ?

— L’ennemi va contre-attaquer. Il va envoyer des drones et des vaisseaux avec pilotes. Et si l’armée Black-Tron en comporte un nombre important selon l’information recueillie il y a quelques mois, nous ne serons pas en mesure d’en venir à bout. La ceinture d’astéroïdes est notre seule échappatoire.

— Mais le vaisseau cargo ne pourra jamais garder une vitesse de croisière constante parmi les corps rocheux ! s’exclama le lieutenant Perguet. Il ne possède ni la souplesse des chasseurs ni l’armement de l’Odysséas.

— Nous devrons le couvrir en effet, concéda Julius. J’espère me tromper, mais dans la mesure où mes estimations s’avèrent exactes, la ceinture nous fournira un bouclier de protection efficace et ralentira l’ennemi jusqu’à ce que nous ayons atteint Neyria. Dès lors que nous serons sortis du banc d’astéroïdes, nous enverrons un message d’urgence au centre de commandement.

Ferne examina la situation. Les dires de l’agent Derry étaient fondés, cela allait de soi. Mais sillonner la ceinture avec un cargo chargé à ras bord, devoir surveiller les mouvements des corps stellaires et les briser au besoin… Le plus gros risque était que, lorsqu’un corps massif était détruit, l’implosion en créerait d’autres, plus petits, projetés à grande vitesse, en un nombre impossible à prévoir.

— Qu’en pensez-vous, lieutenant ? demanda-t-elle.

— Je ne suis guère favorable à cette manœuvre capitaine, répondit-il. La traversée prendrait bien sept heures de plus, monopoliser les chasseurs tout ce temps mettrait leur endurance à rude épreuve. Cependant…

Il se tourna vers la console de simulation et évalua la situation.

— Cependant, je crains que nous n’ayons, guère le choix. Si les Black-Trons ont augmenté le nombre de leurs effectifs comme nous le pensons, nous ne serions pas en mesure de leur faire face.

— Donc vous appuyez la stratégie de l’agent Derry ?

— Nous ne perdons rien à la tenter et j’y ajoute même un supplément. Permettez, agent Derry.

Julius laissa la place au lieutenant. Ce dernier fit un agrandissement de la carte.

— Nous devrions passer par ce point-là, dit-il. Les corps stellaires sont certes plus volumineux, mais les trajectoires plus faciles à calculer pour les éviter grâce à une moindre densité. Avec un cargo d’une telle ampleur, c’est la meilleure chose à faire.

— En effet, cela nous avantage pour la traversée, acquiesça Julius en examinant à son tour la carte. Mais cela va également faciliter les Intruders. Sans compter que cela nous éloignerait de Neyria.

Le lieutenant jeta rapidement un regard agacé envers Julius.

— La sécurité du cargo est ce qu’il y a de plus important, répliqua-t-il. Nous pouvons nous occuper des chasseurs Black-Tron, mais les aérolithes sont beaucoup plus compliqués à gérer.

— Nos choix sont donc limités, conclut le capitaine. Très bien, mettez le cap sur la ceinture d’astéroïdes. Que tous nos effectifs se rassemblent ! Je veux deux escadrilles autour du cargo et la troisième pour sauvegarder nos arrières. On passe en alerte de niveau 4 !

— À vos ordres, capitaine !

Julius se mit aux calculs de trajectoire en simulant divers scénarios. Celui envisagé par le lieutenant Perguet était valable, à la condition que seulement des Intruders soient à leur poursuite. Si un de leurs croiseurs venait à se placer dans la partie, la course pourrait bien être compromise.

***

Niki bâilla longuement sous son casque de pilote, créant un peu de buée sur la visière, mais qui se dissipa aussitôt. Le cargo avançait plus lentement que d’ordinaire, car ses manœuvres étaient plus compliquées dans le passage emprunté pour traverser la ceinture d’astéroïdes, bien que n’étant pas un problème pour les chasseurs et le vaisseau amiral. À part dégommer quelques débris rocheux menaçant la coque du navire de charge, leur tâche consistait pour le moment à virevolter autour du cargo tel un essaim d’insectes.

Les appareils de surveillance de l’Odysséas n’avaient, pour l’instant, détecté aucun signe des chasseurs ennemis.

Peut-être qu’ils ne tenteront aucune autre attaque contre nous, pensa-t-elle. La défaite que nous leur avons infligée leur aurait enfin servi de leçon…

Depuis leur apparition dans le système Promesso, les Black-Trons faisaient l’objet d’une véritable abjection pour la jeune femme. À cette époque, Niki et Spiros étaient encore ensemble et s’étaient même installés dans un logement de Centralville, malgré la désapprobation de leurs proches.

Voir ainsi des inconnus venus de nulle part s’en prendre aux ressources de la colonie avait créé, au sein de celle-ci, une certaine angoisse et une pression difficile à décrire. Était-ce cette situation géopolitique qui avait perturbé à ce point son petit-ami, Niki n’aurait su le dire. Mais elle avait bien senti qu’il s’était éloigné de plus en plus d’elle, jusqu’à ce jour où il rompit leur liaison, sans donner de véritables raisons. Ses excuses ne tenaient pas debout selon elle, il y avait forcément quelque chose qui l’avait amené à cette décision. Malgré tout, Niki avait dû se résigner, car elle ne pouvait le forcer à l’aimer.

Ce fut seulement un mois après qu’elle trouva une échappatoire à sa douleur : rejoindre les rangs de la Police Spatiale. Cela l’avait amené à faire autre chose et ainsi changer de vie et d’objectifs. Elle avait réussi ses examens d’entrée avec brio et s’était donnée à fond pour parvenir à grimper les échelons et empêcher cet ennemi inconnu de commettre ses méfaits. Et puis, Spiros arriva à son tour comme cadet.

Ce jour-là, elle avait senti son monde basculer à nouveau, tourmentée par ces souvenirs amers. Elle avait voulu faire comme si tout était terminé depuis longtemps, faire table rase du passé, mais ses émotions avaient été plus puissantes. Plusieurs fois, elle s’était enfermée dans sa cabine pour pleurer derechef tout ce qu’elle pensait avoir évacué auparavant. Et de surcroît, elle fut assignée à la formation théorique des futurs pilotes, dont Spiros. Bien qu’ayant tenté de parler avec lui, elle n’était pas parvenue à contenir la douleur au fond de son cœur et par conséquent, l’avait endurci pour devenir impassible et continuer son travail d’officier avec zèle et rigueur.

Tout changea positivement lorsqu'elle rencontra Lioris pendant une mission sur Damass, quelques jours à peine après la mésaventure de son ex petit ami. Au début, elle le considérait comme un officier de grade supérieur, mais avait une admiration pour sa personne. Il était efficace dans son travail et avait une parfaite confiance en lui. Bien que professionnelle, leur relation était simple et sincère, comme s’ils étaient tous les deux sur la même longueur d’onde.

Rapidement, elle avait senti quelque chose en lui, comme un aimant qui l’attirait, mais Niki s’était forcée inconsciemment à ne pas en tenir compte. Et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il lui demanda, à la fin de leur mission sur la Lune ferreuse, de l’accompagner sur Terre Nouvelle pendant une permission.

Passer du temps avec un homme… c’était quelque chose qu’elle s’était refusée depuis sa rupture avec Spiros et ne s’était pas rendue compte à quel point cela lui avait manqué.

Après deux rendez-vous, l’adjudant Smiss lui déclara ses sentiments et Niki se sentit incapable de le remettre à sa place, son cœur lui disant clairement que les siens étaient réciproques. Depuis, ce dernier s’était allégé et sa plus grande victoire venait du fait qu’elle était parvenue à concilier cette relation avec leurs obligations d’agents de grade primaire. Et, bien qu’elle préférât éviter Spiros au possible, elle ne ressentait plus vraiment d’amertume à son égard, seulement un peu d’irritation. Mais elle savait qu’elle pouvait lui parler si l’occasion se présentait sans éprouver cette vive douleur dans la poitrine comme celle d’un poignard planté dans le cœur. Elle se sentait enfin heureuse.

La voix de l’adjudant Bannoc dans l’intercom fit sortir Niki de sa rêverie :

— Sergent Pellia ?

— Oui, mon adjudant ? répondit-elle, en reprenant une bonne mesure.

— Nos senseurs ont détecté la présence de plusieurs appareils ennemis à proximité, dans une zone que nous n’avions pas envisagée.

— De quoi s’agit-il ? demanda-t-elle, inquiète. Où se trouvent-ils ?

— Une trentaine d’Intruders et un Deserter à environ deux heures de notre position, par quarante cinq degrés tribord.

— Comment ? Mais alors…

— Oui sergent. Ils sont de l’autre côté de la ceinture d’astéroïdes. Tenez-vous prête avec votre escadrille, nous avons une nouvelle bataille en vue !

— Un piège ! s’exclama-t-elle. Les salauds, ils nous ont bien eus !

Niki voyait clair dans la stratégie de l’ennemi : la première attaque avait consisté à envoyer un leurre composé uniquement de drones afin de détourner l’attention du convoi, tandis qu’un escadron complet se faufilait à travers la ceinture d’astéroïdes pour les prendre à revers lorsqu’ils en ressortiraient à leur tour.

— Gardez votre calme sergent Pellia, conseilla Bannoc. Nous allons modifier notre trajectoire à l’intérieur de la zone actuelle afin de nous rapprocher au mieux de Neyria. Conservez votre position, dès que nous sortirons du champ, tous les chasseurs devront former un écran de protection pour couvrir le cargo.

— Bien reçu, mon adjudant. Pellia, terminé !

Sur la passerelle de l’Odysséas, c’était l’effervescence. Tout l’équipage était en branle-bas de combat. Julius se concentrait pour établir une nouvelle stratégie avec le lieutenant Perguet tandis que le capitaine Ferne tentait de donner des ordres clairs afin de garder la situation sous contrôle.

— Capitaine, appela Perguet. Après un recontrôle de tous nos calculs, je ne pense pas que nous puissions venir à bout de cette flotte ennemie. Ils sont bien trop nombreux pour la nôtre. Nous avons besoin du Destiny !

— J’en conviens, lieutenant, répondit Ferne. Mais il est actuellement sur Neyria pour son ravitaillement. Nous n’avons aucun moyen de les contacter pour l’instant, les astéroïdes nous font barrière !

— Il fautexpédier un messager dans ce cas, proposa Julius. Notre meilleure option est d’envoyer un chasseur hors de la ceinture pour entrer en contact avec Neyria.

— Il se fera abattre dès qu’il sera en vue des Black-Trons ! rétorqua Perguet.

— Pas si nous servons d’écran, répondit Julius.

Le Néo-sapiens avait déjà prévu le plan. Il afficha la carte de la zone en projection tridimensionnelle. Ferne se leva de son siège pour observer plus attentivement.

— Voilà l’idée, expliqua-t-il. Maintenant que nous avons commencé à changer de cap, l’ennemi est à trente-sept degrés tribord. Or, il va certainement modifier sa position, car à l’heure qu’il est, il nous a déjà repérés sur ses écrans.

— Oui, c’est logique, acquiesça Perguet. Continuez.

— Nous devons alors revenir sur le cap initial, reprit Julius. De ce fait…

— Comment ? s’exclama Perguet, sentant l’exaspération monter en lui. Mais nous allons à la mort, agent Derry !

— S’il vous plaît lieutenant ! rappela à l’ordre le capitaine Ferne. Poursuivez, agent Derry.

— Oui, je… je disais : de ce fait, en reprenant notre trajectoire initiale, nous offrons la possibilité à l’un de nos appareils de partir à l’opposé de la position ennemie à travers la ceinture sans être visible. Un chasseur est suffisamment maniable pour être rapide dans cette zone même avec une densité plus élevée de corps célestes. Il lui suffirait de sortir à ce point-là — il montra un endroit sur la carte — et d’envoyer un message sur Neyria.

— C’est une possibilité en effet, concilia Ferne.

— Certes, mais qu’adviendra-t-il alors de nous ? demanda Perguet à Julius.

— Nous devrons tenir jusqu’à l’arrivée des renforts. La chose est risquée, mais dès que le messager sera suffisamment éloigné, nous pourrons reprendre notre route vers Neyria tout en nous protégeant de l’ennemi.

Ferne réfléchissait à cette solution.

— Quelle est la meilleure sortie dans la zone qui nous octroierait à la fois du temps et de permettre au coursier de lancer un appel vers Neyria sans être repéré ?

— Hélas capitaine ! répondit Julius en secouant la tête, bien que ce point ici soit en accord à votre demande, cela ne prend pas en compte le fait que les Black-Trons peuvent nous attaquer à l’intérieur même de la ceinture. L’idéal était d’envoyer le coursier tant que nous sommes à l’intérieur et d’engager le combat une fois sorti. Ce laps de temps serait suffisant pour que le chasseur ne soit plus repérable. Mais si l’armada Black-Tron se lance dans la ceinture pour venir à notre rencontre…

— Et pourquoi le messager doit-il sortir ici précisément ?

— Détacher trop tôt le rendrait visible à la flotte ennemie qui peut décider alors d’envoyer une escadrille très rapidement pour l’intercepter.

— Je vois…

Le capitaine se remit à réfléchir, plus intensément. Encore une fois, il fallait agir très vite.

— Nous sortirons à ce point-là, lieutenant, annonça-t-elle enfin. Envoyons notre chasseur le plus rapide porter le message et qu’il parte sur le champ s’il est suffisamment ravitaillé.

— Le Striker de l’adjudant Bannoc est optimisé pour avoir la meilleure vitesse de pointe, répondit Perguet après un prompt examen des effectifs. Cependant, je doute qu’il ait suffisamment de carburant pour la traversée après tout ce temps en vol. Le délai de ravitaillement va nous retarder.

— Bon sang ! s’exclama Ferne. Encore des complications. Faites au mieux lieutenant. Rappelez Bannoc afin qu’il soit réapprovisionné au plus vite.

Julius s’était subitement remis sur sa console et pianotait le plus vite possible sur le clavier. Si l’idée qu’il venait d’avoir à l’esprit était juste et s’avérait réalisable, il pourrait finalement obtenir ce dont ils ont besoin. Cependant, l’ordinateur n’était pas aussi rapide que lui et prit un certain moment pour rentrer les données et afficher les résultats. Lorsqu’il y parvint enfin, Julius eut un sursaut d’excitation. Cela marchait !

— Nous pouvons encore gagner du temps, déclara-t-il.

— Vraiment ? s’étonna Ferne. Vous êtes un faiseur de miracles, agent Derry ! Quelle est cette nouvelle idée ?

Perguet se tourna à contrecœur vers ce subordonné qui commençait à l’exaspérer. Comment un simple agent de terrain, sans véritable expérience, pouvait-il être assigné à un poste de stratège militaire ?

— Ce vaisseau amiral est bien équipé de canons à obus pour les astéroïdes, n’est-ce pas ? demanda Julius.

— Oui tout à fait, répondit Ferne sans comprendre où il voulait en venir.

— Nous pourrions tirer des salves sur ces points précis, expliqua-t-il en montrant son écran holographique. La force des impacts devrait être suffisante pour faire dévier les blocs rocheux directement sur la flotte ennemie. Je doute que cela puisse leur faire grand mal, mais cela devrait les occuper un moment afin d’obtenir assez de temps pour l’adjudant Bannoc.

Ferne trouva l’idée intéressante : gagner du temps tout en compliquant la traversée de l’escadrille Black-Tron.

— Je vous fais confiance, déclara-t-elle. Envoyez toutes les instructions ainsi que vos calculs pour l’ordinateur de visée. Dites-nous où et quand tirer. Lieutenant Perguet ?

— Oui capitaine ?

— Avez-vous contacté l’adjudant Bannoc au sujet des consignes que je vous ai donné ?

— Oh ! Heu… Je m’y mets, capitaine.

Il se rangea à son poste en maugréant dans sa barbe. À ce rythme-là, ce Derry lui prendra sa place au sein de l’Odysséas. S’ils parvenaient à se sortir de cette situation, il se jura de faire en sorte de le faire affecter à une autre fonction.

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