116. Encaisser la nouvelle

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Sarah

Je repose mon bouquin pour la cinq ou sixième fois sur le rebord de la baignoire et décide de finalement en sortir puisque je ne profite même pas de ce moment de détente. Je me glisse dans mon peignoir de bain et prends le temps de me sécher avant de récupérer mon téléphone, désespérément silencieux, et mon bouquin pour regagner ma chambre.

Liam est sorti en soirée sans même me proposer de venir et j’avoue qu’il m’a contrariée. Monsieur veut profiter de la vie pendant que je couve. Magnifique. Il s’est sapé comme un prince et est parti en moto en me disant de ne pas l’attendre. Pas du tout angoissant. Comme s’il voulait oublier mon existence et celle de ce bébé le temps d’une soirée. Je ne devrais peut-être pas lui en vouloir, finalement, tout ça est beaucoup à encaisser pour lui comme pour moi, mais je me sens délaissée et carrément seule, ce soir.

A défaut de pouvoir m’envoyer en l’air et d’être câlinée, j’ai au moins le temps de me faire un masque pour le visage et de me vernir les ongles. Il faut bien trouver des avantages à cette soirée en célibataire. Et autant profiter de pouvoir encore voir et toucher mes pieds.

Ma certitude quant à ce bébé flanche encore de temps à autre, mais je suis de plus en plus convaincue de mon choix. Je veux ce bébé. Je flippe à propos de beaucoup de choses, le point culminant étant forcément l’accouchement, sans parler de finir énorme comme une baleine. Mais l’idée de voir Liam pouponner, de fonder une famille avec lui, surpasse tout le reste. Je crois que je suis dingue. Et pas seulement de lui. Tout cela est vraiment précipité, assurément.

J’allume la télé après m’être couchée et jette un nouveau coup d’œil à mon téléphone. J’espère qu’il ne me fera pas ce coup-là trop souvent parce que j’apprécie moyennement la blague. Entendons-nous bien, je ne veux pas non plus l’accaparer et l’empêcher de faire ce qu’il veut, mais je ne sais pas… Une partie de moi se demande s’il m’en veut de ne pas avoir avorté, s’il veut vraiment assumer ce bébé. Bien qu’il m’ait dit qu’il était prêt à le faire, il y a un monde entre le dire et le faire. Et si cette aventure commence par de la rancœur, je ne donne pas cher de notre peau.

Je n’arrive même pas à me concentrer sur le film qui passe à la télévision. Il est deux heures du matin et j’en suis à tendre l’oreille dès qu’un bruit de moteur se fait entendre au bout de la rue. Stupide. J’aurais juste aimé qu’il me propose de venir, en fait. Je ne pense pas que j’aurais accepté, mais rien que l’intention, ça aurait suffi à me rassurer.

Mon téléphone me fait sursauter alors que je m’endormais finalement, et je fronce les sourcils en voyant le nom de Becca s’afficher à l’écran.

— Salut, Becca. Que me vaut cet appel à deux heures du matin ?

Il y a du bruit derrière elle et j’imagine qu’elle est en soirée. Elle aussi, sans m’avoir invitée à venir. Certes, je refuse toutes les soirées depuis que je sais que je suis enceinte, mais j’avoue que j’ai le moral dans les chaussettes ce soir et que du coup, j’ai possiblement envie de chercher la petite bête.

— Coucou Bichette ! Je te réveille ? Désolée, ma Biche, glousse-t-elle, visiblement éméchée. Je… Abdul veut te parler.

— Abdul ? Et ça ne peut pas attendre demain ?

— Ah non, ça urge, Bichette, moi je te le dis !

— Mais de quoi tu par…

— Sarah ? C’est Abdul, désolé de te réveiller, mais j’ai besoin de toi.

— Hein ? Mais pourquoi ? lui demandé-je, incrédule.

— Tu sais, les parents de Mitch sont partis en voyage, alors ce soir avec l’équipe on se fait une petite fête dans leur grande barraque.

— Oui, et ? continué-je après un silence.

— Ben… On devait dormir sur place, tu vois ? Donc tout le monde a bien picolé, mais Liam est torché, il est ingérable. J’ai dû faire le tour pour récupérer les clés des bagnoles et motos de tout le monde parce qu’il veut rentrer chez vous. Il dit qu'il n'a pas le choix, que c'est important. Il est même prêt à rentrer à pied !

— Ce qui veut dire que je dois venir le chercher, c’est ça ?

— S’il te plaît ? me demande-t-il d’une voix de gosse.

— Ok, envoie-moi l’adresse, j’arrive, soupiré-je.

— Merci, Sarah, t’es une perle !

Je raccroche et m’habille rapidement avant de prendre la route. Il est tard, il fait froid, et mon agacement ne redescend pas. Quoique, je comprends un peu mieux pourquoi je n’ai pas été invitée. Soirée basket, forcément, il n’allait pas inviter sa “sœur” à l’accompagner. Surtout qu’il doit y avoir bon nombre de jolies nénettes présentes pour satisfaire ces messieurs. En revanche, si je réagissais comme il l’a fait, en me barrant en soirée sans plus donner de nouvelles, je doute qu’il apprécierait, lui.

La rue est pleine de voitures et j’ai du mal à trouver une place. Il a beau faire froid, il y a du monde sous le porche de cette grande maison et je me demande comment les voisins font pour dormir, vu le volume de la musique.

Je ne frappe pas à la porte, ça ne servirait à rien, et me faufile entre les convives pour entrer. Je grimace en jetant un œil à ma tenue à travers le miroir de l’entrée. On est loin de la robe de soirée, assurément, mais je n’ai pas réfléchi en m’habillant et j’ai l’impression d’être sortie en pyjama.

— Sarah ! On est là !

Ben voyons, au premier étage. Abdul me fait signe de monter et je m’exécute docilement, comme je l’ai fait quand il m’a appelée. Et je le suis encore docilement jusqu’à une chambre, où je trouve Liam étalé sur le lit, sa tête posée sur les cuisses de Becca. Vu la mini-jupe qu’elle porte, je ne doute pas qu’il ait à nouveau pu côtoyer de près ses plus grands secrets.

— Salut Bec, soupiré-je en approchant. Il ne fait pas un coma, rassurez-moi ?

— Oh ! Voilà ma Chérie d'Amour ! s'écrie Liam en essayant de se redresser.

Sa tête cependant vient se heurter à la poitrine de Becca et il la repose sur ses jambes, un sourire béat sur son visage.

— Au moins, on ne peut pas dire qu’il ait l’alcool mauvais, grimacé-je, mal à l’aise pour justifier son petit surnom.

— Il ne parle que de toi depuis trente minutes, Bichette. Il a peur que tu l'engueules s'il ne rentre pas. Je crois que faire ceinture alors qu'il vit avec toi, ça lui retourne le cerveau, indique Becca qui lui caresse son visage qui sourit toujours vers moi.

— Bien… Heu… Je vais le ramener alors, au moins je ne l’engueulerai pas à ce propos. Tu m’aides, Abdul ?

— J'ai été sage ! crie Liam dont le bras entoure alors la taille de Becca.

J'ai l'impression qu'il s'accroche et qu'il en profite pour coller sa tête entre les seins de mon amie qui se contente de rire bêtement, presque aussi bourrée que lui. Ses tétons pointent sous sa robe et je la devine bien excitée, ce qui me fout en rogne plus que de raison.

— Allez, debout, marmonné-je en secouant Liam sans aucune douceur avant de le tirer pour qu’il se redresse.

— Attends, je t'aide, dit Abdul en décrochant ses bras de sa copine qui a l'air frustrée de notre manœuvre.

Liam titube et nous sommes obligés de le maintenir pour ne pas qu'il s'affale par terre. Il passe un de ses bras autour de mon épaule et sa main vient appuyer sur mon sein.

— Ah les filles ! J'ai la plus belle dans les bras ! La, la, la, chantonne-t-il gaiement.

— Arrête de parler et concentre-toi sur tes pieds, Capitaine. Ça vaut mieux. Et surtout, tais-toi.

Je glisse mon bras autour de sa taille et l’aide à sortir de la chambre comme je peux en me demandant ce qu’il a bien pu raconter ces dernières heures à qui voulait bien l’écouter. Si ça se trouve, toute l’équipe est au courant pour nous, ou sait que je suis enceinte. Qui sait ce qu’il a bien pu leur dire ? Surtout que j’imagine que s’il s’est mis dans cet état, c’est à cause de moi.

Nous descendons difficilement les escaliers et je prie pour ne pas les dévaler autrement que sur mes pieds, et Abdul appelle Ryan pour me relayer jusqu’à la voiture. Ils ont tous bu plus que de raison, je me demande comment le coach va les accueillir à l’entraînement demain soir. J’espère qu’il va bien les faire suer, il y a une quantité non négligeable d’alcool dans le sang de ses joueurs. Abdul semble le moins ivre du lot.

— Tu as vraiment récupéré toutes les clés ? lui demandé-je en ouvrant la porte passager de ma voiture.

— Oui, je ne veux pas un drame avec un de mes amis. Mais ce soir, je sens que la consommation de capotes va battre des records ! Merci d'être venue, Sarah, je crois que Bec était prête à le déshabiller…

— J'ai été sage ! beugle Liam qui me pelote les seins en s'effondrant dans la voiture.

— Je te conseille de garder tes mains dans tes poches, Capitaine, grommelé-je en l’attachant. Merci d’avoir appelé, Abdul. Je rentre coucher le loustic. Je doute qu’il se souvienne de grand-chose demain… Est-ce que je dois l’avertir d’une meuf qui pourrait le coller parce qu’il s’est amusé avec elle ?

Un peu fourbe, certes, mais vu comme il est en ayant bu, j’ai quand même le droit de m’interroger, non ?

— Non, Becca ne l'a pas lâché d'une semelle. Au début, c'était gentil mais il a dit qu'il voulait fêter un grand évènement. Le mariage de son père, sûrement. Et voilà dans quel état il se retrouve…

Becca ne l’a pas lâché d’une semelle ? Ça ne me rassure pas plus que ça. Je la connais bien, et je sais que Liam l’intéresse toujours.

— Ouais, je vois… Bon, eh bien, bonne fin de soirée, et souhaite-moi bon courage pour monter le bébé dans sa chambre, souris-je.

— Je te proposerais bien de t'aider mais Becca m'a dit qu'elle avait une folle envie de me sentir la baiser… Je n'ai pas envie qu'elle se rabatte sur un autre si je tarde trop. Je l'ai rarement vue aussi excitée, glousse-t-il.

— File alors… Amuse-toi bien, et pas la peine de me donner les détails !

Je démarre la voiture et reprends la route. Liam ne tarde pas à poser sa main sur ma cuisse et il se penche vers moi pour me tripoter sans gêne.

— Je t'aime, Sarah, je t'aime, Sarah… chante Liam à tue-tête. On va avoir un bébé !

— J’espère que tu n’as pas chanté ta jolie petite chanson au beau milieu du salon. Et si tu pouvais la chanter dans ta tête une fois qu’on sera arrivés, ce serait cool.

Il se renfrogne sur son siège, un peu fâché ou juste submergé par l'alcool.

— On baise quand même ce soir ? bafouille-t-il en me regardant, les yeux embués de larmes. Même si tu ne m'aimes plus ?

— Arrête tes bêtises, je ne t’ai jamais dit que je ne t’aimais plus. Mais non, tu rêves, pas de sexe ce soir. Tu pues l’alcool, Liam, j’aurais peur d’être bourrée rien qu’en t’embrassant.

— Elle m'aime, elle m'aime, murmure-t-il en souriant et en s'endormant presque.

Je peine à l’aider à monter les marches une fois à la maison, et l’empêche de poursuivre jusqu’à ma chambre, l’arrêtant devant sa porte. Liam fait la moue mais m’entraîne avec lui. Il se laisse tomber sur le lit en bougonnant et peine à enlever ses baskets. Il s’acharne pendant un petit moment et je prends un certain plaisir à le voir galérer. Je finis par l’aider à déboutonner sa chemise et lui enlève son pantalon. Il me fait tomber sur lui et ses mains viennent caresser mes fesses, je sens son érection logée contre ma cuisse. Je le repousse gentiment et tire le drap pour le couvrir.

— Tu dors avec moi, hein ?

Je ne sais pas si c’est une très bonne idée, mais j’enlève mon manteau et mon pull avant de me glisser sous la couette à ses côtés. Liam m’attire contre lui et se colle dans mon dos. Je fais fi de son haleine alcoolisée, surtout lorsqu’il glisse sa main sous mon débardeur et la pose sur mon ventre.

— Je t’aime, je t’aime, continue-t-il à murmurer sur un rythme lancinant dans mon oreille.

Cependant, le romantisme meurt en un quart de seconde quand il vient empaumer mon sein, et je repousse sa main en ronchonnant suffisamment fort pour qu’il m’entende. Liam ne tarde pas à s’endormir, et moi je me demande ce qui a bien pu se passer lors de sa soirée. Vu son état, il est capable d’avoir fait tout et n’importe quoi, je crois. J’espère que nos secrets ne sont pas éventrés.

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