86. Le chaperon et ses dames

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Sarah

Je profite du trajet en voiture jusqu’à la résidence où Rebecca vit pour essayer de la joindre avec le téléphone de Liam. En vain. Son portable doit être éteint, parce que mes appels restent sans réponse, tout comme mes messages sur les réseaux sociaux. Je commence à flipper et je m’en veux de ne pas avoir été une super amie lorsqu’elle m’a appelée l’autre soir. Au final, son instinct n’était semble-t-il pas à côté de la plaque, mais j’étais trop préoccupée par les soucis de Liam pour penser à ceux de ma meilleure amie.

J’espère qu’Abdul va vite arrêter ses conneries. Becca et lui se sont bien trouvés, même énergie, même folie, mêmes délires sexuels… Alors, je ne comprends pas ce qui a pu se passer. Certes, mon amie n’est pas parfaite, loin de là, mais de là à la jeter de la sorte lors de cette soirée qu’elle adore, il a vraiment abusé. Ça me donne envie d’étriper son mec. Ou ex ? Son break ? Comment appelle-t-on un mec avec qui tu fais un break ? Et pourquoi est-ce que les relations doivent être aussi compliquées ?

Je jette un œil à mon beau chauffeur et lui lance un petit sourire lorsqu’il me regarde. Je n’avais même pas conscience d’avoir posé ma main sur sa cuisse, il va vraiment falloir que je sois plus vigilante. Et si je fais ça alors que Jude est à l’arrière ? Cette petite est trop maligne pour que l’on se permette des écarts, et tout serait bien trop compliqué à lui expliquer.

Encore une fois, nos propres problèmes me reviennent en tête plutôt que de penser à Bec, qui doit être en train de pleurer toutes les larmes de son corps. Je la connais, ma meilleure amie. Derrière son apparence frivole et un peu simplette, c’est surtout une jeune femme profondément sensible et qui cherche l’attention de tous, l’admiration et la considération. C’est fou ce que l’on peut faire lorsqu’on manque de confiance en soi.

— J’espère que Becca est chez elle… Je ne vois absolument pas où je pourrais la trouver, sinon, soupiré-je alors que Liam se gare devant le bâtiment. Tu es vraiment sûr de vouloir venir ? Becca est… Je veux dire, ça risque d’être une effusion de larmes et de plaintes, tu sais ?

— Peut-être que si je suis là, elle va se retenir un peu ? En tous cas, ce sera mieux avec vous deux qu’à la fête sans toi.

Je vérifie qu’il n’y a personne dans les parages et me penche pour l’embrasser avant de sortir de la voiture.

— Se retenir ? Elle risque plutôt de se jeter dans tes bras pour que tu la consoles, oui… Tu es prêt à ça ?

— Tu me protègeras ? demande-t-il en souriant. Moi, le pauvre homme qui vais devoir résister à la furie éplorée ?

— Pauvre petit chéri sans défense. Comme si te retrouver le nez entre ses lolos te dérangerait tant que ça, soupiré-je alors que nous entrons dans l’immeuble.

— Je te promets d’être sage, Sweetie. Et de t’aider à la réconforter, rien de plus, conclut-il en posant sa main sur mon dos pour m’entraîner vers la chambre de Becca.

Je dépose un baiser sur sa joue avant de frapper à la porte à plusieurs reprises en m’annonçant. Becca met une plombe à ouvrir, et je suis à deux doigts de me décourager quand enfin le battant s’ouvre. Elle s’apprête à se jeter dans mes bras, en larmes, mais se fige rapidement en voyant Liam. Son regard se promène dans le couloir et je peux voir la déception traverser ses pupilles quand elle constate que son enflure de mec n’est pas là. Je m’invite à l’intérieur et l’attrape par la main pour l’entraîner sur son lit, où une bonne quantité de mouchoirs traînent.

— Allez, Bichette, ça va aller, lui dis-je en m’asseyant à ses côtés.

— Pourquoi il est là, lui ? demande-t-elle en montrant Liam toujours sur le pas de la porte.

Je vois qu’il n’ose ni répondre, ni entrer dans la chambre et qu’il attend que je réponde à mon amie.

— Eh bien, Liam est mon chaperon. Tu connais ma mère, si elle apprend qu’il m’a lâchée ne serait-ce que deux minutes, elle va le fesser avec sa cuillère en bois préférée, souris-je. Il peut entrer ? Ou tu as toi aussi une cuillère qui pourrait rougir même les fesses d’un noir ?

Elle pouffe légèrement avant de lui faire signe d’entrer.

— Liam, tu dois promettre que tu ne répéteras rien à Abdul, d’accord ? Viens t’asseoir à côté de moi, ajoute-t-elle en lui indiquant la place de l’autre côté d’elle.

— Promis, je ne dirai rien. Et Sarah a raison, ça va aller, sourit-il en s’asseyant.

Becca soupire et récupère un nouveau mouchoir pour s’essuyer les yeux. Elle porte la jolie robe bleue que nous avons achetée la semaine dernière, et j’ai encore plus envie d’étriper Abdul parce que je me souviens qu’elle a mis trois plombes à la choisir pour lui plaire, qu’elle l’a prise bleue parce que c’est sa couleur favorite et que j’ai ainsi appris que tous les sous-vêtements qu’elle achetait en ce moment étaient de cette teinte également.

— Bien, soupiré-je en attrapant sa main. Tu veux la meilleure amie compréhensive ? Rassurante ? Ou prête à décapiter le vilain qui brise ton cœur ? Parce que je t’avoue que, pour le moment, c’est la dernière option qui prime.

— Je ne sais pas, pleurniche-t-elle. Ce n’est pas de sa faute, si ? Ça doit être moi, je me suis trop emballée, je ne lui ai pas laissé d’espace…

— Pourquoi est-ce que ce serait ta faute ? Personne n’est parfait, c’est sûr, mais il faut faire avec les défauts de chacun, c’est comme ça qu’on avance, non ? Oui, tu es jalouse, et alors ? Tu ne lui as quand même pas enfilé une ceinture de chasteté, rassure-moi ?

— Et vu sa taille, il lui en faudrait une grande de ceinture, commente Liam en souriant alors que Becca lui donne un coup de coude après avoir ébauché un sourire.

— T’es bête, Liam. Tais-toi si c’est pour dire des âneries ! Sarah, tu crois qu’il a utilisé ma jalousie comme excuse ? Je crois qu’il en a assez de moi, c’est tout. Notre histoire est déjà finie dans sa tête, non ? Oh Liam, pourquoi tu m’as jetée dans ses bras plutôt que de me prendre dans les tiens ?

Je jette un œil à mon Capitaine et le vois grimacer avant de tapoter l’épaule de Becca maladroitement.

— Je ne sais pas, Bichette… Je crois que les hommes ont du mal à s’impliquer dans une relation. Nous sommes jeunes, Becca, à notre âge, beaucoup ont envie de s’amuser, pas de s’enfermer dans une relation. Peut-être qu’il a juste flippé parce que ça devenait sérieux ? Ou alors… Je ne sais pas, peut-être que tu es mieux sans lui, finalement…

— Mais non, c’est l’homme de ma vie, Sarah ! Tu ne te rends pas compte de tout ce que j’ai fait pour lui plaire ? Il n’a pas le droit de me larguer comme ça.

— Tu sais, Becca, intervient Liam, je ne sais pas si tu es la femme de sa vie, mais il t’adore et il n’a jamais été aussi amoureux d’une fille avant. Je crois qu’il a juste besoin que tu lui fasses confiance. Il n’y a pas de mal à regarder ailleurs, si c’est vers toi qu’il revient toujours, tu ne crois pas ?

En parlant de mater, je vois qu’il ne se gêne pas pour se rincer l'œil dans le décolleté plongeant de mon amie, ce qui a le don de m’agacer légèrement.

— Sauf quand les mecs passent leur temps à mater ailleurs, en fait, c’est un peu agaçant à force, marmonné-je. Je comprends que ça puisse t’énerver, Bichette, mais tu sais bien que les mecs ne pensent qu’à ça… Et ce n’est pas pour autant qu’ils vont voir ailleurs, au final. Enfin, j’imagine…

— De toute façon, s’il est tant intéressé par les autres, il n’a qu’à aller voir si elles sont mieux que moi. Il sera déçu, dit-elle d’un ton plus affirmé. Tant pis pour lui ! Moi, je considère que si c’est un break, je peux à nouveau me remettre à draguer ! Il va voir si je vais rester sage quand on sera toutes les deux en Floride pour les vacances d’hiver ! Non mais !

— Qui va en Floride ? demande Liam en se redressant sur le lit.

Je grimace et évite son regard en essuyant les joues de Becca. Elle vient de lancer un foutu pavé dans la mare, là, sans même s’en rendre compte.

— Rebecca et moi. On va en Floride tous les ans toutes les deux depuis qu’on est à la fac. Quelques jours entre filles, farniente et danse à outrance. Je crois que cette année, ça va être encore plus nécessaire.

— Ouais, et tous les ans, on se fait de ces beaux mecs, Liam, si tu savais ! Enfin, pas forcément aussi mignons que toi, mais quand même, dit-elle en posant sa main sur son épaule.

— Ah oui, je vois bien. Je n’étais pas au courant. Et tu veux qu’Abdul arrête de mater alors que tu vas en vacances pour baiser ? En tous cas, c’est sûr que là-bas, je ne pourrai pas faire le chaperon, grommelle-t-il en se renfrognant à sa place.

— Abdul a demandé un break, non ? dis-je en m’adressant à Liam. Il n’a pas à se plaindre de quoi que ce soit, je pense. Et nous étions célibataires, les deux années précédentes, donc… À ce que je sache, nous ne faisons rien de mal.

— Si tu veux venir me chaperonner, Beau Basketteur, sache que tu es le bienvenu ! minaude Becca qui semble avoir déjà oublié son grand chagrin d’amour.

— Non, ça ira, je n’ai pas les moyens d’aller au soleil en hiver, moi. Mais tu as raison d’aller en profiter, Becca. Ça va être fun pour vous deux. Les hommes là-bas n’ont qu’à bien se tenir !

— C’est clair qu’on va tous les faire tourner en bourrique ! Toi et moi, célibataires, ma poule, on a intérêt à prendre une grande suite avec deux chambres éloignées l’une de l’autre, glousse Becca.

— Oui, heu… On verra ça, ris-je en la prenant dans mes bras. Je préfère te voir comme ça. Tu aurais dû rester à la soirée et lui montrer ce que c’est que de laisser Becca dans un coin !

— Je ne suis pas à plaindre, répond-elle en passant un de ses bras autour de mes épaules et l’autre autour des épaules de Liam qu’elle attire contre sa poitrine. Je suis en bonne compagnie. Dommage qu’il doive te raccompagner chez toi, sinon, je lui aurais bien proposé de rester ici.

— Ah non, répond-il sans toutefois bouger de sa place. Je ne touche pas aux copines de mes amis, moi, je te l’ai dit !

— Eh bien, ça pourrait rester entre nous, tu sais, minaude-t-elle. Je te promets de ne rien lui dire. Après tout, pourquoi est-ce que je devrais rester malheureuse, moi ?

— Non, tu ne dois pas rester malheureuse, tu vas en Floride avec Sarah pour oublier tout ça. Veinarde.

— Je ne dis pas non à oublier tout ça dans tes bras, tu sais, glousse-t-elle en se désintéressant totalement de moi pour se tourner vers lui.

— Becca, je ne suis pas sûr qu’une nuit dans mes bras serait la solution à tes problèmes de cœur, soupire Liam. Amuse-toi en Floride et après, tu verras ce que tu veux faire avec Abdul, c’est ce qu’il y a de mieux à faire.

— Il a raison, Bec… On va passer un petit moment entre filles loin de ton mec. Ça te fera du bien, et ensuite… On n’y est pas. Qui sait, tu vas peut-être rencontrer un milliardaire qui va t’emmener à Vegas pour se marier avec toi, ris-je en pointant du doigt le bouquin sur sa table de chevet. L’amour avec un grand A, le coup de foudre, l’évidence des romances. Ça va aller ? Tu veux que je reste dormir ?

— Non, enfin, sauf si tu prends le canapé et que Liam reste dans mon lit, rigole-t-elle.

— Tu rêves, bougonné-je un peu brusquement avant de me reprendre. Hors de question que je dorme dans ce canapé pourri... Bon, eh bien, on va rentrer, alors, si tu es tellement en forme que tu dragues mon petit… Frère.

Je la prends à nouveau dans mes bras et la serre contre moi avant de me lever. Becca se jette quasiment dans ceux de Liam et je la vois en profiter pour le tripoter ouvertement. Liam se redresse lorsqu’elle commence à lui palper les fesses, et le rire qu’elle lâche en le voyant se lever me fait sourire.

— T’es devenu un coincé, Liam ? pouffe-t-elle. Depuis quand tu refuses qu’on apprécie ta stature ?

— Je t’ai dit que tu valais mieux qu’une nuit avec moi, Becca. Alors, arrête de te faire de faux espoirs, ça vaut mieux. Tes jolies fesses méritent qu’on s’en occupe de la meilleure des manières !

Il lui met une petite tape sur les fesses avant de me rejoindre près de la porte. J’embrasse Becca et nous sortons tous les deux pour rejoindre la voiture. Au moins, ma meilleure amie a vite repris du poil de la bête, ça fait plaisir. Même si, du coup, elle est repartie en chasse avec pour gibier mon basketteur. Et ça, en revanche, ça me plaît beaucoup moins.

— Tu files la fessée à toutes les nanas qui te draguent ? lui demandé-je une fois que nous sommes en voiture.

— Tu pourras te venger de ça en Floride, non ? Tu comptais m’en parler un jour ? Tu pars quand ?

— Je ne savais pas comment t’en parler, en fait… Et puis, j’avais dans l’idée de te proposer de venir, mais avec Becca, c’est compliqué. Surtout si elle cherche à te sauter dessus chaque fois qu’elle croise ton regard. Bref, je suis désolée… Et je pars… Lundi matin, soupiré-je.

— Je vois. Et je dois m’attendre à quoi, alors ? Tu pars là-bas, tu vas à la chasse avec Becca et on oublie tous nos deals ?

— Non, bien sûr que non, enfin ! Je… J’y vais avec Becca, et ça ne change rien. Elle chasse si elle veut, mais… Je n’ai aucune intention d’aller voir ailleurs, Liam.

— C’est vrai, ça, Sweetie ? s’enquiert-il, les yeux plein d’espoir.

— Evidemment que c’est vrai ! Pour qui tu me prends, sérieux ?

— Je ne sais pas, la façon dont Becca en parlait, et le fait que tu ne m’aies rien dit, j’avais vraiment l’impression que tu voulais, comme Abdul, un peu de temps loin de moi. Je ne sais pas, Sarah… J’ai l’impression que tu pourrais avoir n’importe quel mec, sérieux. Et des fois, je me dis que notre histoire sans futur finira par te lasser.

— Tu connais Becca, et je ne suis pas elle. On est ensemble, non ? Je ne joue pas sur plusieurs tableaux, moi. Bon, on rentre ou tu veux retourner à la fête ? Parce que moi, je préfère qu’on se retrouve nus dans un lit, souris-je en remontant ma main sur sa cuisse.

— Alors, on rentre, ma Chérie. Pour profiter avant que tu ne t’envoles pour la Floride !

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