102. La boulette qui fait mouche

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Sarah

— Jude, ne traverse pas la rue toute seule ! s’écrie ma mère alors que j’attrape la main de la petite pour la stopper.

— Vite ! Je veux remettre ma robe, moi !

— Ce n’est pas une raison, c’est dangereux, Judith, il y a des voitures partout, lui répond-elle en verrouillant la voiture.

— D’accord, Vic, marmonne la petite tornade en se renfrognant.

Je n’ai aucune envie de repasser par les essayages et ajustements des robes, et de poiroter pendant trois plombes parce que ma mère est hyper perfectionniste. Je sens que l’après-midi va être très long.

Lorsque nous entrons dans le magasin, nous sommes accueillies par la patronne, une quinquagénaire au sourire forcé outrageusement polie qui nous offre à boire et nous fait installer dans l’un des salons privés où trônent déjà nos robes sur des portants.

— Bien, on commence par qui ? nous demande la propriétaire aux seins refaits.

— Moi ! crie Judith en se relevant déjà.

Ma mère acquiesce, le sourire aux lèvres, et me fait signe de suivre Jude. Je m’exécute docilement et récupère ma robe avant de filer en cabine pour me changer.

— Vous voulez que je vous aide, Sarah ?

— Non, non, ça va aller, merci.

Je me déshabille et prends le temps d’apprécier la matière de cette superbe robe. Autant dire que ma mère ne lésine pas sur les moyens pour se faire plaisir, et nous faire plaisir aussi, au passage.

— Vite, Sarah ! Je suis prête, moi !

Jude est montée sur ressorts depuis hier soir à l’idée de remettre sa jolie tenue pour le mariage. Autant dire qu’elle doit être la plus pressée d’arriver au Jour J. Dans tous les cas, elle est beaucoup plus pressée que Liam et moi, c’est sûr.

— J’arrive, Jude, j’arrive.

J’enfile ma robe et remonte la fermeture sur mon flanc. Le résultat est toujours aussi joli, même si j’avoue ne pas me souvenir que la robe me remontait autant la poitrine. J’ai l’impression d’être étriquée dans un corset qui me remonte les seins jusqu’au cou. Je prends quelques secondes pour faire un selfie que j’envoie d’ailleurs à Liam.

— Même moi, mon décolleté me ferait bander, je crois !

Ce n’est pourtant pas très confortable.

— Je crois que j’ai pris un peu de poids avec le repas des fêtes, dis-je en sortant de la cabine.

— Ah oui, effectivement, grimace la couturière en m’attirant au centre de la pièce. Peut-être qu’il vaudrait mieux la reprendre quand même, non ?

— Non, non, je vais faire attention, c’est bon, ne vous embêtez pas avec ça.

— On ne peut pas te laisser comme ça, intervient ma mère. Il faut élargir un peu sinon, tu vas faire une syncope le jour du mariage. C’est fou, on dirait que tu as même grossi des seins !

— Mais je vais perdre le poids que j’ai pris ! Ça va, j’ai pas vingt kilos de plus, les fêtes sont finies, je vais reprendre une alimentation moins riche. Attends, dis-je en me tournant devant le miroir. J’ai grossi d’où ? Parce que moi, ce sont les roploplos que j’avais vus, c’est tout !

— On dirait que tu es serrée aussi sur les hanches, mais ça vient surtout du haut, je pense. On va le desserrer, tu ne vas jamais reperdre tout ça d’ici le mariage. Tu as mangé tant que ça pendant les vacances ?

Je me tourne et me retourne devant la psyché. Je n’ai quand même pas tant forci que ça. Oui, j’ai évité mon jean fêtiche la semaine dernière parce que je me trouvais trop boudinée dedans, mais quand même !

— Maman, on a abusé du chocolat chaud ! Même Liam va courir plus longtemps depuis qu’on est rentré pour éliminer les excès des fêtes. Mais… Enfin, je ne pensais pas avoir autant pris.

— Tu es belle quand même, me dit Jude en venant se coller dans mes bras.

— Merci, Jude, mais encore une fois, c’est toi la plus jolie, souris-je en la serrant contre moi. Bien, on retouche, si vous voulez… Mais ça fait chi… Enfin, ça m’ennuie, quand même.

— Venez avec moi, Sarah. Je vais regarder ce que je peux faire. Mais si l’heureux événement se précise, il va falloir repasser juste avant le mariage pour que je fasse les derniers ajustements.

— L’heureux quoi ? m’esclaffé-je. Vous allez me vexer !

— Oh désolée, je croyais… Je me suis trompée. Venez donc, je vais élargir un peu tout ça.

Je la suis en bougonnant et la laisse me couvrir d’épingles et me mesurer de partout avant de retourner me changer en cabine. L’avantage du legging, c’est que tu peux grossir sans t’en rendre compte.

Jude porte encore sa tenue lorsque je m’assieds sur le canapé, tandis que ma mère est partie enfiler sa robe de mariée. J’en profite pour sortir mon téléphone et constate que Liam m’a répondu.

— Tu m’as presque fait jouir, là ! Magnifique, le décolleté ! N’hésite pas à envoyer d’autres photos !

— Désolée, il paraît que j’ai grossi de partout, alors je vais éviter les photos. Et tu n’es pas près de me revoir nue, mon pauvre.

Mon téléphone ne tarde pas à biper à nouveau et je regarde ce que mon beau basketteur m’a répondu.

— Plus il y a de toi, plus j’ai de la chance ! Mais ce soir, pas de problème, je viendrai et tu me banderas les yeux.

Je pouffe et jette un œil à Judith qui joue avec les pans de sa jupe avant de lui répondre.

— Tu as intérêt à profiter de cette photo alors. Vivement ce soir, Capitaine !

Je repose mon téléphone en voyant ma mère sortir de la cabine. Elle est toujours aussi belle, et contrairement à moi, elle ne semble pas avoir pris de poids. Franchement, je ne comprends pas comment j’ai pu me laisser aller à ce point. Oui, nous avons fait de bons repas, mais pas non plus au point de changer de taille de bonnets, quand même. Et puis, je ne crois pas qu’on prenne de la poitrine en priorité. Ça se saurait !

Honnêtement, je rumine. Je ne suis pas du genre à surveiller mon poids au gramme près, mais j’avoue que là, ça m’interpelle un peu. Je crois que je vais vraiment faire attention, quitte à revenir juste avant le mariage pour qu’elle réajuste ma robe. Je n’ai aucune envie de ressembler à un rôti ficelé, cette robe est trop belle pour que je ne veuille jamais voir les photos du remariage de ma mère.

— Sarah ?

— Oui, quoi, Maman ?

— Eh bien, je pensais que tu aurais quelque chose à dire, ou tu t’en fiches totalement ?

— Non, non, bien sûr que non, Maman. Tu es superbe, comme toujours. Peut-être resserrer un peu à la taille, non ? Toi, tu dois avoir maigri, contrairement à moi…

— Tu crois ? Et le décolleté, tu penses qu’on le voit assez ou je peux demander à Maggie de l’agrandir un peu ? J’ai envie de rendre Jim fou, tu sais ?

— Oui, enfin, Maman, ris-je, faudrait pas non plus que ça fasse vulgaire. Il est très beau, ce décolleté. Il dit que la marchandise est agréable à regarder, mais qu’un seul homme peut en profiter.

— Bien, mais à côté du tien, je fais triste mine, rit-elle.

— C’est toi qui as proposé nos robes, il faut assumer, Maman, dis-je en lui faisant un clin d’œil.

— J’assume et je suis fière d’avoir une fille aussi jolie que toi, ma Puce. Et que toi aussi, Jude, ajoute-t-elle en voyant la petite nous écouter.

— Tu vas être la plus belle des mariées, Maman. Hein, Jude ?

— Oh oui ! T’es trop jolie, Vic !

Je me garde bien de lui dire qu’au moins, elle, ne se prendra pas de réflexion sur une possible grossesse. C’est bien la première fois que je m’entends dire ça, et j’avoue que j’ai été piquée. Je rumine d’ailleurs encore lorsque nous rentrons à la maison, et file dans ma chambre pour essayer quelques unes de mes fringues préférées. Ok, j’ai vraiment pris du poids. Mes seins ont l’air de vouloir s’enfuir de certains de mes soutiens-gorges et je n’arrive même pas à fermer mon chemisier corail à ce niveau. J’en connais un qui va s’éclater avec ces roploplos.

Mes yeux se posent sur ma plaquette de pilules, sur ma table de chevet, et je ne peux m’empêcher de la récupérer pour vérifier que je n’en aurais pas oublié une. Ça m’étonnerait, je fais très attention, encore plus depuis que nous n’utilisons plus de préservatifs. Effectivement, il n’y a pas de couac, la plaquette est vide. Je la repose en souriant. Un peu de diète et ce sera bon, ce chemisier redeviendra mon préféré.

— Sarah ! Tu viens jouer avec moi ?

Judith cogne à la porte comme une folle et j’ouvre, manquant de me prendre un coup dans son élan.

— J’arrive, Jude.

Je la suis dans le couloir avant de me stopper net. S’il n’y a pas de couac sur la prise de pilule, j’ai fini ma plaquette hier soir… Ce qui veut dire que j’aurais dû avoir mes règles il y a une semaine. Là, je n’ai plus du tout envie de rire.

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