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Pas moi. Ça me gave cette histoire de boule verte. Je suis en colère contre cet incompétent de Bang qui fait n’importe quoi. Sandrine a raison. Il ne faut pas jouer avec le feu. J’ai l’impression d’avoir loupé le coche. Elles se sont trouvées et je ne suis plus de la partie. Moi je ne suis pas arrivée au bout de ma vie, je ne peux pas changer d’existence du jour au lendemain, je suis coincée ici, en Principauté, avec Ulysse et mes enfants, Luisa et Émilio. Non pas que je ne les aime pas. Juste que j’envie la liberté que se sont trouvées et octroyées Sandrine et Alice. Mais je me sens seule. Les enfants sont grands et ils se sont éloignés. Comme tous les faux jumeaux mixtes, je ne les ai pas porté longtemps, le lien avec moi n’est pas assez fort, il l’est beaucoup plus entre eux. Alors qui je suis d’autre que ça ? Juste une sorcière qui a gardé ses pouvoirs occultes de la Terre. Mon double s’est beaucoup mieux débrouillée, elle est au top maintenant. Je lui demande audience. Elle accepte de me recevoir, dans la salle de réunion du Conseil de Sécurité de l’Ouest :

  • J’ai vraiment le droit d’être ici ?
  • Tu es mon double. Il paraît qu’on est la même personne. Mais je ne sais pas si tu as le droit de me voir. Je n’ai bien sûr pas demandé l’autorisation à Big. Il est toujours assez pessimiste dans ces domaines.
  • Parce qu’il croit que c’est de la science. Mais ça ne l’est pas, Gaby. Et mes pouvoirs nous protègent.

Elle se lève et fait les 100 pas :

  • Ça alors, merci Gabrielle, si tu savais comme je suis soulagée. Ça fait un gros problème de moins à gérer. Alors, toi et moi, on ne va pas finir dingues comme Aline et Alice ?
  • Non, on est juste la même personne dans la même dimension mais avec des rôles différents. Je ne vois pas de fusion entre nous.
  • Est-ce que je peux m’approcher de toi ?

Je me lève et je vais la voir de près aussi. On s’observe. On est vraiment pareilles.

  • Gaby, est ce que tu as remarqué des changements physiques en toi ces 60 dernières années ?
  • Non, je ne crois pas.
  • Parce ce que moi, si. Je pense que c’est moi qui me suit adaptée à toi. Et il y a les antennes également, elles nous contrôlent toutes les deux. On se montre nos mains.
  • Gabrielle, tu crois qu’on peut se toucher ?
  • Je ne sais pas. Je risque de découvrir tous tes secrets. Est-ce que je suis habilitée ?

Elle m’attrape les mains et je sursaute. Je la regarde dans les yeux. Rien. Dommage. C’est pas normal.

  • Non, c’est pas normal. Gabrielle, c’est moi qui voit en toi. Tu es malheureuse et triste. Tu viens chercher une solution.

Je retire mes mains. Maintenant je sais ce que ça fait d’être espionnée psychiquement. Je baisse les épaules, je soupire.

  • Et là, Gaby, tu vois encore en moi ?
  • Non, pas sans contact.
  • Bon, je crois que je vais y aller. Si on nous voit ensemble ça va être la panique.
  • Et je risque de perdre mon nouveau poste.

On se met devant le miroir pour comparer les deux.

  • On devrait se mettre toute nue pour voir.
  • Oui, et récupérer les habits de l’autre.
  • Un échange.
  • Et rentrer à la maison.
  • Tu sais, Big a vraiment l’air de ce qu’il est, au lit.
  • Ça me changerait, Ulysse est parfois trop doux.
  • J’ai une liaison extra-conjugale.
  • Toi aussi ? Moi c’est avec une fille.
  • Je sais, j’ai vu. Avec Alice. Mais c’est fini. Moi aussi c’est avec une fille. C’est tellement plus simple. On a moins l’impression de tromper. Et il n’y a pas de conflit. C’est presque naturel. Ma secrétaire. Tellement dévouée. Et motivée. Rafraîchissante.
  • Gaby, embrasse-moi.
  • Tu es sûre ? On va pas disjoncter ?

Et je l’embrasse pour voir. Et elle m’embrasse. Et on s’embrasse. Rien. Ce n’est pas magique du tout.

  • Je crois que j’ai perdu mes pouvoirs.
  • Il sont là, en moi.
  • Tu peux les garder ? Ça me fera des vacances. Un peu de silence. Sans être obligée de boire de l’alcool. Ça les éteint, si ils font trop de bruit.

Et je m’en vais. Et ça a l’air de marcher. Je rentre dans le silence. Enfin. Quelle bénédiction ! Pourquoi je ne l’ai pas rencontrée plus tôt ? Du coup je repars dans ma vie en aveugle. Et je suis de bonne humeur. Je n’entends plus les autres et leurs problèmes. Je n’ai plus qu’à penser à moi. Ulysse se méfie. Il est prudent. Il sent que j’ai changé. Je l’entends d’ici. Sans l’entendre. Ce qui est un progrès. Et j’ai sommeil. Alors je vais dormir. Et Ulysse me laisse tranquille, jusqu’au matin :

  • Gabrielle, qu’est ce qui se passe ?
  • J’ai perdu mes pouvoirs. Je les ai confiés à mon double. Maintenant je réalise que je suis libre, sans destin. Sur Terre j’étais l’arme fatale contre le mal. Ici je suis venue protéger la Reine. Maintenant je ne suis que moi. Et j’ai eu une aventure sexuelle. Je t’ai trompé, avec une fille. Qui déjà ? Alice. Mais elle m’a plaquée pour une autre. Je ne dirais pas non à un plan à trois, avec elles deux, pas avec toi. Et j’envisage la conversion.
  • C’est tout ? C’est comme ça que tu vois ta vie ? Et les enfants ?
  • Ils sont grands. On n’a jamais été proches. Ulysse, je pars. Je retourne chez ma mère.

Et j’arrive dans une maison chaleureuse au centre ville de Sylvania. Il y a des guirlandes clignotantes dehors et un sapin de Noël à l’intérieur. Maman donne le sein à Pierrick et Patrice coupe du bois pour la cheminée. On est où là ? Sur Terre ? C’est très dépaysant.

  • Maman, j’ai perdu mes pouvoirs, j’ai quitté Ulysse, est-ce que je peux m’installer dans la chambre d’amis ?
  • Tu seras mieux dans le studio au dessus du garage. Est-ce que tu serais disponible pour garder Pierrick de temps en temps ?

Je m’occupe donc de mon petit frère. Et le reste du temps je dors. Il n’y a que lui et moi. Je le lève, je le lave, je le promène. Au Parc je passe pour sa mère. Je me sens très proche de lui. On a comme un langage non verbal. Et je ressens de l’amour maternel pour ce petit bout. Je n’ai jamais été comme ça avec les miens. Mais j’étais quelqu’un d’autre. Et là je ne suis que moi. Et je me sens exister, utile, quelqu’un, la nounou de Pierrick. Énola passe pour le voir et on rigole ensemble. Sur la canapé, alors que je lui mets dans ses bras, elle m’embrasse et elle me dit :

  • J’adore les terriennes.
  • Profites-en vite parce que moi aussi j’envisage la conversion.

Alors elle m’embrasse à nouveau avant de proposer :

  • Tu devrais venir te détendre avec nous, Marielle et moi.

Mon agenda commence à se remplir. Nounou aux heures ouvrables, nuits coquines chez les voisines, le reste du temps je dors ou alors je lis, des livres, des auteurs locaux, je ne savais même pas qu’il y en avait, je les ai découvert à la Médiathèque de la Mairie où je traîne loin des écrans dans le silence des étagères remplis de secrets à déchiffrer. Heureusement, il y a la version française à chaque fois. Ce ne sont pas vraiment des fictions. Ils écrivent au présent à la première personne et ils parlent d’eux, de leur vie. Ça permet de découvrir la civilisation sous un autre angle. Ça m’a donné envie d’écrire mon histoire aussi. Une bouteille à la mer que quelqu’un pourra lire un jour, en cachette, en toute intimité, sous les couvertures la nuit. En parallèle je commence à écrire des critiques sur les réseaux. Et je me fais repérer par le libraire qui fait des émissions. Il me demande à la fin de parler d’un livre que je n’ai pas aimé :

  • « John attend », je l’ai lu parce qu’il était en français d’origine, intraduisible à cause de ses mauvais jeux de mots jusque dans le titre avec une histoire fade sans véritable sens, une perte de temps à le lire même avec l’éternité devant soi.

Et au Boui-boui le serveur me renverse mon thé en me servant :

  • Désolé, je vous fais perdre votre temps, même avec l’éternité devant soi.
  • Jonathan ?
  • Nathan. John, c’est mon père.
  • Nathan ? Tu as bien grandi. Comment va Félicia ?

Mes frères et sœur locaux, des faux jumeaux. La dernière fois que je les ai vus c’était des enfants. Il aurait pu me le dire, ce n’est pas la première fois que je viens ici et qu’il me sert.

  • Je ne t’avais pas reconnu non plus, jusqu’à ce que je fasse des recherches sur cette méchante critiqueuse de la Librairie.
  • Je vais bientôt sortir le mien, de livre. Tu pourras te venger, sans thé.
  • Ha ha …
  • Je vais refaire la critique de ton livre. Maintenant que je sais que tu es mon frère, demi, je vais me lâcher et pas à moitié.

Et il fait semblant de renverser à nouveau mon thé. Je ne réagis même pas par réflexe.

  • Doucement petit, c’est moi la grande sœur.
  • Demie !

Quel con celui-là.

  • Rendez-vous à la Bibliothèque au salon d’écriture, je vais te lister toutes tes erreurs.
  • OK. On y va maintenant.

Et je lui montre toutes les corrections à faire. Et il trouve ça intéressant. L’atmosphère se détend. Il se met directement au travail. Je me lève pour partir et il s’arrête d’écrire, me regarde et me dit :

  • Merci Gabrielle.

Je l’embrasse sur le front.

  • De rien mon petit. À bientôt, Nathan.

Et il me regarde jusqu’à ce que je sorte de son champ de vision. Je l’observe un peu à travers une étagère. Et je retourne à ma vie.

La correction ressort sur les réseaux. Au Boui-boui il me sert une boisson chaude et sucrée :

  • Alors tu l’as relu ?
  • Non, je te fais confiance.

Je lui donne un exemplaire du mien.

  • Merci Gabrielle, mais je ne lis pas, en général.
  • Tu ne veux pas savoir qui je suis vraiment ?
  • À travers des mots ? Non. Je préfère te vivre en vrai.
  • Me vivre en vrai ? Jolie expression. Osée mais jolie.

Je lis un autre livre en attendant qu’il finisse son service. Il me raccompagne à la maison. Sur le trajet nos mains se frôlent et on se regarde en coin. Quand on arrive, il va pour me faire la bise et repartir mais Aurélie est là alors il va lui dire bonjour. Elle est très étonnée de nous voir ensemble. Il va regarder sous le sapin pour voir si il y a un cadeau à son nom. Je prends Pierrick des bras d’Aurélie pour la libérer. Je ne suis plus aussi disponible ces temps-ci. On s’installe près du sapin au coin du feu et Nathan joue de la guitare pour faire réagir Pierrick. Aurélie, de loin, nous regarde avec bienveillance. Je lui fait visiter le Studio au dessus du Garage. On se retrouve assis sur mon lit et on discute des livres. Et puis il me dit :

  • Je suis bien content de t’avoir comme sœur.
  • Je ne suis pas ce genre de sœur, tu sais.
  • Avec Félicia c’est pas pareil, on est la même personne.
  • La même personne… comme la fusion. J’ai mon double aussi. Une locale, comme toi.
  • Tu veux dire que tu fais des trucs avec ?
  • Des trucs ? Pas vraiment, sinon on fusionne, comme Alice et Aline, et c’est le bazar. Et toi, tu fais toujours des trucs avec Félicia ?
  • Tant qu’on n’est pas engagés ailleurs, on reste assez proches. Mais ce n’est pas une règle non plus. Chacun vit sa gémellité d’une façon différente. De toutes façon, les antennes veillent, ce sont elles qui décident et qui corrigent.
  • Qui corrigent ?
  • Comme Willem et Aline, leurs codes génétiques sont devenus compatibles.
  • Les antennes, la fusion. Il s’agit peut-être d’un bug. Ça peut peut-être se corriger aussi. Mais ce n’est pas que de la science, on a découvert de l’Invisible dans la fusion.
  • Ça te travaille tout ça.
  • Le professeur Bang nous a fait peur avec ses théories de paradoxe et d’effondrement. On doit écarter la menace et essayer de comprendre.
  • Essayer de comprendre…

Et il m’embrasse sur la bouche. Et je ne le repousse pas. Je ferme les yeux. J’essaye de comprendre. On s’allonge sur le lit et il se cale contre moi. On s’endort. Je me réveille, il fait nuit. On a loupé le dîner ? Je regarde mon monolithe. Non, j’ai encore un peu de temps avant d’aller aider à le préparer. Je m’installe à mon petit bureau et j’ouvre mon ordinateur. Je tape un rapport avec la théorie de la fusion buguée par les antennes et j’envoie. Je me retourne pour regarder Nathan. Il dort toujours. Je me lève pour lui mettre une couverture sur les épaules et je l’embrasse tout doucement sur la joue avant de lui murmurer tout bas, presque pour moi :

  • Merci Nathan, grâce à toi j’ai compris.

Et je rejoins Aurélie en cuisine pour l’aider.

  • Qu’est ce que vous faites dans le studio. Tu as les cheveux en vrac.

Je lui pique un quartier de pomme et je le croque sensuellement.

  • Si tu savais… Il s’est écroulé, il dort, dans mon lit.
  • Tu pétilles Gabrielle, tu as l’air heureuse.
  • J’en sais rien, je n’ai plus mes pouvoirs. Je n’ai pas les codes pour affronter le monde extérieur sans eux. C’est pour ça que je suis venue me réfugier chez maman.

Et je lui fais un câlin et des chatouilles pour la faire rire mais elle crie, et je ris.

Une fois que tout est prêt je vais le chercher. J’allume la lumière tamisée :

  • Nathan, debout, le dîner est prêt.
  • Déjà ? Qu’est ce qui s’est passé ?
  • Quoi ? Tu ne te souviens plus de rien ?
  • Si, je crois que je t’ai embrassé.
  • C’est tout ? Bon. Viens, on va choisir le vin.

Et il me suit à la cave. En regardant les étiquettes il me demande :

  • Gabrielle, avant ta conversion, tu pourras me montrer comment tu es faite ? Je n’en ai jamais vu de près.

Et je pouffe et je ris. Mais pas lui.

  • T’es sérieux ? Quelle manque d’éducation, il y a tout à refaire chez toi.
  • C’est à dire que les terriennes, vous êtes assez rares.
  • Vraiment ? Tu en es là mon pauvre petit Nathan ?
  • C’est juste un truc, entre frère et sœur.
  • Un truc ? Un demi-truc d’abord.
  • D’accord, va pour la moitié.

Et j’éclate de rire.

  • J’ai pas dit oui.
  • Tu n’as pas dit non.

Je veux avoir le dernier mot. C’est moi la grande sœur. On va éteindre le feu tout de suite.

  • D’accord. Donne-moi ta main.

Il ne bouge pas. Il se méfie d’un mauvais coup. Je lui prends sa main et je la rentre dans ma culotte. Et je le regarde avec défi. Il n’ose rien faire. Puis il retourne sa main côté paume. Il explore doucement. Il caresse. J’essaie de ne pas bouger. C’est moi qui n’ose plus rien faire maintenant. Lui il promène ses doigts. Son pouce me fait ouvrir la bouche et fermer les yeux. Son majeur va tout en bas et il remonte tout doucement en moi. Puis il retire sa main mais je lui maintiens le poignet que je finis par lâcher. Je baisse la tête. Je n’ose pas rouvrir les yeux pour le regarder. Il me caresse la joue. J’ouvre les yeux et je lui dis :

  • Voilà, c’est fait. On peut passer à autre chose maintenant ? Le vin.

Et il rit. Et je ris. Et on se prend dans les bras. On remonte les trois couleurs et on passe à table. Je me sens si bien. Si détendue. Je me sens ailleurs, dans une autre vie, en famille même si c’est Patrice qui rentre et pas Noël, mon père. Nos pères ne sont pas là. Mais ce sont les mères qui comptent. Depuis longtemps et pour toujours.

On boit un peu trop de vin et il reste dormir au Studio, je le veux près de moi. Le lendemain on fait l’émission à la Librairie et on raconte notre rencontre insensée et il dit :

  • Il fallait qu’on se rencontre, exactement de cette façon, c’était écrit.

J’essaie de le retenir une deuxième nuit mais :

  • Je dois aller voir Félicia. J’en ai besoin.
  • Besoin de quoi ? Je peux peut-être combler ce besoin ?

Et il me donne un coup d’oreiller.

  • Vas-y, avant que je te mette une raclée.

Et il m’embrasse sur la joue avant de partir. Je mets ma main sur ma joue et je laisse aller mes pensées. Je ne trouve aucun scénario satisfaisant pour la suite.

Le lendemain il revient, dépité :

  • Elle m’a fait une scène. « Retourne voir ta nouvelle sœur préférée ! » Entre autres insultes indicibles.
  • Merde, elle est jalouse, je lui ai volé son Nathan, je suis la sœur rivale.

Je finis par la rencontrer, en cachette. C’est très convivial et amical, en se fait la bise d’entrée :

  • Félicia, tu es très belle.
  • Pas plus que toi, il a vraiment trouvé une plus jolie sœur. Et plus intéressante.

On ne se fait que des compliments. Aucun reproche. Et puis :

  • Vous faites des trucs j’imagine, un peu, oui ? Il a toujours aimé être derrière. Avec toi il aura deux fois plus de raison d’aimer ça.
  • Félicia, merci mais je ne pense pas qu’on aille jusque là. Notre relation a pris un chemin différent.

Elle ne me croit pas une seconde. J’ai donc du souci à me faire.

  • Alors ça va mal finir.

Ça y est, je suis encore la méchante. Dès que je revois Nathan je mets les points sur les i. Mais il ne m’écoute pas et me donne un coup d’oreiller.

  • Aïe ! Mon œil.

Il se précipite, inquiet, et je lui fais une prise de judo pour le chevaucher. Et je suis là, les mains appuyées sur son torse. Je me déhanche un peu et je sens son pantalon durcir. Alors je continue et on se frotte l’un à l’autre et on a du plaisir, interdit et intense.

  • Elle m’a dit comment tu aimais la prendre. On pourrait juste faire ça ?

Normalement ça aurait dû nous dégoûter, nous arrêter, en finir. Mais ça a été tellement doux, tellement excitant. Maintenant on s’embrasse à pleine bouche. Et je me touche, et il se touche, et je le touche et il me touche, avec nos mains, avec nos langues, toutes les caresses possibles. Et quand on tombent en sueur et essoufflés à chaque fois l’un de nous avoue :

  • On est allés trop loin.

On l’a pas fait. On a fait pire. Et on vit ensemble. Et on sort ensemble. Un vrai petit couple avec un bébé dans le Parc Central et au Boui-boui. Aléna vient s’asseoir avec nous :

  • Vous êtes beaux. Vous êtes chics. Vous vous aimez beaucoup. Vous avez l’air si heureux. Vous avez de la chance de vous être trouvés. Profitez bien de ces moments à vous, rien ne dure jamais. Soyez prudents, pour après.

Elle a raison. On va où là ? Nulle part. À part dans mon lit. Une luxure malsaine. Mais je me sens tellement vivante, comme jamais et libérée aussi, dans mon monde, enfin, et plus dans celui des autres. Je regarde Nathan et je lui dit :

  • Nathan, je suis prête à tout pour toi. Et si ça tourne mal, je plaiderai la folie.

Il me prend la main. Aléna se lève et s’en va, vaincue.

  • Gabrielle, on va pas se prendre la tête, il y a toujours une fin, pour tout le monde. L’important est d’en profiter pendant qu’il est là.
  • D’en jouir.
  • Coquine. Mais tu sais, on ne peut pas se quitter comme ça. On est liés à tout jamais. Je serai toujours ton petit demi-frère alors je t’aimerai toujours.
  • Et moi je serai toujours ta grande demi-sœur éloignée.
  • Éloignée ?
  • Oui éloignée d’une autre planète d’un autre univers. Et rien que ça, ça me donne le droit de t’aimer, de toutes les façons.

Voilà. Il ne le sait pas encore mais il m’a convaincue, il m’a vaincue, il m’a eue. Et pas que mon cul. Dès qu’on rentre au Studio il passera par la grande porte, en face à face avec moi. Sans protection. Je veux ses fluides en moi. Nathan, mon demi-frère de sang intersidéral, mon effondrement de paradoxe, le double de mon cœur. Quand est-ce que j’ai basculé ? À quel moment ? Le doigt dans la cave. C’est le cas de le dire.

Ce soir, j’allume quelques bougies sacrées et à la lueur de quelques candelas, nue sur le lit, les bras en croix et les jambes écartées, il rentre en moi. Et il va, et il vient, et je gémis et je crie, je suffoque même, avant de voir les étoiles. Je m’accroche, je m’agrippe à lui pour qu’il reste en moi, pour que je m’imprègne de sa semence. Je me sens seule au monde, avec lui. Nous sommes maintenant un nous.

Maintenant que c’est fait, on peut passer à autre chose. On se partage le temps de nounou avec Énola, ce qui me permet d’aller travailler à la Bibliothèque de la Mairie, en attendant que celle de l’East Cathedral ouvre.

  • Nathan, en fait, je suis rédactrice pour la B4. En Principauté, c’est plus pratique car le Vatican n’est pas loin et il y a de nombreux endroits pour faire ces travaux. Mais je tiens à rester ici, je me sens moins influençable, surtout en Mairie loin des religieux influenceurs et de leur science infuse. Ça te dit de travailler à la Mairie aussi ? C’est quoi ton profil de compétences ?
  • Tu veux m’avoir à proximité, me surveiller ?
  • C’est à toi de voir. Tu pourrais venir t’occuper de moi pendant les pauses. Et il y en a plein des pauses. Car travailler sur ces textes, c’est très… excitant.
  • Patrice m’a déjà embauché pour l’aider sur son E.C. On est dans le bâtiment juste en face.
  • Tu vas travailler sur quoi ?
  • Les fluides, électricité, eau, technologiques. J’ai quelques diplômes de Westech.
  • C’est pour ça que tu écris si mal.
  • Merci.

Et je vais l’embrasser pour le consoler :

  • Pas grave, je suis là maintenant mon petit Nathan.

Nos vies s’organisent. Se construisent. Dans nos rôles sociaux. Dans nos câlins.

Mes enfants veulent me voir. Luisa et Émilio me donnent rendez-vous au Restaurant de l’Opéra. Je suis contente de les revoir, je les embrasse :

  • Comment allez-vous les enfants ?
  • Nous, ça va. Quand est-ce que tu rentres ?
  • Ma vie est ici maintenant.
  • Tu as changé.
  • Oui, beaucoup. J’ai évolué. Je me sens mieux. Ce n’est que le début.
  • C’est la fusion, c’est ça ?
  • Entre autres. Je suis désolée, pour votre père. C’est ça la vie. Tout peut changer en une fraction de seconde. Je vous souhaite de trouver votre voie aussi.

Mais ils ont l’air paumés. Je ne les pas assez aimés.

À l’Ouest, le professeur Bang se passionne pour mon rapport :

  • Tu aurais dû perdre tes pouvoirs en arrivant ici. Comme Noëlle. Elle a aussi son double ici et elle a résolu son problème toute seule avec Émilie, comme toi avec Gaby. Tout s’explique. Tout ça c’est un bug, tu as raison. J’ai déjà écrit un correctif pour les antennes. Si ça marche, plus de fusion ou de dé-fusion. Sandrine et Alice font des boules blanches maintenant.
  • Bravo Big. Bonne chance pour le correctif. À bientôt.

Il faut qu’il freine sur les alcaloïdes, je n’ai rien compris et je m’en fiche de ses histoires. Moi j’ai la mienne dans la chaleur d’un foyer, en famille et en ambiance de Noël.

Et ce soir comme tous les soirs et pour toujours, Nathan écrit son plaisir sur moi et en moi pour se finir en mon point G, notre rendez-vous quotidien pour l’éternité, j’ai perdu le I mais j’ai gagné le S dans son A pour moi. Et alors qu’il s’endort sur moi, encore essoufflée et en sueur, je suis aux aguets du moindre indice occulte mais il n’en n’est rien, je suis libérée comme un fantôme revenant à la vie bien réelle, et nos fluides dansent ensemble comme si nous faisions qu’un seul corps plein d’amour et de désirs assouvis. C’est comme ça que je veux vivre l’éternité.

À la maison avec maman, en famille avec Nathan, Patrice est là aussi, très présent, le petit Pierrick que Énola nous ramène accompagnée de Marielle, Aline et Willem nous rejoignent avec des bouteilles à la main et des cadeaux à poser sous le sapin. On prend l’apéritif près du feu et Aline félicite Aurélie pour la qualité de ses décorations, de la musique de Noël se fait entendre en bruit de fond et quelques flocons de neige tombent dehors. Greta arrive en retard avec son gros ventre et Victor la soutient avec dévotion, on va pouvoir passer à table. La maîtresse de maison prend la parole :

  • Merci à toutes et à tous d’être venus. On est à deux semaines de Noël mais pas la peine d’attendre ce jour exact pour se sentir en famille, au chaud, autour d’un bon repas et avec beaucoup d’amour en nous à donner et à recevoir, à partager comme ce dîner. Avant, comme disait Marielle, on ne peut pas dire non à la vie, aujourd’hui, je, vous, on ne peut pas dire non à l’amour. Patrice et moi, Willem et Aline, Victor et Greta, Énola et Marielle et pour finir, Nathan et Gabrielle, tous deux issus de mon ventre mais pas de la même planète ni du même univers, on est tous unis dans l’amour où rien n’est impossible ou interdit, on peut tout se permettre dans l’éternité contrôlée qu’on nous offre ici alors profitons en et chérissons là cette planète C qui sera le lieu de notre bonheur éternel. Je vous aime. Embrassez-vous. Je veux voir plein de bisous.

Et on embrasse nos conjoints dans un silence d’amour avant de passer à table. Je crois que c’était les bénédicités. Où alors les corrections de la B4 commencent à déteindre sur moi ? Il est vrai que c’est un texte magique, sacré, qui rayonne au-delà de l’Invisible. Je chuchote à l’oreille de mon homme :

  • Ça y est, c’est officiel, c’est comme des fiançailles pour nous.

Et je lui mets une fine bague transparente au doigt. J’ai la même, je les connecte ensemble, il y a un tout petit flash qui le confirme. Je lui fait un bisou sur la joue et je continue les explications :

  • Quand elle brillera en rouge, c’est qu’il faudra vite venir m’honorer.

Il me prend la main, il me regarde avec amour et embrasse ma bague. Je sens déjà le désir monter en moi. Ça va être une belle et longue nuit. Et pendant le repas, au fur et à mesure des verres de vins, je déculpabilise. D’avoir quitter une famille aimante en Principauté. De ne plus avoir de pouvoirs. De me sentir heureuse avec un demi-frère éloigné.

  • Nathan ? Peu importe les circonstances ou les faits, rien ni personne ne pourra m’enlever le bonheur que je ressens avec toi.

Il me regarde, il a l’air sous le choc, on dirait qu’il ne comprend pas, ou alors il a trop bu. Il me dit juste :

  • Je t’aime.

Et j’en suis émue, je retiens mes larmes. Quelle belle réplique à tout ça. Je lui prends la main et je la serre avant de lui serrer autre chose ce soir dans notre couche interdite et malsaine pour les autres, c’est leur problème à eux, à nous c’est notre solution. On en fait de mal à personne. On se fait juste du bien. Même si ainsi je fais du mal à Ulysse et à les enfants. Même si ainsi il fait du mal à Félicia. Est-ce que notre bonheur doit passer par le confort spirituel des autres ?

  • Nathan, est-ce que tu es prêt à tout sacrifier et à te battre pour notre amour ?
  • Non, je suis prêt à tout sacrifier et à me battre pour toi.

Il est vraiment bourré, c’est sûr, et moi aussi. Ça va nuire à nos ébats.

Quoi que, cette nuit il est en train de me secouer alors je suis comme une couverture sur lui, de dos. Je ne me rappelle même plus du dessert…

Je suis dans la positions du fœtus couchée sur le côté de mon cœur. Et il est toujours derrière moi, il m’enveloppe de son corps dans la même position, et on est connectés, je le sens encore en moi, il bouge encore un peu pour se motiver à rester dans la chaleur de mon ventre. J’espère qu’on s’est bien tenus à table.

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