O.T.L.

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Lou, de l’Est, a fait appel à Alice, de l’Ouest, pour m’extrader de cette secte étrange créée exprès pour moi, l’Ordre des Trinitaires Locaux. Nous sommes tous prisonniers de quelque chose ou quelqu’une. C’est donc facile de recruter, voir de débaucher ces abrutis de Chevaliers de l’Apocalypse. C’est vrai que leur nom est plus porteur. Mais tout ça ne sont que des fictions que l’on s’invente. Pour moi le plus important, c’est de commencer enfin mon parcours initiatique loin de toutes ces punitions que ma mère Rachel m’a infligées pour me protéger. Une éducation religieuse. J’ai dû en violer une pour en sortir. Banni avant même d’avoir une existence sociale, j’étais tranquille sur mon île paradisiaque quand la rédemption est venue me chercher.

  • Lou, si tu veux me sauver, laisse-moi me sauver.

C’est comme ça que je me retrouve à l’Ouest, au début de mon existence, à Russell, le reste d’une école indéterminée dans le néant spirituel d’un éternel été dans la banlieue de Laguna City. Les infrastructures sont nombreuses et restent à taille humaine. Pourtant ça a l’air vide. Dans les bureaux de la direction je tombe sur un jeune homme qui a l’air perdu et ailleurs.

  • Je suis le référent. Ne cherche pas l’administration, ils ont tous démissionné, comme la plupart des professeurs. J’ai reçu ton dossier. Comme tu viens avec un Ordre spirituel, je considère que tu es à la tête d’une confrérie, tu as donc tout un quartier à ta disposition pour tes adeptes.
  • Et pour les cours ?
  • Tu reçois sur ton mono les cours disponibles, quand il y en a.

Il me donne un monolithe de Russell. En l’allumant, un message vidéo agressif explique : « Bienvenue à Russell. Ce lycée a été créé par Emma Russell qui a aussi créé l’Hôpital. Au départ, il s’agissait de préparer les futurs médecins... » Je coupe le monorus. Mais il se rallume tout seul. Il est possédé ? Ça affiche les cours. Anglais ? Allemand ! Géologie, instruction civique. Ça a l’air passionnant. J’hésite à le couper à nouveau de peur qu’il se rallume avec encore pire. En sortant du couloir de la mort aux éclairages verts inquiétants, quelqu’un m’attend en lisant un livre de poche, une grande rousse débraillée et mal coiffée :

  • Salut, je suis ton chaperon guide. Bienvenue à Russell. Je vais te montrer où tout le monde traîne. C’est quoi ça ? Ils t’ont filé un monorus ? Pourquoi ? Tu es qui ?
  • C’est lié à ma confrérie, l’Ordre des Trinitaires Locaux, quartier Nord.
  • Tout un quartier ? Toi, tu es du lourd.
  • Benjamin.
  • Benjamin ? B.O.T.L. Ce sera Bouteille. Moi c’est Elya. C’est la première fois qu’on me demande de chaperonner, à moi. J’ai un monorus aussi, mais jamais avec moi.

Et elle se met à rire et à me regarder, elle lance son livre derrière elle et il tombe dans une poubelle.

  • Tu suis un cours de littérature ? Je peux venir avec toi ?
  • C’est à dire que même moi je n’ai pas le droit d’y aller. Je suis en prépa médecine, tradition familiale. Alors, raconte-moi.

Pour la tenir à distance, je vais lui dire la vérité.

  • Je suis le fils de Rachel, maire de Sylvania. Un des enfants, elle en a plein, avec des pères différents, on ne sait pas qui ils sont en général.

Comme elle commence à s’ennuyer, elle prend une canette dans son sac, l’ouvre et commence à boire. Je continue :

  • J’ai été élevé par les employés de la Mairie avant d’être placé dans une école religieuse où j’ai violé une bonne sœur.

Elle recrache tout :

  • Trop cool !
  • Tu crois ? J’ai été banni sur une île paradisiaque de laquelle j’ai été arraché par une autorité spirituelle qui m’a remis en cellule au fond de la Basilique. Alice a dû intervenir pour me tirer de là.
  • Et tu viens avec un Ordre spirituel.
  • Un cadeau du Pasteur Patrice, le Père Supérieur, pour sauver mon âme.
  • Bottle, tu es à moi, à partir de maintenant, on ne se quitte plus. Je suis Lilibet Russell, une descendante, ma mère traîne à l’Est, c’est la grande Kate. Mon père, Doumé, est le fils d’une terrienne, Lisa Marie, et d’un médecin local, Augustin.
  • Du sang de terrienne ? Tu es plus V.I.P. que moi. Ta grand-mère, Marielle, elle est bien placée avec sa compagne, une proche de Greta, et ta mère aussi, elle a mis au monde Mona-Lisa.
  • Oui. Ça va être dur de faire mieux. Sauf si tu deviens un gourou avec ton OTL,
  • genre les Chevaliers de l’Apocalypse.
  • Non, ils sont beaucoup trop gentils, je n’arriverai jamais à être comme eux.
  • J’ai peut-être une belle ascendance mais moi je ne suis rien, je n’ai rien fait par rapport à toi. Tu veux bien être mon faire-valoir ?

Elle me tend la main.

Je lui fais la bise. Elle fait l’effarouchée :

  • Tu viens de me violer, mon espace intime.
  • Je suis un violeur.
  • Donc, je te punis. On va passer à la cafétéria. Je vais te faire manger les plats locaux d’étudiants désespérés. Les PLED.

Il s’agit de sandwich bourratifs avec pleins de trucs différents à l’intérieur, mais c’est bon. Elle m’explique :

  • On va en croquer un morceau, mâcher et quand ce sera le bon moment, je te montre.

On s’exécute et au bout d’un moment elle lève le doigt pour me prévenir. Là, elle entre dans ma zone d’intimité, colle sa bouche contre la mienne et je sens sa langue entrer pour me prendre ma nourriture consciencieusement broyée. Je ferme les yeux et j’essaie de faire de même mais sans trop y parvenir. Elle ressort enfin. Je proteste :

  • Tu m’a violé ma bouffe.
  • Et ce n’est que le début. Il y a des yeux partout ici. Et je préfère passer pour ta compagne plutôt que pour ta chaperonne. Surtout que tu as une confrérie.
  • Ce n’étais pas un baiser de lycéenne.
  • Bien-sûr que non, je suis en prépa médecine, c’est au dessus. Et j’ai mon vécu aussi. J’ai fais autre chose avant. J’aurais dû être la leader de l’île C, j’avais même le soutien de Alice. Mais comme tout a été annulé, je me suis rabattue sur mon pauvre destin. Tu vas peut-être pouvoir me sortir de là. Tout se joue sur des rencontres. Et tu es une rencontre. Sans doute programmée par je ne sais qui mais je m’en fiche.

Je regarde autour de nous.

  • Des yeux partout ?
  • Et tu vas avoir beaucoup besoin de moi. Ça me permettra d’échapper à mes travaux pratiques, si tu savais à quel point c’est glauque. Promets-moi de ne jamais faire médecine.
  • Alors pourquoi tu le fais ?
  • Je le fais pas, je fais semblant. Histoire de me faire oublier. Ma motivation pour l’exode a été mal vue. Je dois rentrer dans le rang. Avec toi je peux sans doute bifurquer vers une autre voix.
  • Tu m’utilises.
  • Bien-sûr, tu crois quoi ? Que tu me plaît ?
  • Non, ça me va.
  • Je te plais, hein ? T’attache pas trop, je change souvent de look. Et je préfère les filles. Et j’en connais un paquet qui rêveraient de se faire violer alors je préfère te monopoliser pour me laisser du choix. Même si en ce moment j’ai une régulière. Une grosse blonde, très confortable. Et très gentille. D’ailleurs il faut que je te la présente, je vais t’amener et te présenter comme un sex-toy, on va bien s’amuser.

*

Je ne sais pas ce qu’elle m’a fait boire ou fumer mais on se retrouve dans une maison aux éclairages rouges, je suis nu et elle me jette sur Martine, qui a l’air si gentille, et elle l’est, elle est douce, elle me rassure mais derrière la menace arrive avec son Brisim en place, elle le glisse entre mes fesses et me murmure :

  • Je me suis renseignée, c’est ça ce que tu lui a fais à ta bonne sœur ?

Trou noir. Je me réveille bien au chaud dans les bras de Martine. Ça va, je n’ai pas trop mal. Martine me caresse tout doucement les cheveux. Je lui demande :

  • Elle est où ?
  • Elle a eu honte, elle a eu peur. Elle est partie.

Je m’aperçois que je suis encore connecté. Alors je commence à masser sa poitrine et à l’embrasser, elle remue son ventre et on commence à gémir. On ne fait qu’un. Et on s’endort. Et on se réveille, et on se lave et on prend le petit-déjeuner. Elle est pleine d’attention, souriante, belle, elle a l’air heureuse et moi aussi.

  • J’ai commencé médecine.
  • Je commence le lycée.
  • Bottle ?
  • Benjamin.

On est dans le quartier sud. On marche en discutant de tout et de rien mais surtout pas de Elya, de nos ascendants ou de nos destins. On arrive à un carrefour où nos chemins se séparent. On ne sait pas trop quoi faire ou dire. Alors je m’approche d’elle et je l’embrasse. Elle surprise, contente, je crois. Elle sort son mono, je sors le mien, elle le pose dessus. Ils bippent.

  • On reste en contact.

Je la regarde s’éloigner. Elle me fait coucou. Elle me manque déjà. Je dois partir de l’autre côte pour aller affronter Elya, quelle plaie !

À l’entrée du lycée je suis dans mes pensées avec Martine quand une brune m’aborde, c’est Elya ? Elle a changé de look.

  • Bottle, désolée, je n’étais pas dans mon état normal.

Je ne trouve rien à dire. Je la suis à la cafétéria, on se pose. Elle ne voit pas quoi ajouter. Alors je commence :

  • Je n’ai pas eu de procès. Personne n’a pris en compte les faits. Si j’avais eu un avocat, je n’aurais pas été banni. Scarlett a perdu le contrôle. Et toi, aussi ? Mais tu as l’immunité, non ?

Je pose mon monorus sur la table et je continue :

  • Maintenant, moi aussi. Alors on fait quoi ? Œil pour œil ? Avant de faire justice, renseigne toi mieux. Et c’est comme ça que tu traites ta compagne, en me jetant sur elle ?
  • C’était un cadeau. Son jumeau n’a pas voulu d’elle. Tu es son premier.

J’en reste sans voix. Comme c’est romantique. Elya me dégoûte. Pauvre Martine.

  • C’était un drôle de premier jour de lycée. Mais j’en ai vu d’autres. Un jour sur mon île paradisiaque des guerriers ont débarqué. Des sortes de forces spéciales. Très antipathiques. Et puis j’ai réussi à cohabiter avec eux. On est même devenus amis. Au final, je me suis aperçu qu’en fait, c’était des Chevaliers de l’Apocalypse. Ils m’ont expliqué qu’ils n’étaient pas là pour se suicider. C’est tout le contraire. Ils s’entraînent à faire disparaître les gens toxiques. Ils régulent. Si jamais tu recommences un de tes trucs à la con, Russell ou pas, je leur balance ton nom. Et je te défends d’entrer dans ma zone intime. Et ne t’approche plus jamais de Martine.

Sur ce, je me lève, je récupère mon monorus et je m’en vais, je demande le parcours pour le cours d’allemand. Je passe devant celui de droit, aucun intérêt. Ils ne parlent pas de la loi du plus fort.

Je sors du cours d’allemand avec une phrase notée en bleu sur mon cahier ; « Der mann hat einen grossen geist und ist so klein von taten. » C’était très intéressant et ils sont tous sympathiques. Sur mon mono je trouve le programme de Martine. Je vais la rejoindre pour le brunch. À l’entrée de la faculté de médecine je rentre en scannant mon monorus. J’ai accès aussi ici. La cafétéria est facile à localiser, elle baigne dans un dôme de lumière. Je scanne en panoramique et je trouve Martine. Elle mange seule en relisant des notes.

  • Salut, beauté.

Elle lève les yeux et est très étonnée, surtout quand je lui fais un bisou sur la bouche.

  • Comment tu es rentré ?
  • J’ai le programme visite des nouveaux, un accès un peu partout, je crois.

Elle me donne la moitié de son sandwich et partage sa canette dans un verre. Et puis elle rit. Et puis elle s’inquiète :

  • Tu as vu Elya ?
  • Oui, je l’ai menacé de mort alors tout est arrangé. Elle va nous laisser tranquille un moment je pense.
  • Nous ?
  • Oui, nous, qu’est ce que t’en dit ?

Elle ne sait pas quoi répondre. Elle sourit, elle met les mains en l’air et :

  • D’accord. Nous…
  • Tu finis à quelle heure ? On peut se retrouver au parc ? Le jardin d’Eden, ça me dit quelque chose.
  • Tu es sûr ? C’est le coin des amoureux.
  • Ah… je suis un peu jeune, c’est ça.
  • Non, oui, d’accord.

Je pose ma main sur la sienne, elle les regarde et je lui vole encore un bisou.

  • Alors à tout à l’heure.

Elle va certainement trouver le petit bout de papier que j’ai glissé entre ses doigts. « Willst du meine Freundin sein? » Avec comme réponse des cases à cocher avec oui dans toutes les langues. Elle m’envoie la photo du mot doux. Il n’y a qu’une seule croix, sur le « Ja ».

Je ne l’attends pas longtemps près de la fontaine. Elle a dû se dépêcher. Quand elle s’approche, je vais pour lui dire que… mais elle m’embrasse déjà et son regard bleu ciel me fait tout oublier. Elle me prend la main et on va marcher autour de l’étang. Je me sens bien avec elle. Et elle rit, elle n’en revient pas, d’être là avec moi. Je le sais, je le sens. Elle n’est pas au bout de ses surprises. En attendant on peut vraiment s’aimer, librement.

*

On reçoit un colis de la Basilique, directement chez Martine. Il y a un collier doré et un argenté avec un petit rond en pendentif à l’intérieur duquel un plus stylisé gothique apparaît.

  • C’est l’O.T.L. On nous attend à la Basilique pour tous les sacrements. Nos adeptes auront un modèle noir.

J’accroche le modèle argenté autour du cou de Martine et je lui dis :

  • Maintenant, on est liés pour l’éternité.

Et je l’embrasse et elle me serre dans ses bras. Pour fêter ça, elle me persuade de monter avec elle sur sa grosse moto. Elle fonce vers le nord, on va visiter nos quartiers. Elle stationne devant la maison principale. Ça a l’air grand. On découvre un grand bar et derrière une piscine. À l’étage, un grand bureau, une salle de réunion et des chambres. De l’intérieur, on descend au garage. Il y a une grosse masse recouverte d’une couverture. On la tire et un véhicule à quatre roues s’allume et bippe. Martine en fait le tour en caressant le fuselage :

  • C’est une Bridget. Une marque de voiture du nom de sa créatrice. Il y a longtemps il y avait des courses et beaucoup d’équipes. Cette voiture n’était pas en compétition. C’est une version domestique.

Elle entre dedans et inspecte l’ordinateur de bord.

  • Il y a des instructions pour aller chez Bridget mais sur le trajet programmé il y a des routes qui n’existent plus.

Je la laisse jouer et je vais visiter la cave. Il y a des cellules et une table de torture au centre sur laquelle sont soigneusement empilés des documents d’intronisation. J’entends un vrombissement au dessus. Je remonte vite et j’entends Martine rire de surprise. La porte du garage s’ouvre :

  • Viens ! On va faire un tour !

*

Et on rentre indemnes. Elle gare même la Bridget en marche arrière dans le garage.

  • Mes parents étaient dans la compétition. Maintenant ils ont laissé tombé les roues et font du bateau, de la voile, tout autour de la planète. Je les ai accompagné sur le tour du continent. J’ai même un bateau à moi en Principauté. Aux prochaines vacances je t’amène faire un tour. Rien que toi et moi. Et l’océan.

Elle m’implique dans sa vie comme je m’implique dans la sienne.

  • Et ton frère ?
  • Florian. Il n’a jamais trouvé sa place. Il a disparu. Il repose en paix grâce aux Chevaliers de l’Apocalypse. Il ne m’a pas abandonnée. Il a juste jamais été avec moi. C’est comme si j’étais née seule, avec une moitié en moins.
  • Martine, laisse-moi être ton gémeau.
  • Tu l’es déjà, pour l’éternité, quoi qu’il arrive, depuis cette horrible nuit.
  • Ça a mal commencé mais ça a toujours été mieux depuis, chaque jour un peu plus.

Elle sourit :

  • Dis-le.
  • Je t’aime, chaque jour un peu plus.

Et elle me saute dans les bras pour me serrer très fort :

  • Moi je ne vais pas te le dire, je vais te le montrer.

Et elle m’entraîne dans la chambre où elle me demande de l’honorer, par derrière, comme une conjuration à mon histoire. Et dans l’excitation de l’action elle m’ordonne :

  • Bouffe-moi le cul et soulage-toi à l’intérieur en me pressant les seins et en me mordant la nuque !

Tout un programme que je m’applique à lui faire, en douceur.

*

  • On attend les heures sombres de la nuit, pour parler, doucement, quand tout le monde est endormi. Ici Victoria sur les ondes depuis le studio Russell. Cette nuit j’ai deux invités, un couple, ça se voit ils sont collés l’un à l’autre. Mais qui êtes-vous donc ? À toi la parole, Martine.
  • Nous sommes des locaux, moi de l’Ouest, lui de l’Est. On a été présentés par une amie commune dans une soirée glauque qui s’est bien terminée. Il est venu avec elle et il est resté avec moi. Moi, je ne suis personne, mais lui…
  • Je suis le compagnon, le partenaire, l’amant, l’âme frère , on est liés pour l’éternité.
  • Oui il m’a embarqué dans sa confrérie, les gens de l’Est appellent ça un Ordre, c’est plus spirituel.

Victoria reprend la parole :

  • Bienvenue à l’Ouest, Benjamin. Mais tu n’es pas un banal local, n’est-ce pas ?
  • Tout à fait, je viens de l’Est alors… je suis venu avec mon folklore.
  • Martine, qu’elle est ton impression sur tout ça ?
  • Il faut bien s’accrocher à quelque chose. Les écoles sont vides. Tout le monde ou presque à démissionné. Mais il ne faut pas voir l’Invisible là où il n’est pas. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas connecté, qu’on n’est pas élu, qu’il faut faire semblant ou croire. Chacun peut s’appuyer sur sa propre structure spirituelle. Personnellement, l’Invisible est venu à moi, il s’est connecté en moi, il a fait de moi son élue et il ne fait pas semblant vous pouvez me croire.
  • Oui vous avez l’air très amoureux. Benjamin, un commentaire ?
  • Je n’ai pas tout suivi je ne suis qu’au lycée j’ai encore plein de choses à découvrir. Je ne sais pas grand-chose mais il y a une chose sur laquelle je suis sûr, c’est que j’ai enfin la bonne personne à mes côtés pour la suite, quelle qu’elle soit.
  • Pour le meilleur et pour le pire, c’est le mot de la fin, à bientôt sur les ondes, on coupe dans 5, 4…

Et elle fait avec ses doigts le 3, 2, 1 et au zéro elle enlève son casque et demande :

  • Mais dites-moi, quels genres d’adeptes attirez-vous ?
  • Des bannis, des rejetés, des marginaux mais surtout des iel et des déviants. On ne les juge pas. Et nos règles sont axées sur la positivité. Chacun a une mission qui le guide et le but est simple : faire le bien. Les mauvaises pensées ou comportements sont filtrés au maximum. Et le but est de rester le moins possible, de repartir à l’extérieur en paix avec soi-même et avec les autres. Parler de tout ça à l’antenne aurait été trop ostentatoire. Notre communication se fait déjà très bien à travers le réseau C. Et on n’accepte pas tout le monde. Nous avons aussi nos propres bannis. Comme les Chevaliers de l’Apocalypse, pour incompatibilité et pour qu’ils gardent leur rôle et leur utilité propre. Et tout ceux qui ont déjà un rôle dans notre civilisation ne sont pas acceptés pour ne pas nuire à la société. Et certaines personnes en particulier pour des raisons personnelles.

À la fin de chaque émission qui il y a une question en off qui passe en dark brodcast. Elle me fait signe que c’est parfait et coupe les ondes.

*

Je l’amène à une réception à la Mairie de Sylvania pour la présenter officiellement aux personnes qui comptent à l’Est et qui savent qu’on existe.

  • Ta mère m’adore.
  • Oui je vous ai vu rire ensemble.
  • Je lui ai raconté que je t’ai sorti des griffes de Elya. Et elle a dû se renseigner sur moi, je ne suis pas une menace, juste une bénédiction pour toi. Il paraît que je suis exactement ce qu’il te faut. Et elle me trouve… plantureuse. Je crois que je lui plaît. Et je lui ai dit que contrairement à Scarlett, moi j’adore tes petites manies.
  • Petite ?
  • C’est pas la taille qui compte.
  • Ça dépend, moi j’aime bien ta taille.
  • Je t’aime.

Et on s’embrasse. Patrice vient nous interrompre :

  • Ça fait du bien de voir que tout ne tourne pas autour de Greta. Je vous souhaite le meilleur loin des problèmes officiels. Des fois je me demande si c’est pas l’Est qui est en train de dégénérer.

Martine réplique :

  • Vous allez nous tirer vers le haut, avec votre cathédrale, et votre spiritualité bien-sûr.

Une remarque très spirit, çà lui plaît. C’est la première fois que je le vois rire. J’interviens :

  • Mon Père, elle est à moi. Vous voudrez bien nous marier ?
  • Vous l’êtes déjà avec vos pendentifs. Vous n’avez pas besoin d’une reconnaissance spirituelle extérieure. Prospérez en parallèle, un jour on aura besoin de vous. Peut-être même dès la B5.

Mais Scarlett approche. Elle nous salue poliment et :

  • Je peux vous emprunter Martine ?

Et elles partent discuter en privé. Je regarde Patrice qui me fait signe que tout va bien :

  • Ne t’inquiète pas, elles ont besoin de parler, de trucs de filles. Je vais m’approcher un peu quand même, au cas où il faille les séparer.

Mais Scarlett a plutôt l’air de s’excuser et Martine n’a pas l’air du tout agressive. Mais Patrice a raison. Tout peut partir en un flash. Je vais voir Adé qui s’empiffre au buffet.

  • Ma mère, tout va bien ?
  • Salut Ben. J’ai pas eu le temps de manger à la Clinique. Si ça se reproduit, je démissionne. Elle a l’air très bien ta compagne. C’est la personne la moins bizarre de toute la salle de réception. Elle te fait du bien et elle ne te laissera jamais faire du mal. Tu as beaucoup de chance de l’avoir trouvé. Tant que vous serez ensemble, tout ira bien.
  • -e sais. Et elle donne du sens à tout ce que j’ai vécu avant. Ça valait le coup. Même si je n’avais passé qu’une journée avec elle ça aurait valu le coup.
  • Et tu l’as pour l’éternité. Cet Amour infini ne vient pas que d’elle, ça se partage à deux. Tu y es aussi pour la moitié. Tu lui fais autant de bien qu’elle t’en fait.

Et sur ces bonnes paroles je rentre avec Martine vivre notre bonheur à l’Ouest. On se fait de gros câlins tout le long du voyage.

*

En rentrant à la House OTL ou HOTL ou hôtel, j’ai un frisson dans le dos. Je m’arrête et je tends le bras pour empêcher Martine d’avancer et la protéger.

  • Nous avons des intrus.

En effet, Maëlle et Vincenzo sortent et elle annonce :

  • On vient postuler.
  • Ça va pas être possible. Le L c’est pour local. Tu es encore trop terrienne. Vincenzo toi aussi tu cumules les incompatibilités, mauvaise lignée, descendance trop courte pour être qualifiée de locale etc. En plus, Maëlle, tu suintes l’Invisible. Ici ce n’est pas le lieu pour ça.

Elle s’approche et me menace en brandissant sa main :

  • Regarde mes doigts. Je peux tout faire disparaître en un claquement de doigts.

Martine se dégage de mon bras et donne une énorme gifle à Maëlle, ça la projette par terre. Vincenzo recule d’un pas. Maëlle bat en retraite, elle se relève en se tenant la joue :

  • T’as de la chance, Benjamin. Tu n’as pas perdu, pour cette fois.

Martine fait mine d’attaquer et Maëlle recule encore. Elle attrape Vincenzo et se retourne en pestant :

  • Merde, quelle force !

Martine se retourne vers moi :

  • Je ne l’ai jamais supportée. Elle ne me fait pas peur. On a fait le lycée ensemble. Elle peut rien contre moi. Donc contre toi non plus.
  • Mais…
  • Faut pas se laisser impressionner par l’Invisible. Ils ont un code, surtout elle à son niveau. Ils ne peuvent pas user de leurs pouvoir n’importe comment.

Elle se retourne, elle regarde Maëlle souffrir en s’agrippant à sa son Vincenzo :

  • En revanche, lui, il a besoin d’être sauvé, mais il est en de meilleures mains avec elle. Tu as raison Ben J, ils n’ont pas leur place chez nous.

Parce que c’est notre chez nous. Et que Martine me protège, comme elle l’a toujours fait depuis que Elya m’a jeté sur elle. Elya, il paraît qu’elle a encore des soucis avec le Réseau C.

*

Les messes occultes s’enchaînent, c’est le cas de le dire, autour du cou, couleur bronze pour les disciples. Il commence à avoir de l’ambiance au bar. C’est Martine herself qui prépare les cocktails et qui intervient quand un adepte se sent mal. En remontant de la cave, je trouve le bouton de la ventilation, une sorte de climatisation qui aspire toutes les fumées. Le juke-box en ambiance de fond, on entend les boules claquer du côté du billard. Des écrans s’allument sur les murs, des montages psychédéliques et des paysages zen. Martine me fait signe, je vais voir :

  • La caisse s’est allumée. Elle enregistre les consommations pour le stock. Regarde la date des premiers enregistrements.
  • 2058, c’était il y a 58 ans pile. Les terriens venaient à peine d’arriver. Cette maison était sans doute une sorte de sanctuaire à la mémoire de leur planète. Pour ne pas l’oublier. Tu as vu les images de nature qui défilent sur les écrans. Je ne reconnais pas la planète C, le ciel est bleu et le soleil jaune, c’est pas un effet je pense. C’est quand la dernière date ?
  • 2088. Ça a duré trente ans. Il y a des caméras partout. Je pense que tout est enregistré. Il doit y avoir une régie cachée quelque part, peut-être même dans la maison.

Peut-être même qu’elle avait un nom cette maison. Sans doute. Mais sur la devanture j’installe une enseigne : L’Hôtel. À la fin de la mise en place, Martine me rejoint. C’est le crépuscule. Je lui donne un boîtier avec un bouton rouge. Quand elle appuie dessus je ne regarde que le reflet brillant dans ses yeux et je l’embrasse. L’Hôtel s’allume de toutes ses lettres qui changent de couleurs au hasard. Je la serre dans mes bras et je ferme les yeux. J’ai ma femme et ma maison maintenant.

*

  • Alors maintenant, Ben J, qu’est ce qu’on peut leur proposer d’autres aux disciples ?
  • Des avocats, pour faire valoir leurs droits. Juste un ou deux, assez virulents pour que tous ceux faisant partie du groupe se sentent protégés et écoutés.
  • On va avoir des ennuis avec les agents.
  • Ce sont eux qui vont avoir des ennuis avec nous.
  • Ça ne mènera à rien. Ou alors il faut faire une police locale comme au Village. Reconnue par les agents. Si faire partie de l’O.T.L. nous protège de la justice, ce sera déjà une grande victoire.

Martine a raison. Et l’Octogone ne tarde pas à se manifester. Nous ne sommes pas convoqués. Un agent vient à nous, dans l’Hôtel. Il a une mallette, il est pratiquement en uniforme, il porte des lunettes, il a l’ai coincé et il raconte :

  • On vous soupçonne déjà d’association de malfaiteurs mais moi je vois autre chose. Une structure qui canalise le mal.

Martine le jette dehors et lui balance sa mallette :

  • Ben J, le Pasteur Père Supérieur Patrice t’a confié une grande responsabilité avec cet Ordre. Tu dois lui faire honneur, ne pas faire n’importe quoi. Surtout pas laisser rentrer ces collaborateurs. Les agents sont déjà assez partout.
  • D’accord, pas d’agents, pas d’Invisible, pas d’autorité spirituelle ou non. Et ceux qui le deviennent doivent rendre leur collier. L’Hôtel doit juste être un refuge pour les marginaux. Il y a un ancien agent viré et déchu parmi eux. Il peut être notre avocat en cas de problème.

Je vais le voir, il est tout le temps au billard :

  • J’aime bien ce jeu, c’est la mise en pratique de la causalité. On voit les conséquences de l’échec. De la non performance quand on est sous emprise. Toute ma vie est là, sur ce tapis. Chaque couleur de boule a un sens et un rôle.

C’est comme les œuvres abstraites, chacun y voit ce qu’il veut.

  • Goupil, tu as réfléchi à ma proposition ?
  • J’ai écris et publié les statuts. Ils ont été validés. On va être tranquille. Ces abrutis me font confiance. Tant que je serai là, ils ne s’inquiéteront pas de ce qui se passe ici.
  • Confiance ?
  • J’ai fait un stage à l’Octogone il y a longtemps, pour valider un module de droit. À l’époque il y avait la Lieutenant Alice, une folle furieuse, ils l’ont vite expédié au Fédéral Express pour finir ta peine plus vite. Un bel exemple d’embrigadement de prisonnier, non ? Et de stagiaires. Ils s’imaginent que je bosse toujours pour eux. J’ai eu une belle progression de carrière, sans rien faire du tout. Ils évoluent dans un monde parallèle et ils s’imaginent tout contrôler.

Moi aussi je lui fais confiance. Il habite en face, il est venu par curiosité et quand il a vu le billard il est resté jouer. On a besoin d’un ancien comme lui. Je ne le mêle pas à nos rites, il trouverait ça puéril. Il est juste là en voisin. Mais en mon absence, c’est lui qui fait autorité. Et Martine m’enlève à tout ça, elle m’embarque dans son petit monde sur son bateau pour faire un tour de planète avec escales paradisiaques. Elle a juste une requête :

  • Je veux que tu me violes tous les soirs.

Scarlett n’était vraiment pas faite pour moi. Me voilà avec Martine. Martine sur le pont. Martine à la plage. Martine à plat ventre. Martine fait de l’apnée. Martine face au soleil couchant sur la proue, les bras écartés, et je me tiens à elle par derrière en l’embrassant dans le cou.

  • Je t’ai Martine.
  • L’océan, mon bateau et toi, ici et maintenant, c’est le bonheur absolu, la balise de ma vie, je serai toujours heureuse en repensant à ce moment.

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