Greta a l’air importante. Elle a même un beau camion rouge chez elle. Alice m’emmène partout alors je découvre plein de choses. Là, on va à l’Hôpital de Laguna City. Elle connaît bien la médecin. Je suis étendu sur un lit gris, très confortable. Et elles discutent.

• Rose, tu devrais aller voir Greta, elle est avec ta fille, elles apprennent à se connaître, et plus encore. Elles vont te demander des comptes.
• Ah ? Il est peut-être temps pour moi de disparaître alors, je n’ai pas la force de les affronter, toutes les deux ensemble, en plus.
• En attendant, qu’est ce que tu peux me dire sur Scat ?
• C’est un clone du réseau C, mais il a un problème. Ceux qui ne fonctionnaient pas finissaient par rentrer et ils étaient mis en sommeil, et détruit. Lui, quelque chose l’a retenu et il n’est pas rentré. Ça doit faire vraiment longtemps qu’il erre. Tu l’a trouvé où ?
• C’est lui qui m’a trouvée. Et je l’avais déjà rencontré, quand j’étais lycéenne. C’était un zombie invisible pour tout le monde mais moi j’ai été gentille avec lui. Je crois qu’il s’en est souvenu, qu’il n’a jamais oublié.
• Voilà, c’est ça qu’il l’a retenu. Qu’est ce qu’il a fait pendant toutes ses années ?
• Je ne sais pas, il ne dit rien.
• D’après l’examen, il peut parler. En attendant, si tu veux le garder, on peut vous apprendre la langue des signes.
• OK. Comme tu risques de disparaître du jour au lendemain, j’ai d’autres questions pour la suite, si je le garde.
• Je vois bien comment tu le regardes. Tu vas le garder. Que veux-tu savoir ?
• Est-ce qu’il fonctionne, je veux dire, physiologiquement, tu vois…
• Il a l’air. Voyons…

Elles s’approchent de moi et me mettent nu. La docteur me tripote. Ça réagit. Je me tend.

• Tu vois Dana, mais en fait, c’est un clone, tout fonctionne bien mais il est stérile.

Et elle accélère et je perds conscience. Je me réveille et elle regardent un écran.

- C’est confirmé. Rien de viable dans la semence.

Alice me nettoie et me rhabille en me regardant avec tendresse avec des gestes rassurants.

• Tu crois que je peux me connecter ? Pour voir…
• Oui et j’aimerais avoir le rapport par la suite, au format recherche scientifique.
• D’accord, je te l’enverrai par le Dark.

Le soir même elle me déshabille à nouveau. D’habitude on dort en pyjama. Sa peau est vraiment douce, partout. Elle me place sur elle. J’ai bien chaud. Je m’endors. Mais elle m’embrasse et me caresse partout. Sa bouche descend sur mon ventre et plus bas pour me préparer à entrer en elle. Elle me parle beaucoup, tout doucement, elle m’explique, elle me rassure, elle décrit tout ce qu’elle fait et pourquoi. Et il y a un grand flash. On est connectés. Sa vie défile à l’envers, la fusion, ses fonctions au CSO, la naissance de ses enfants, la mission G-2003, son entraînement, ses missions fédérales, sa condamnation, ses diplômes, le lycée, moi.

*

Je la vois assise à son bureau, nue, elle fait son rapport. Elle est connectée au Dark. Elle explique, elle parle de nous, elle écrit : « depuis qu’on s’est connectés, je vois tout ce qu’il voit, je sens tout ce qu’il sent, mais pas tout le temps, à la demande. » Je crois que c’est pareil pour moi. Elle se retourne pour me regarder :

• Ça va aller Scat, ne t’inquiète pas.

Je lui fais un signe pour confirmer que tout va bien. Alors elle continue son rapport : « mais je ne sais pas ce qu’il pense ». Elle envoie et vient me rejoindre, elle se blottit contre moi :

• Je ne sais pas si elle va lire ce rapport. Je crois qu’elle a déjà disparu. J’ai trouvé des archives sur les clones. Tout ce qui se passe est normal. Tu fonctionnes comme prévu. Et ton tatouage, ce n’est pas une identification, tous les clones ont ça, le même 16-4, il s’agit d’une référence, à un texte de loi, sur l’interdiction du clonage humain. Tu es mon petit Scat interdit. Tous les autres ne sont plus en fonction, ils ont été utilisés de façon opérationnels et ensuite réformés et éteints. Toi, c’est ton silence qui t’a sauvé. Moi, je vais garder le silence pour te sauver. Rien ne sortira du Dark. Qu’est ce que tu as fait, tout seul, pendant toutes ces années ?

Je lui explique en signes que je vais lui montrer. On s’habille et on sort. Je la prends par la main et je l’emmène dans mon quartier, dans ma petite maison.

• C’est modeste ici. Tu dois être honnête mon petit.

Je lui donne un ouvrage grand format rempli d’articles imprimés. Elle tourne les pages, c’est l’histoire de toute sa vie. Il y a même des photos volées.

• Et bien, elle t’obsède cette grande dame. Tu n’as pas dû avoir beaucoup de petites amies.

Elle referme son grand livre et elle me prend la main.

• En fait, je suis ta première, n’est ce pas ? Ou d’autres ont abusé de toi ? Non ? Tant mieux. En voyant tout ça, je pense que je suis celle qui est exactement faite pour toi. Est ce que tu es d’accord pour qu’on reste ensemble, pour toujours ?

Je fais oui de la tête.

• Jusqu’à ce que l’extinction nous sépare.

Et elle me fait un bisou sur la bouche. Et elle rit. Elle regarde autour d’elle et elle demande :

• Mais tu mangeais où sinon ?

Je lui montre ma carte d’accès aux restaurants du quartier. Et je l’amène à mon préféré. Il y a des tables en bois avec des bancs et on mange dans des boites en carton. Le serveur est très étonné de me voir accompagné.

• C’est charmant. Ça me change. Par contre, je crois que le serveur m’a reconnu. Je vais essayer de ne pas lui faire trop peur. La prochaine fois je me déguise. Ou alors je change de look. Le style clone, ça peut être bien. On sera plus assortis. En tous cas, c’est très bon. J’aime bien ta vie simple. Je t’aime bien, Scat.

Bisou.

*

Alice s’énerve sur son mono, elle finit par le jeter de rage et dépitée elle me regarde. Je lis sagement un livre sous le souffle de la climatisation.

• Un livre ? C’est quoi ?

Elle ferme les yeux pour lire à travers les miens : « S’accrocher jour après jour, semaine après semaine, pour prolonger un présent qui n’avait pas de futur, était un instinct qu’on ne pouvait vaincre, comme on ne peut empêcher les poumons d’aspirer l’air tant qu’il y a de l’air à respirer. » Elle se penche pour lire le titre.

• 16-4 ? Ah non, 1984. Bizarre. Tu lis dans du carton et tu manges dans du carton.

Elle vient se blottir contre moi et elle me regarde lire. À la fin du chapitre, je remets en place un bout de carton avec mon numéro, 16-4.

• C’est un marque ta page ?

Je lui montre aussi la deuxième de couverture. Il y a une petite pochette avec une liste. J’ ajoute mon nom à la liste et je referme le livre. Je me lève et je la tire par la main. Elle me suit. On sort. On va au bout de la rue, dans une maison fermée et abandonnée. À l’intérieur tout est recouvert de livres, du sol au plafond, certains murs sont même en livres. Je lui montre la première lettre du deuxième nom de l’auteur et on suit un parcours alphabétique pour arriver à zéro. Je le replace à la fin de l’étagère.

• Scat, on est chez qui ?

En ressortant je lui montre en haut de la porte, il y a une inscription. Deux lettres.

• M et H. Un couple ? Ou la même personne comme les auteurs des livres qui ont deux noms. Moi je n’en ai qu’un. Alice. Même toi tu as plusieurs chiffres.

Et on rentre à sa maison. Je fais chauffer de l’eau et je lui montre la salle de bain. Il n’y a pas de douche ni de baignoire, juste une grande bassine en métal. Elle m’aide à tout préparer. J’apporte les éponges, le savon et les serviettes et on met l’eau chaude et un produit moussant. On enlève proprement nos vêtements et elle attache ses cheveux avant d’entrer la première. Je vais ensuite sur elle et on se frotte l’un à l’autre pour se laver. Elle rit sous mes chatouilles et elle crie quand je m’appuie un peu trop fort sur ses rondeurs. On se relève pour se frotter, pour se rincer et on sort se sécher. On met des sandales pour aller dans la chambre et on s’installe dans mon petit lit. Je lui fais plein de bisous et de caresses. J’éteins la lumière et elle tente une approche entre mes fesses. En même temps je l’embrasse, avec ma langue dans sa bouche. Et on se connecte l’un à l’autre pour toute la nuit. Et là, elle me murmure à l’oreille :

• Je t’aime mon petit Scat.

En guise de réponse, je lui caresse la joue et je l’embrasse au dessus de son sein, à la place du cœur.

*

Toute la nuit connectés. Quelque chose a changé. On se réveille doucement, on se déconnecte, on s’embrasse. Je vais essayer quelque chose :

• Bonjour Alice.
• Scat ? Tu as parlé. C’est ta voix ?
• Non, je parle dans ta tête.

Elle se redresse, me prend le visage et me regarde droit dans les yeux :

• Recommence.
• Alice, je t’aime.

Et elle sourit, elle a les larmes au yeux, elle souffle de surprise :

• Je n’ai jamais pas entendu quelque chose d’aussi beau.
• Et je ferai tout pour te rendre la vie belle.
• Scat, je ne veux pas de mauvaises surprises entre nous. Je veux que les choses soient claires et durables. Alors si tu as quelque chose à dire ou à me demander, fais-le tout de suite ou tais-toi à tout jamais.
• D’accord. Sur l’affaire Dana, Rose, tu as l’air de la connaître. Quelles activités communes vous avez eu ?
• Elle est venue me consulter quand elle était sur la mission G-2015. Les précédentes missions avaient toutes échouée sauf la mienne, la première, la G-2003. Mais je n’ai pas pu beaucoup l’aider, je l’ai orientée sur le reste de l’équipe, moi je n’étais que la pilote et pas du tout impliquée dans l’aspect scientifique. Et toi, Rose, tu as l’air de la connaître aussi.
• Dana, ce n’est pas ce qu’elle a fait de pire. Elle nous a créé après, pour le Réseau C.
• Mais à l’époque je n’étais qu’au lycée.
• Oui le Réseau C est plus ancien qu’on l’imagine. Et pas du même bord que les missions. Rose a travaillé pour tous les camps. Et elle ne s’est pas arrêtée là. Elle a fait mieux que nous. Les CFT, clone fille terrienne, sur commande avec options pour servir de seconde maîtresse à quelques mâles privilégiés dont les régulières appréciaient aussi le répit que ça leur donnait.
• Des esclaves sexuelles ?
• Oui, mais pas des robots, des êtres vivants avec une âme et un libre arbitre. Une production limitée comme l’avenir des garçons sur la planète. Les CFT ont même le droit à un prénom et au nom de leur propriétaire. Mais elles restent des clones stériles, elles sont juste des jouets. J’ai bien connu l’une d’entre elles. Stella. Très intelligente. Elle a vite compris que j’étais une version zéro défaillante d’elle-même et elle m’a tout expliqué. Je me demande ce qu’elle est devenue depuis le temps.
• Vous avez, fait des trucs ensemble ?
• Elle m’a montré ce qu’elle faisait. Mais ce n’était pas du tout la nature de notre relation. Elle a bien compris que j’étais programmé sur une autre, toi, la jeune lycéenne qui un jour m’a fait réaliser que je n’étais pas invisible et que j’existais. Si j’existe, c’est grâce à toi, parce que tu m’as tendu la main, parce que tu m’as parlé, j’en ai même oublié d’aller à la poubelle des clones ratés et personne ne m’a cherché, je n’ai aucun intérêt même et surtout pour mes créateurs.
• C’était qui son propriétaire ?
• Artois.
• On va la retrouver, ta Stella. À toi aussi elle a parlé. Elle doit donc compter aussi.

*

Alice a demandé à Rose par le Dark. Stella n’est plus Artois. Il s’en est lassée, il l’a échangée contre un autre modèle. Stella elle, est passé de main en main et elle a fini par tomber sur le bon qui en a fait sa régulière. On va la voir dans le nord, elle habite dans la réplique du Palais Royal de Greta. Je la trouve aux écuries, au milieu de grands animaux étranges, elle jette de la paille dans leur box avec une grande fourche. Elle ne me voit pas. Elle a l’air ailleurs. On dirait un robot. Je m’approche. Elle sent ma présence, elle s’arrête, elle pose sa fourche et se retourne, les poings sur les hanches, elle souffle sur une mèche qui cache ses yeux et me regarde, étonnée.

• 404 ? Ça fait un siècle. Qu’est ce que tu deviens ?

Je fais un signe et Alice sort de l’ombre, elle vient poser son bras sur mon épaule.

• Belle prise. Mais ? C’est Alice . Ton Alice. Bravo. Moi, tu vois, j’ai la vie de château, je suis comme une princesse.

On s’assoit sur des bottes de paille et elle continue :

• Mais je ne peux pas me reproduire ou mieux, le reproduire. Je ne suis qu’une clone stérile dans l’éternité immortelle donc pas vraiment une femme, pas vraiment vivante. Tout comme ces chevaux autour de nous. Des outils.

Elle regarde Alice et elle lui demande :

• Et lui, il est quoi pour vous ?
• Il est ma rédemption.

Stella est sous le choc.

• C’est exactement ce que Lou m’a dit pour moi aussi. Je suis une rédemption. Du coup, on va apparaître dans la B5. Là, on existera enfin, vraiment, spirituellement. C’est déjà ça de gagné.

Elle équipe trois chevaux et elle nous amène faire une ballade. Je les écoute discuter ensemble.

• Et lui, votre homme, il n’est pas là ?
• Il est en mission. Il essaye de rentrer tous les soirs quand même. Je suis son repos du guerrier.

Alice reste pensive. Elle se retourne pour me regarder et sourire. Je suis son repos de guerrière aussi je pense.

• Les missions continuent alors ?
• Ça ne s’est jamais arrêté. Mais ça n’a jamais vraiment bien marché. À part pour Greta.

Monsieur Stella est donc impliqué dans tout ça. D’où la rédemption. Et on avance sur nos outils à quatre pattes, à leur rythme, avec un point de vue différent d’une promenade à pieds ou à vélo et loin de nos trajets en navette qui nous téléportent d’un endroit à unn autre en supprimant toute sensation de voyage. Et je mesure ma chance, là, je suis heureux, de vivre ça, avec Alice, d’être son clone. J’ai même cette envie étrange en moi de marquer mon territoire, sur elle. À chaque connexion je reçois de son humanité. À la fin de la promenade on remercie Stella et on s’en va avant que son homme ne rentre. Le soir on va chez elle dans son immense demeure de Laguna Beach. Et la nuit avant de se connecter, je la retourne doucement et je la prépare avec son accord à exprimer ma nouvelle envie de marquer mon territoire entre ses fesses, de la soumettre à ma possession, et elle se laisse prendre par moi, elle est à moi comme je suis à elle.

*

Alice fait ses bagages et ferme la maison.

• Mon petit Scat chéri, à partir de maintenant de veux vivre comme toi, chez toi, vivre clone, manger clone, m’habiller clone. Je veux t’appartenir, être ta chose, inverser les rôles. Tu me mérites. Je me donne à toi, entièrement. Je t’aime.

Elle pose sur monolithe sur le meuble de l’entrée, elle enlève ses boucles d’oreille et une de ses bagues aussi. Et puis elle me prend la main et on sort, la porte claque derrière nous et elle rit.

• Game over.
• Are you sure ?
• Je me suis trompée, Scat. Depuis le lycée. Je vais donc reprendre depuis le début.

Elle me lâche et elle me tend la main :

• Salut petit. Qu’est ce que tu fais tout seul ici ? Tu ne dis rien ? Aller, viens, on va à la cafétéria, il est l’heure de manger.

Et effectivement, on prend la navette direction Russell, sur les lieux où tout a commencé. Elle se rappelle de la table où on s’était installés. Une serveuse vient vers nous en tournoyant sur ses rollers.

• Une menu H pour moi et un 14 pour le petit.

On la regarde repartir préparer tout ça.

• Il nous faut un chez nous. En attendant, on va squatter à l’Hôtel.

On est servis rapidement. Elle me tient la main en mangeant.

• Goupil va nous donner une chambre. On reste juste une nuit.

Et nous voilà dans le repère de l’O.T.L. Une sorte de robot nous donne la clef de notre chambre. Alice pose ses affaires et va directement dans la salle de bain.

• Scat, déshabille-toi et rejoins-moi.

Je m’exécute et j’entre. Elle est nue, face au miroir et elle a ses doigts dans la bouche. Elle en sort quelque chose qu’elle pose sur le lavabo.

• Tu m’aimes toujours avec une dent en moins ?

J’avance et je caresse ses hanches, je l’embrasse entre les omoplates et je commence à réagir.

• Encore par derrière ? Tu deviens un vrai mâle.

Et elle se retourne et s’agenouille pour me mettre en condition. Elle se relève ensuite et je plonge mon visage entre ses seins. C’est comme si je basculais dans un autre monde. Finalement, j’entre dans son ventre et elle me porte pour aller s’étendre sur le lit.

• Voilà mon petit, c’est bien mieux comme ça. Laisse-toi aller, abandonne-toi.

Et elle me serre fort pour ressentir mon plaisir et le sien dans nos gémissements en chœur. Et elle décuple notre extase en enfonçant ses doigts entre mes fesses. Je cherche sa bouche pour boire sa salive et je sens ma semence stérile l’envahir.

Au lever sur soleil, on repart, la dent reste sur le lavabo. Elle a sans doute enlevé d’autres choses de son corps pour ne plus être localisable.

• Et depuis ma fusion, les antennes ne repèrent plus mon code génétique. Il a légèrement changé. Je suis peut-être devenue un clone comme toi, qui sait ? Mais ce qui est sûr, c’est qu’on est vivants, qu’on est immortels et qu’on s’aime, non ?

Je me blottis en elle en guise de réponse et je la suis, n’importe où tant que c’est avec elle.

*

CLERK Licia & Scotty. C’est ce qui est inscrit sur notre boîte aux lettres sur le chemin de notre chalet dans les bois, aux alentours du village. Flo a été rapide. On a même nos badges officiels dans le courrier.

• On va passer l’hiver ici. Après on verra. Ça nous laisse le temps de réfléchir à notre prochaine demeure pour tout le printemps qui commence dans un mois.

En attendant, on allume le feu dans la cheminée. Dès les premières flammes on se fait plein de bisous et on s’agitent jusqu’à ne plus en pouvoir jusqu’à ce que nos corps luisants sèchent sous les rayonnements de la braise qui embellit les courbes douces de ma promise et dévouée partenaire de luxure. On a fait ça par terre, comme des animaux sur une peau de bête et on évolue nus et à pieds nus dans notre pièce à vivre la cuisine s’ouvre aussi sur le salon de nos péchés. Un frigidaire complète un cellier pour nourrir nos corps. Un ravitaillement hebdomadaire est prévu. Nous avons quelques dizaines de jours devant nous pour nous découvrir l’un l’autre en nous laissant aller dans cette vie primitive qui sera le sas de décompression qui sépare nos existences d’avant à l’éternité qui nous attend. Je ne mets plus des mots dans sa tête, je lui envoie juste des impressions, des sensations, de bonheur et d’amour. Elle finit par se taire aussi, comme si en venir aux mots nous éloignait de notre symbiose, de notre union, de notre partage sensoriel. Et on devient proches comme jamais on ne l’a été avec personne, même pas elle qui a eu une vie plus normale. Je ne sais pas si ça aurait été possible si je n’avais pas été moi et si ça n’avait pas été elle.

• Maintenant je sais qui je suis vraiment. J’existe seulement à travers toi. Personne ne nous juge. On est chez nous, tranquilles, et personne ne vient nous voir. On est libres. Pas de mono. Pas d’écran. Juste la radio et ses stations étranges. Juste un peu de courrier, d’ailleurs, qui le met ? Il y a un message pour monsieur et madame Clerk. On va être livrés en vivres dans une semaine. Une caisse sera déposée dans devant la porte par le ciel.

On mange, on se lave, on fait l’amour, on dort, on se lève avec la lumière, on va se promener dans les bois, on rentre faire le feu, on fait à manger et pendant que je lis, Alice sort couper du bois, à la hache. Ensuite elle entretien le chalet, elle monte même sur le toit où elle s’assoit pour réfléchir et je la rejoins pour la sortir de ses pensées. Son visage s’illumine de bonheur et on descend se remettre au chaud. Elle ouvre le poste de radio et elle essaye de m’apprendre à danser. Mais ça fini en câlins. Tout n’est qu’amour et sensualité en particulier quand je la lave et que je la peigne.

• Je suis ta poupée. Tu es mon poupon.

Et sa bouche me caresse aux endroits les plus sensibles. Chaque heure passée avec elle insuffle en moi un peu plus de vie et d’humanité. Elle me construit et je grandis. Je suis son homme. On vit l’histoire d’amour qu’on aurait pu avoir il y a un siècle au lycée. Tout est parti de ce moment où elle discutait avec ses copines dans le couloir et qu’elle m’a aperçu et pensé : « Il est mignon ce petit, il a l’air gentil et un peu perdu aussi. Je vais aller le voir. » Sa vie aurait pu être toute autre à partir de ce moment là, maintenant elle l’est.

• Et je n’en veux pas plus, et je n’en veux pas moins, je te veux juste toi, à travers moi, je nous veux nous.

*

Aujourd’hui on se prépare, on se civilise, on va descendre au Village. Licia prend son sac à main. Ici on ne craint rien. Quand on est villageois on est protégé par son système. On est ici pour avoir une nouvelle vie, bien différente d’avant et personne ne va nous y replonger d’une façon ou d’une autre au contraire. Il s’agit ici de se construire autre chose, tous ensemble. Flo nous attend à l’entrée du Village.

• Bienvenue les Clerk.

On se fait la bise. C’est la première fois que j’embrasse une terrienne.

• Je vous ai installé à l’écart parce que vivre au Village ça demande beaucoup d’investissement. Ici la vie est réelle, il n’y a rien de virtuel, même pas un livre. C’est très bizarre et c’est ce qui est recherché. Renouer contact avec la nature, avec soi. Votre chalet, c’est un sas vers tout ça. Au printemps ce sera à vous de faire votre choix. Parce qu’il y a d’autre alternatives maintenant pour vivre des choses similaires. Il y a aussi la ville. Il y a Sylvania. Mais quand on a vécu au Village, il y a quelque chose d’absolu qu’on emporte toujours avec soi et tous les ailleurs nous paraissent bien différents. Ici, c’est une prise de conscience. Et personnellement, j’y reviens toujours.
• Il paraît que Vivien est dans les parages ?
• Il est en résidence surveillée à l’écart chez Émilie qui est aussi l’autorité du Village. Ils sont un peu comme vous. Ils sont faits l’un pour l’autre et ils reprennent tout depuis le début.

On se regarde avec Licia. Nos mains se serrent l’une dans l’autre. C’est comme si notre réalité nous était jetée au visage, une prise de conscience, une reconnaissance, le sens de nos existences, un sentiment d’amour éternel.

• Merci Flo. Ici avec Scotty, j’ai un aperçu de ce que ma vie aurait dû être depuis le début. Je vois enfin qui je suis vraiment.
• Vous avez de la chance. Peu de personnes trouvent le chemin du Village. Ils vont errer pour l’éternité dans des histoires qui ne sont pas les leurs. Mais on est pas le seul endroit de prise de conscience. Il y a les Ordres, certains réseaux et quelques sociétés secrètes qui attirent d’autres âmes et qui nous en préservent ici. Vous, vous deux, vous êtes compatibles au Village. Bienvenue Licia Clerk. Bienvenue Scotty Clerk. Par les pouvoirs qui me sont conférés je vous remets ces anneaux qui vous lient. Vous pouvez aussi recevoir tous les sacrements qui vont avec à la Chapelle où Sœur Marion officie. Scotty, depuis que Greta a vécu ici, tout le monde connaît la langue des signes. Elle l’a même enseignée à l’école communale. Tu peux parler à tout le monde ainsi, ici.

Flo nous fait faire le tour, elle nous présente aux habitants et elle nous laisse à la Taverne où l’on peut faire le point.

• Scotty, on peut y arriver, ensemble. Je vais bien m’occuper de toi. Pour les activités physiques, je suis plus forte, je m’en occupe. Pour tout le reste, j’ai besoin de toi.

Et elle me prend les mains et elle les serre.

• On va faire une bonne équipe. On va être un bon couple.

Je me lève pour lui faire un gros câlin. Et on rentre à la maison en se tenant par la main. Je m’accroche à elle. Et dès qu’on est sortis du Village, sur le chemin de notre chalet, elle me tire sur le côté, on va se cacher derrière les arbres et elle s’affaire sur moi. Elle est excitée, elle devient sauvage. Je m’agrippe à un arbre et elle baisse mon pantalon. Elle ouvre son sac à main et sort son brisim, elle se le met et elle entre en moi en râlant, et elle va, et elle vient, elle me marque, elle marque son territoire.

• Plus fort Licia, viole-moi !

Elle appuie ses mains sur les miennes qui entourent l’arbre, nos anneaux se collent l’un à l’autre, ils sont aimantés, nous sommes aimantés aussi, dans la douleur animale et sauvage de ses gémissements et de mes plaintes.

*

On va y aller doucement mais sûrement. On ne descendra au Village qu’au printemps. En attendant, on profite de notre intimité et on se prépare à notre nouvelle vie.

• Licia, tu es sûre de vouloir notre vie ? On ne peut pas avoir d’enfants, on se sera jamais une famille.
• Des enfants, j’en ai déjà eu et être parent, ça ne dure jamais très longtemps. Il faut savoir se définir en dehors de tout ça. Et avec toi j’ai tout. Tu es mon homme, mon partenaire et mon bébé d’amour. Viens voir maman, fais-moi un gros câlin.

Elle a raison. Et avec elle j’ai tout. Elle est ma femme, ma partenaire et ma maman d’amour. Et on sera toujours là l’un pour l’autre.

• Tu es venue me sauver Scotty. J’en avais fini, avec tout. Et puis tu as ressurgis. Comme dans un rêve. Quand ça a sonné, je suis allé ouvrir, je croyais que c’était les Chevaliers de l’Apocalypse. À moins que … Ce sont eux qui t’ont envoyé ? Ou alors, tu en es un ? Dis-moi. Tu me surveillais, depuis toujours. Tu les as devancé. Pour me sauver. Peu importe. Le passé ne compte plus. Le futur n’est pas encore là. C’est le présent qui décide. J’aime ton silence, Scotty. Je t’aime.

Elle regarde nos mains ornées de leurs anneaux.

• Maintenant je vais avoir ma vraie vie, avec toi. Et je vais devenir quelqu’une d’autre. Je suis déjà ton autre. Je suis celle qui t’a tendue la main, qui la prise sauf que maintenant, je ne la lâcherai plus.

Et elle glisse ses doigts entre les miens. Je suis son survivant aussi. Je suis son déchet. Et je n’ai rien à dire, à personne, sauf à elle. Elle se lève pour aller à la salle de bain. Il y a un problème. Elle regarde dans sa bouche.

• Ma dent repousse.

Elle me regarde dan le miroir.

• Et toi tu grandis.

Elle s’approche pour vérifier qu’elle est toujours la plus grande.

• Tu es sûr que tu es encore un clone ?

Et elle me prend par la main, elle m’entraîne vers le lit. La nuit tombe. Il est temps. Elle s’étend sur le lit. Elle se met en position. Et je me prosterne à ses pieds que j’embrasse avant de remonter, étape par étape, et mes cuisses glissent contre les siennes, et mon visage se perd dans sa poitrine, et ma bouche trouve sa bouche, et notre couple s’accouple, et mon corps glisse dans le sien, tout au fond, là où nos esprits, nos cœurs et nos âmes se rejoignent encore une fois, encore et encore pour les jours et pour toujours et à jamais.