1 - 3 - Lymfan, fille de Selir

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  • Lymfan, fille de Selir

“Et donc, maintenant qu’on marche, si je mens, tu ne peux pas le savoir?

  • … Non. J’ai besoin d’être assis, pour utiliser mon mantra.
  • C’est quand même pas si stupéfiant, comme pouvoir. Je veux dire, pour un Avalion, hein! Sans vouloir te vexer.
  • J’ai entendu dire que Tahar Gin était capable de faire tomber la foudre, et que le corps de Leïa était plus ou moins indestructible. Comparé à ton pouvoir, ça fait plus “Avalion”, tu ne trouves pas?
  • …”

Elle ne fatiguait pas. Question après question, elle lui minait les nerfs. Elle était bavarde, mal-élevée, et semblait insensible à sa propre odeur, tout comme aux multiples plissements de nez qu’elle déclenchait dans les couloirs. Les maestros les dévisageaient tous les deux avec étonnement. Ils reconnaissaient tous très bien Etius, et le voir accompagné d’une gueuse allait sans doute animer les conversations jusqu’à une heure tardive.

“Je suis sûre que tu es le fils de Tahar Gin. Je veux dire, des Avalions, il y en a pas des millions. Donc, si je ne me trompe pas, tu dois être Etius Gin. L’héritier du trône de l’Indor. J’ai raison?”

Il rougit de colère, mais ne répondit pas.

Par déduction.

Elle avait appris le pavi par déduction. Elle devinait maintenant son identité par le même moyen. Il tourna la tête vers elle, et se mit à l’observer tout en marchant. Vraiment, elle n'avait pas l’air fine. Elle se déplaçait mécaniquement, sans aucune trace de la grâce féminine dont elle aurait dû être garante, même à son âge.

  • Pourquoi tu me regardes comme ça? Je suis désolée, mais je dis que la vérité, pour ton pouvoir. Tu peux t’vexer, si tu veux, mais ça changera rien au fait qu’il est médiocre, par rapport à ce qu’on attendrait d’un Avalion.

La remarque le blessa franchement. Cette fois-ci, il ne réussit pas à garder le silence.

  • Je suis malade, crétine. Je suis atteint de froideur, alors, tes remarques sont très déplacées!
  • Je ne vois pas pourquoi je me tairais. Je n’ai pas attendu de me retrouver en face de toi, pour dire la vérité. Tu as quel âge? 15 vertiges, ou 16?
  • 17, corrigea-t-il, ravi de voir qu’elle se trompait tout de même quelquefois. Elle ne répondit pas, mais son regard disait clairement: “Dans quelques mois, je serais plus forte que toi”. Ou est ce que c’etait lui, qui interprétait trop? Il ne se posa pas la question, et renchérit tout de suite: C’est quand même fou que tu me parles comme ça, alors que je viens de te sortir d’un cachot. Tu devrais me remercier de t’avoir sauvée.
  • Tu l’as pas fait pour me sauver, tu l’as fait parce que tu ne voulais pas que j’explique le Brectae aux deux vieilles folles. Ne me prend pas pour une idiote. D’ailleurs, tu en connais combien, des lettres, toi?
  • Dix lettres communes, et les huit lettres des Avalions, marmonna-t-il.
  • Pour ton âge, ce n’est pas trop mal, je crois.

Elle le prenait de haut, alors qu’elle n’avait même pas de souliers dignes de ce nom. Lorsqu’il posa soudain un regard dédaigneux sur ceux-ci, Lymfan sembla soudain se rappeler de quelque chose:

“ Maintenant que j’y pense… Le Séminaire me doit de l’argent, non? Vu que je connais toutes les lettres…”

Etius ne répondit pas tout de suite. En réalité, il ne savait pas: Une telle chose n’était jamais arrivée auparavant. Les serfs ne lisaient pas, c’était censé être une évidence. Toutefois, la demande était sans doute légitime, et en arpentant les livres des lois, il trouverait peut-être une legislation quelconque expliquant ce qu’il devait faire dans une telle situation; Mais, comme il voulait se débarrasser d’elle au plus vite, il sortit négligemment de sa bourse un énorme mark d’or, qu’il déposa dans les mains abasourdies de l’enfant comme s’il s’agissait de menue monnaie.

Les yeux de Lymfan sortaient de leurs orbites; Un mark, c’était cent talents d’argent, une fortune à peine imaginable. Combien de boucheries cela valait-il?.. À l'idée de ramener ce mark à son cousin, elle frémit de joie. Il la traiterait sans doute différemment, si elle lui rapportait une telle fortune…

Etius ne fit même pas attention à ce que son geste venait de déclencher chez la petite. Elle, elle avait relevé vers lui des yeux pleins d’une reconnaissance infinie; Lui, il pressait le pas. Elle continua à le harceler tout le long du trajet, et, quand ils arrivèrent à la sortie, il la congédia avec soulagement.

Lymfan, fille de Selir. Une enfant, une paysanne sans manière et sans beauté, qui avait appris à lire l’alphabet le plus complexe du monde de manière autodidacte. Le personnage n’était pas crédible, et Etius ne l’aurait pas inventé s’il avait voulu écrire une histoire.

Il y avait quelque chose qu’elle n’avait pas dit… Un secret qu'elle avait omis, il en était certain. On racontait que, là haut, dans le Nord, là où se dressait le palais gelé, de curieuses idées avaient commencé à germer et à s’enraciner dans l’esprit des croyants… Les Féléis étaient le clan le moins soumis du Suprémat, et Lymfan était originaire de leur royaume - son léger accent en était la preuve. L’apparition d’une paysanne capable de lire l’alphabet secret était le signe avant coureur de quelque chose de terrible… Quelque chose de… trop inquiétant pour qu’Etius y réfléchisse une seconde de plus.

Il se retourna, et entra à nouveau dans le Séminaire. Au moment où il passa la deuxième porte, qui était encore gardée par la suppléante d’Elena Sahis, il se rappela alors avec horreur de la date. C’était le jour du passage de l’Autre Lune.

Aujourd’hui, sa sœur était en ville.

Notes du Premier Registre

Le Registre estime que le terme “Avalion” est celui qu’on réserve aux descendants directs du fondateur de la dynastie des Gin. Seuls les prétendants au trône ont le droit de porter ce titre: Les autres descendants du Premier Avalion portent simplement le nom de “Gin”.

Ce dernier n’est pas exactement un prophète, pour les pratiquants de la Chimère, mais son influence dans la culture Kymerienne est presque aussi grande à elle seule que celle de leur bien-aimé Gabriel. C’est un conquérant légendaire, qui parvint à s’approprier toute la mythique région de l’Indor sans demander l’assistance d’aucune armée.

En plus de cette particularité d’avoir été un guerrier inégalable, il est le seul à avoir jamais vaincu le Fléau; Il a fondé le Suprémat, et unifié les cinq royaumes, garantit la liberté de culte, dans la région du Helga’la; La liste de ses accomplissements pourrait ainsi durer un moment. Ses descendants actuels sont toutefois dans une impasse, la succession s’étant révélée très difficile après la Déchéance de Tahar Gin.

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