Chapitre 9.1

5 minutes de lecture

Lorsque Eliah revint à lui, sa tête était lourde et douloureuse. Il avait l’impression de sentir son cerveau pulser à l’intérieur de son crâne. Il grimaça et commença à se relever avant de réaliser que la bataille était finie. Il se trouvait dans la cale, pas en prison cette fois. Il était allongé sur un hamac, dans l’espace qui servait de dortoir aux marins. Seule la trappe donnant sur le pont laissait entrer la lumière, le reste était plongé dans la pénombre.

Lenaïs pansait ses blessures. Un bandage enserrait déjà sa jambe. Il passa une main sur sa joue gonflée et palpitante, et découvrit un cataplasme gluant et à l’odeur très prononcée.

La femme avait beaucoup de rôles à bord de ce navire, semblait-il. Elle ne remarqua pas son agitation et fouilla dans la malle, à côté d’elle. Le jeune homme se demanda pourquoi il n’était pas dans sa cellule, avant de se rappeler qu’il y faisait sombre et que de l’eau croupit recouvrait le sol. L’Eire n’avait pas pu le soigner dans ses conditions. Elle lui avait arraché la manche et il rougit de honte en découvrant sa peau sale et malodorante, recouverte de plaques rouges. Le prisonnier fut étonné qu’on lui prodigue des soins. Pourtant, il détenait une information importante pour les Îliens et ceux-ci ne voulait pas le voir mourir ou avoir une plaie infectée.

« Ah, tu es réveillé. »

Elle lui sourit tout en nettoyant la blessure à son bras. Une pellicule de sueur apparut sur son front en découvrant une nouvelle fois toutes les cicatrices qui constellaient ses bras. Des étoiles. Il ne se sentait pas gêné de les avoir tracées, mais il avait peur qu’on l’insulte une nouvelle fois d’avoir reproduit ce motif, si cher aux Îliens. Lenaïs n’y prêta pas attention. Elle sortit un fil et une aiguille qui paraissait si énorme qu’Eliah faillit tourner de l’œil. Il commença à s’agiter dans le hamac.

« Euh je ne préfère pas… ça va guérir tout seul… marmonna-t-il.

̶ Non ça ne va pas guérir tout seul, répliqua-t-elle. Ça fait un an que je soigne tout le monde à bord et personne n’est jamais mort, alors ne t’inquiète pas. Bois un peu, ça te fera du bien. »

Elle sortit une bouteille qui se trouvait à ses pieds et la tendit à Eliah. Le verre fumé ne permettait pas de voir le liquide à l’intérieur et aucune étiquette n’indiquait le nom de la boisson. Le jeune homme avala une grande lampée qui le fit tousser. Il avait l’impression que sa gorge prenait feu. Il se força à prendre une nouvelle gorgée.

Eliah trouva étrange qu’elle s’occupe des blessés malgré son handicap. Ne valait-il mieux pas laisser cette tâche a une personne valide ? Comment allait-elle faire pour le recoudre ? Cependant, d’un simple mouvement du doigt, l’aiguille s’éleva dans les airs et le fil passa à travers le chas sans aucune difficulté. Elle désinfecta le matériel tandis que celui-ci flottait toujours entre eux.

Cela aurait été mentir de dire qu’Eliah ne sentit pas l’aiguille. Mais comme elle l’avait dit, Lenaïs avait acquis un certain savoir-faire et grâce à sa magie elle put le recoudre sans même utiliser sa main droite. Il préféra tout de même détourner la tête et observa autour de lui. Quelques marins reposaient dans des hamacs, leurs plaies venaient d’être soignées. Il ne vit pas Thanael parmi eux.

Le calme qui régnait l’apaisa. Il avait fini par s’habituer au bruit des vagues se fracassant sur la coque, et aux cris des marins sur le pont. L’air était plus respirable ici qu’à la cale, et le jeune homme prit une profonde inspiration. Dans quelques minutes, elle aurait fini et le renverrait dans sa cage, alors il essaya de gagner du temps :

« La bataille est finie ? », demanda le prisonnier.

Il sentait que son esprit s’éloignait peu à peu, que la brume approchait à grand pas. A mois que ce fut l’alcool. Ou la fatigue. Il faisait sombre dans le dortoir et l’air était chaud, apaisant. Les yeux d’Eliah commencèrent à se fermer doucement…

« Oui, on a gagné. »

Sa voix ramena Eliah à la réalité. Il remarqua que Lenaïs ne semblait pas déborder de joie. Ils avaient dû subir de lourdes pertes.

« J-j-j’ai survécu, bredouilla Eliah. Je sais que Thanael doit être en colère contre moi mais… j’ai fait ce que je pensais être juste…

̶ Il est furieux. »

Pendant quelques secondes, il crut que la femme allait le réprimander. Cependant, elle se contenta de nettoyer l’aiguille et de soupirer :

« Merci d’être intervenu et de l’avoir sauvé. Et sans le savoir tu t’es peut-être également sauvé la vie.

̶ Comment ça ? »

Eliah se redressa en grimaçant de douleur. La souffrance paraissait à la fois lointaine et très présente dans son bras. C’était une étrange sensation… Il secoua la tête pour essayer de retrouver des idées claires. Le combat était si loin dans son esprit.

Lenaïs entreprit de ranger le matériel de soin et lui raconta. Plusieurs pirates avaient assisté, de loin, à la confrontation entre Thanael et Guynn. Tous savaient qu’il était interdit d’intervenir lors d’un combat entre les capitaines. Cependant, ne faisant pas partie de l’équipage, Eliah ignorait cette règle.

Et à présent Thanael avait une dette envers l’étranger, pour l’avoir sauvé. C’était une coutume sur l’Île, mais pour le pirate cela représentait un déshonneur terrible. Il devait une faveur à un envahisseur. Non seulement il était furieux, mais sa réputation en prenait un coup.

Theo et Lenaïs s’étaient disputés avec le chef. Celui-ci refusait d’accorder sa faveur au prisonnier, car il savait déjà quelle serait la demande. Cependant, les deux autres soutenaient qu’Eliah le méritait. N’avait-il pas prouvé sa bravoure et son honnêteté ? Lenaïs s’était emportée, cette stupide chamaillerie avec Guynn leur avait causé de lourdes pertes et Thanael avait failli mourir. Son compagnon avait agi comme un idiot, et son orgueil l’avait mis en danger.

« Pourquoi se détestent-ils ?

̶ Je n’en ai aucune idée, avoua la femme en soupirant. Cela dure depuis des années. Thanael a toujours eu le dessus, c’est comme un jeu pour lui, mais Guynn en a eu assez. »

Elle fit une pause et ses épaules s’affaissèrent. Le jeune homme se demanda depuis combien de temps elle n’avait pas dormi. Le sang des blessés s’était incrusté dans ses ongles et il remarqua ses doigts tremblants de fatigue.

« Eliah, reprit-elle, ni Theo ni moi n’avons envie de te torturer. Je n’ai pas intégré l’équipage pour ça. Grâce à cette dette, tu as l’occasion d’avoir la vie sauve.

̶ Q-q-que dois-je dire ? »

Le prisonnier était perdu. Toute cette histoire lui paraissait invraisemblable. Avait-il réellement l’opportunité de s’en sortir ?

« Je ne sais pas, souffla-t-elle en haussant les épaules. Fais-en sorte de ne pas rester enfermé dans les geôles jusqu’à notre arrivée à la capitale. »

L’agacement était perceptible dans sa voix, sûrement à cause de la fatigue. Eliah réfléchit à toute vitesse. Il imaginait difficilement Thanael descendre jusqu’ici pour lui demander quelle était sa demande. Jamais le prisonnier n’oserait affronter la haine et la fureur du capitaine.

« Je veux intégrer l’équipage. »

Un sourire énigmatique apparut sur les lèvres de la femme. Elle se leva et acquiesça.

« Tu ferais mieux de te reposer, bientôt tu n’auras plus le temps. Je vais transmettre ta demande à Thanael. »

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Krysten ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0