La dernière répétition

de Image de profil de Amelia EverbrookAmelia Everbrook

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Elle entrait toujours dans la salle de répétition comme on entre dans un sanctuaire.
Pas un mot, juste ce pas léger qui effleurait le parquet ciré. Je savais qu’avant même que la musique commence, elle avait déjà trouvé son équilibre, son centre invisible, cette harmonie qu’aucun de nous ne parvenait à saisir.

Le professeur posait l’aiguille sur le vinyle, et le premier violon s’élevait. Alors, elle fermait les yeux, et la danse commençait. Ce n’était pas seulement son corps qui bougeait — c’était comme si l’air lui-même se pliait à son rythme. Chaque geste semblait retenu, offert, puis suspendu, jusqu’à cette seconde où le temps se dissolvait.

Il y avait dans sa façon de bouger une volupté qui n’avait rien de calculé, une chaleur qui nous happait. Même les plus distraits s’arrêtaient pour la regarder. Je crois qu’elle avait sur nous tous une influence étrange : elle nous donnait envie d’être meilleurs, de pousser plus loin nos limites, non pas par compétition, mais pour mériter un peu de son regard.

Ce regard… Il n’était pas toujours doux, mais toujours juste. Elle comprenait avant même qu’on se trompe. Une forme rare d’empathie — deviner la fatigue, la peur, ou l’élan naissant. Elle savait trouver la phrase qui relevait un danseur au bord du découragement.

Pourtant, hors de la scène, elle portait une désinvolture presque agaçante. Toujours en retard, son chignon défait, son sac rempli de papiers froissés et de chaussons troués. On aurait dit qu’elle se moquait des règles, mais je crois que c’était sa manière de préserver ce qui comptait : le mouvement, l’instant.

Elle répétait depuis des semaines pour ce solo. Nous, autour, on l’aidait comme on pouvait : un pas corrigé, une remarque technique, un verre d’eau. Mais rien n’y faisait, le moment où elle dansait seule appartenait à une autre dimension.

Le soir du spectacle, la lumière s’est éteinte.
Elle est entrée sur scène, un souffle après la dernière note du morceau précédent. Le silence s’est tendu. Et là… tout s’est aligné. Chaque note de musique trouvait sa place dans ses gestes, chaque geste devenait une respiration du monde. On ne regardait plus une danseuse : on assistait à une preuve d’existence pure.

Quand elle est sortie de scène, elle avait ce sourire rare, celui qui disait qu’elle avait donné tout ce qu’elle avait.
Le lendemain, elle est partie. Pas un mot. Pas d’explication. Juste un studio vide, et sur le sol, ses chaussons usés, posés côte à côte, comme deux battements de cœur arrêtés.

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Table des matières

En réponse au défi

Une nouvelle chaque dimanche...UNCD#213

Bonjour à toutes et à tous

Très heureux de vous retrouver pour assurer l'animation du 213 ème défi hebdomadaire de UNCD#. Vous êtiez 5 à relever le UNCD#212, alors un grand merci de vos contributions pleines de diversités.

*

Le défi paraît chaque dimanche pour une durée d'une semaine mais il reste accessible pendant trois semaines (en raison de la limite technique de trois défis par auteur).

Il consiste à écrire une nouvelle sous la contrainte d'un thème et de six mots clés.

Pour rappel, la nouvelle littéraire se traduit par un bref récit fictif qui fait appel à la réalité et qui, la plupart du temps, ne comporte pas de situation finale. Généralement, elle se termine avec un dénouement inattendu qu'on appelle la chute mais ce n'est pas systématique.

Les mots imposés, selon leur nature, peuvent s'accorder en genre et en nombre ou se conjuguer. Ils sont à utiliser en totalité et dans l'ordre que vous souhaitez.

Merci de mettre en évidence les mots imposés par une police visible, en caractère gras, en italique ou bien souligné.

Pensez également à personnaliser le titre de votre publication afin qu'il soit différent de l'intitulé très impersonnel du défi. Il se verra plus aisément dans le fil d'actualité.

Le genre littéraire et la forme (poésie, dialogue ou monologue, chronique, récit, conte…) sont laissés à votre discrétion.

La longueur d'une page (ou 4 à 500 mots) serait appréciable mais faites de votre mieux !

*

Je vous propose donc de composer votre texte entre le dimanche 3 août 2025 et le dimanche 10 août 2025.

Le thème de cette semaine est " Harmonie ", susceptible de vous ouvrir bien des "pistes" car cette notion apparaît dans bien des constructions sociétales et transpire dans les communautés en quête d'accomplissement personnel.

“ Être en bonne harmonie avec soi-même, c'est travailler à une meilleure harmonie dans le monde ” selon Montesquieu dans Essais sur les causes qui peuvent affecter les esprits.

Voici les six mots pour l'accompagner : Danse, Volupté, Influence, Empathie, Désinvolture, Existence.

Je vous souhaite une belle semaine et de l'imaginaire à fleur de mots qui vous entraîne dans les arcanes du temps et au plus près du vécu des gens et de vos souvenirs.

Merci par avance de vos contributions et profitez d'être "Ici et Maintenant".

Jean-Michel

*

NB : merci d'ajouter en commentaire à ce défi, le lien URL pointant sur la page de votre contribution (si nécessaire), de façon à pallier d'éventuelles lacunes techniques ou si vous combinez vos différentes participations à UNCD# dans une œuvre collective ou un recueil.

Commentaires & Discussions

La dernière répétitionChapitre4 messages | 2 mois

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