Le goût du champagne au fond de ma gorge, le goût de son sang sur mes lèvres.

La surprise dans son regard et l'absurdité de la scène me donnent presque envie de rire. Apparemment il n’apprécie pas de la même manière que moi la notion d'imprévu qui donne un certain piquant à la vie. Pourtant pour l'avoir piqué je l'ai bien piqué, pour preuve ce flot continu de sang qui s'échappe de la plaie béante au milieu de son cou.

Une chaleur soudaine inonde le côté droit de mon épaule et le haut de ma cuisse, un rond de fumée s’évade de l'arme de service de son chien de garde, deux auréoles pourpres se forment sur mon costume. Je n'entends plus qu'un sifflement lointain, cet enfoiré m'a explosé les tympans en me tirant dessus d'aussi près. Je bascule en arrière au ralenti. La lumière du lustre en cristal se reflète sur le manche en inox du couteau à viande qui m'échappe.

Je devine un léger mouvement d'affolement parmi les convives, au loin quelques cris de panique ou de joie je ne saurais dire.

La chute n'en finit plus, je vais bien finir par toucher le sol. Un autre chien de garde a même le temps de m'asséner un coup de crosse en pleine mâchoire, il m’ôte d'un coup le goût de ce délicieux champagne. Tout devient flou, ma tête heurte enfin le sol. Je n'avais pas remarqué en arrivant que le parquet était aussi moelleux. Une dernière pensée avant de m'endormir, plutôt une prière que je répète en boucle dans ma tête, pourvu qu'il meure, pourvu qu'il meure et s'il ne meurt pas je vous en supplie faites que je meure, faites que je meure. Je dors.