Atterissage

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  Après mon vol Toulouse-Amsterdam, Amsterdam-Moscou, j’atterris fatigué et un peu saoul, ayant pris le soin de boire deux pintes de Heineken lors de mon escale à l’aéroport d'Amsterdam (j'adore les produits locaux) et deux autres canettes lors du vol. Un bon moyen de raccourcir les distances et de commencer le voyage. A la sortie du terminus, mon sac sur le dos , je prends la direction du centre-ville afin de trouver un endroit où dormir pour la nuit, si possible pas cher et près de l'ambiance nocturne moscovite. Mon petit guide de poche m'indique un endroit fréquenté par les jeunes touristes au budget serré préférant le confort procuré par la vodka locale à celui d'un bon lit. La chambre : un lit simple, une petite table de chevet, une lampe, toilettes et douches au bout du couloir. Parfait. J'ai déjà croisé quelques groupes de touristes à la réception, Allemands et Italiens de ce que j'ai pu entendre. Il est dix-sept heures, je règle l'alarme de mon téléphone afin de m'octroyer une petite sieste de deux heures. Je m'endors quasi- instantanément pour me réveiller à dix-neuf heures en pleine forme et me dirige vers la douche en sifflant l'Internationale : « C'est la lutte finale fait péter la vodka, l'internationale ce soir on la boira ». La douche prise, je rejoins ma chambre la serviette nouée autour de la taille. Une porte s'ouvre, je croise une superbe fille, cheveux noirs et longs, yeux pâles, verts ou bleus, la peau nacrée. Le sourire qui illumine cette magnifique apparition me laisse sans voix, je ne peux que bredouiller un « Hi! » pitoyable avant qu'elle ne disparaisse derrière la porte des sanitaires. La soirée commence bien. Je m'habille de mon plus beau jean et de ma plus belle chemise avant de noyer le tout dans un nuage de déodorant.

A l'extérieur, le ciel est voilé mais la température est plutôt agréable, loin des clichés que l'on pourrait avoir sur le climat glacial de la capitale (normal ! C'est l'été connard, me dis-je).

Je consulte mon guide de poche et me dirige vers les rues animées pour dans un premier temps, prendre un petit apéro avant de me restaurer. En bon mouton, je suis les groupes hétéroclites de touristes et m'installe à la terrasse d'un café afin de commander un demi tout en fumant Gauloise sur Gauloise (oui, je fume français ! ).

Au milieu des badauds, je repère l'apparition post-douche de l’hôtel, une fois de plus elle me sourit tout en se dirigeant vers moi. Elle traîne derrière elle une autre brunette et un mec. Merde. Le regard qu'il me jette signifie clairement : « ça c'est mes meufs et ça fait des jours que je rame pour m'en taper une, alors viens pas foutre la merde sale petit français » enfin, je suppose.

- Bonjour, can we sit with you ? , me dit-elle d'un accent que j'ai du mal à identifier. Je les invite donc à s’asseoir. Le mec qui les accompagne se laisse tomber sur la chaise qu'il vient de tirer à lui, je devine sans efforts son envie de faire la gueule. La jolie brune se nomme Tania, elle est en vacances avec ses deux amis Pierre et Émilie. Ils sont tous trois ukrainiens, m'explique t-elle en bon franglais, la consonance française des prénoms de ses amis est due à de lointaines origines alsaciennes de leur mère. Je les devine issus d'une classe sociale plutôt aisée bien qu'ils dorment au même hôtel que moi. Ils arborent fièrement les logos de plusieurs marques de luxe françaises sur leurs vêtements ( une belle façon de revendiquer ses origines quand on en a les moyens). Fort de mes a priori, j'oriente la conversation sur le programme de leur soirée où je les imagine se mêlant à la foule disparate de touristes une coupe de champagne français à la main. Est-ce la jalousie qui me fait penser avec autant de sarcasme ? Quoi qu'il en soit, la suite me prouvera que je me trompais lourdement. Après la deuxième pinte et voyant que je m’intéresse plus à son amie Tania qu'à sa sœur Émilie, Pierre se détend et laisse tomber son air de gardien de troupeau antipathique dû à un simple réflexe de protection fraternelle que je respecte. Il arbore désormais un sourire guilleret légèrement alcoolisé. Il veut tout savoir du petit coin du sud de la France dont je viens et ne cesse de répéter « cassoulet » suivi d'un petit rire après que je lui ai parlé de la spécialité culinaire régionale. J’espère seulement qu'il n'en fera pas mon surnom pour la soirée. L'évocation de la gastronomie de nos pays respectifs nous ayant ouvert l'appétit, nous décidons de quitter la terrasse du café et partons à la recherche d'un restaurant. Je laisse sous-entendre que mon budget n'est pas extensible et que mon choix sera pour ma part orienté en grande partie par le prix du menu. D'un geste tendre Tania me prend la main et me chuchote « no worries » à l'oreille. Bras dessus, bras dessous nous prenons la tête de notre petit groupe. J'aimerais ne jamais trouver menu à notre goût car le sentiment de légèreté et d'euphorie que j'éprouve au bras de cette superbe femme me rappelle mes premiers flirts et me rajeunit pas après pas. Après avoir survolé du regard quelques cartes de restaurant affichées sur le trottoir, en bon gentlemen, Pierre et moi laissons les filles décider de l'endroit où elles préfèrent s'attabler. Leur choix se porte sur un restaurant aux larges baies vitrées, la mention « cuisine internationale » écrite en plusieurs langues sur une devanture aux couleurs criardes. Rien de très original mais cela aura le mérite de satisfaire l’appétit de tout le monde. Le serveur nous installe et tout en tendant les menus demande d'un anglais parfait si nous désirons un apéritif. « Of course! », ce sont les vacances et le début du week-end, il serait dommage de tuer une amitié naissante à cause d'une crise de déshydratation. Une fois nos quatre bières sur la table la conversation s'oriente rapidement vers moi. Je leur explique mes différents petits boulots en France et qu'entre deux périodes de travail je profite de la sainte période du chômage pour partir plus ou moins loin selon mon budget. Un concept difficile à expliquer dans de nombreux pays .

-Pendant ton « chômage », tu es payé pour partir en vacances ? me demande Pierre.

-Non, je suis payé pour continuer à consommer et fermer ma gueule sur le côté précaire de ma situation ne sachant jamais si j'aurais du boulot la semaine d’après.

-Ah...(décidément un concept qui laisse songeur de nombreuses personnes).

  Tout en dégustant son plat Tania me demande mon programme pour les jours à venir. Je lui explique, non sans la dévorer des yeux, que pour moi un bon voyage se conçoit sans programme, juste deux ou trois endroits qu'il serait dommage de ne pas visiter et ensuite suivre le cours de mes envies au gré souvent de très belles rencontres (clin d’œil ), elle sourit (un point de plus pour la team Grotoski).

Nous finissons nos plats, et commandons une tournée de vodka locale pour faciliter la digestion de ce repas simple mais plutôt bon. Lorsque le serveur arrive pour présenter l'addition, je mets la main dans la poche arrière de mon jean afin de sortir mon portefeuille. En me prenant le bras Tania me fait non de la tête et désigne Pierre.Celui-ci se saisit de la note et dépose négligemment quelques billets au centre de la table. Je le remercie et l'avertis que la prochaine tournée sera pour moi. D'un geste de la main il me signifie que cela n'a aucune importance. Il n'est pas loin de vingt-trois heures, un peu éméchés nous retournons d'un pas tranquille vers l'hôtel ; les filles souhaitent se changer avant d'entamer la soirée bar de nuit discothèque. Nous les laissons monter à l'étage alors que Pierre et moi nous dirigeons vers les urinoirs situés à gauche de la réception. Notre vessie soulagée de plusieurs centilitres de bière nous ressortons nous asseoir sur les larges marches à l'entrée de l'hôtel. Alors que j'allume une cigarette, un mec m'aborde, sans doute pour me taxer une blonde me dis-je. En fait il souhaite me vendre quelque chose « coke?», « ecstasy? », chuchote t-il en jetant des regards paranoïaques en tout sens ce qui ferait dire à n'importe quel flic à moins de vingt mètres « Tiens ! un dealer, qui dans un esprit qualitatif, a trop goûté ses produits ». Je regarde Pierre ne sachant que répondre, car pour ma part je vous l'ai déjà dit, je suis féru des mets locaux. Pierre se lève, tend son poing fermé sur quelques billets vers le mec et dit « coke ». Le type sort une bille faite de plusieurs couches de plastique de sa poche et d'un geste synchronisé les billets basculent à la place de la bille blanche et la bille blanche à la place des billets. J'imite Pierre, tends les billets au mec et dis « ecstasy » en faisant un quatre avec mes doigts. Il fouille rapidement la poche intérieure de sa veste, en sort quatre gélules bicolores qu'il me tend et prend les billets. D'un grand sourire édenté qui me met mal à l'aise il me rend un billet et repart d'un pas rapide jetant toujours des regards furtifs à la ronde.

Nous remontons vers les chambres du premier afin de vérifier et tester le contenu de la bille de plastique et des gélules. A travers la porte, nous indiquons aux filles que nous allons dans ma chambre, je crois comprendre qu’Émilie dit à son frère de ne pas prendre le petit copain de Tania. Je suis partagé entre le plaisir de savoir que j'ai mes chances avec Tania et le plaisir bien moindre d'avoir mes chances avec Pierre. Celui-ci me dévisage ayant compris que j'avais compris. Je ris de bon cœur, le gratifie d'une bonne tape virile sur l'épaule (histoire de dissiper tout malentendu) et ouvre la porte de ma chambre. Après avoir ouvert la petite bille blanche sur la table de chevet Pierre trempe son index dans la poudre et se le passe sur les incisives. « Good! » me dit-il en préparant à l'aide de sa carte de crédit quatre lignes égales de poudre. Je lui montre les gélules bicolores, il me fait signe de les cacher nous les prendrons plus tard suivant comment se déroule la soirée. Je roule un billet pour m'en faire une paille, Pierre en fait de même et d'une vigoureuse inspiration il fait disparaître une ligne de la table de chevet. Il m'invite à poursuivre le numéro de prestidigitation. Je m’exécute, l'effet est quasi-immédiat, quelque chose vient de s'ouvrir dans mon cerveau ou de péter diront les rabat-joie. Je renifle et avale le mélange amer de poudre et de morve qui descend le long de ma gorge. Ma langue est anesthésiée, un sourire béat s'affiche sur mon visage. On frappe à la porte. Une demi-seconde de parano m'incite à recouvrir les deux lignes restantes d'un vieux t-shirt ou à balancer la table de chevet par la fenêtre ou à m'asseoir sur la table de chevet puis je me rappelle qu'il y a toutes les chances pour que derrière cette porte se trouvent deux superbes filles, dont une en particulier. Le temps que je tergiverse avec moi-même Pierre a déjà ouvert la porte. Tania est magnifique. Elle a noué ses longs cheveux noirs en une natte compliquée qui descend le long de son cou jusqu'au décolleté de son chemisier blanc ouvert de quelques boutons. Perchée sur une paire d'escarpins rouges, un simple jean galbe ses jambes interminables. Et ses yeux, mon Dieu, ils pourraient justement vous faire croire en lui et rentrer dans les ordres immédiatement (ou pas). Bleu, vert, indéfinissable suivant la lumière ou l'angle dont vous les observez.

- Les filles vous êtes sublimes, dis-je bien que j'ai à peine jeté un coup d’œil à Émilie. Pierre les invite à débarrasser la table du reste de poudre. Après un dernier regard dans le miroir afin de vérifier l'absence de résidu blanc autour des narines, nous repartons direction les clubs de nuit. Accompagnés de deux superbes créatures l'entrée des clubs n'est qu'une formalité, je croise les regards avides de plusieurs hommes sur notre passage ce qui me remplit d'un sentiment de toute puissance bien évidement exacerbé par les effets de la cocaïne. Je parade tel un coq au milieu de la basse cour, gare aux autres prétendants qui s'approchent de trop près de ma poule. Je commande quatre shooters de vodka au bar et histoire de mettre les choses au clair je prends Tania par la taille, la retourne vers moi et l'embrasse. Elle me regarde, saisit un shooter de vodka (elle va me le balancer dans la gueule me dis-je), le boit d'un trait, me sourit et me rend mon baiser avant de partir sur la piste de danse bondée du club. A quelques mètres, Pierre et Émilie lèvent les pouces en signe de victoire. Je les rejoins pour finir les shooters de vodka en leur compagnie. Pierre me demande si j'ai les gélules d’ecstasy sur moi, il a repéré un beau garçon et souhaite se donner un peu plus de courage pour l'aborder. Je me penche, fais mine de refaire mes lacets et sors un petit sachet de ma chaussette. Je lui désigne la porte des toilettes pour pouvoir lui donner une gélule en toute discrétion. Il me dit non, en pioche une dans le sachet que je tiens dans la main et la gobe. Il m'explique tout en commandant des bières, que dans ce pays il est en fait plus dangereux pour lui de se faire prendre en flagrant délit avec un autre homme qu'en flagrant délit avec de la drogue. Il me tend deux bières avant de partir vers sa cible avec Émilie qui lui sert plus ou moins d'alibi pour aborder les hommes. Ils se protègent mutuellement en quelque sorte. Je rejoins Tania sur la piste, lance deux gélules dans ma bouche et lui tire la langue laissant apparaître un piercing improvisé. Elle se jette à mon cou et d'un long baiser le fait disparaître. Nous dansons et nous enlaçons toute la nuit. Quand le jour se lève nous repartons vers l’hôtel, je soutiens Pierre dont les jambes sont engourdies par un léger abus de vodka. Il marmonne dans sa langue maternelle ce qui fait beaucoup rire Émilie et Tania. Il est très heureux qu'un beau garçon comme moi le ramène jusqu'à son lit.

- Il t'aime beaucoup , me dit Tania, et moi aussi. Je dépose Pierre sur son lit, il me gratifie d'un gros câlin et d'un gros baiser mouillé à la vodka sur la joue. Je souhaite une bonne nuit ou plutôt une bonne journée à Émilie, qui elle aussi, réclame un bisou avant de s'endormir. Je m'exécute avec plaisir et l'embrasse.

- Quand tu auras fini d'embrasser tout l’hôtel tu me fais signe, dit Tania d'un ton faussement jaloux.

- Ne t’inquiète pas je garde le meilleur pour la fin, lui dis je en la prenant dans mes bras. Nous rejoignons ma chambre, je me mets en caleçon et me glisse sous les draps.Sans pudeur, lentement, elle se déshabille. En culotte elle se tient devant moi. Elle est magnifique. Je me serre dans le petit lit pour lui laisser une place. Nous nous lovons l'un contre l'autre. Ma main sur son sein, ma bouche contre sa nuque, je m'endors heureux, ignorant la bête qui palpite au bas de mon ventre .

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