Le "Che"

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  Un avion militaire français nous attend sur le tarmac d'un petit aérodrome à l'écart de la ville. On me fait prendre place à bord , le colonel ne m'a pas lâché d'un centimètre depuis le départ de la prison et il ne m’octroie pas un centimètre de plus à l’intérieur de l'appareil, il s’assoit sur le siège attenant .

- Vous pensez que je vais m'envoler colonel ?

- Rien n'est sûr venant de votre part. Que les choses soient claires, je n’ai aucune confiance en vous et l'on peut dire que vos actes sont parfois impulsifs, irréfléchis et complètement irresponsables. Pour moi vous n’êtes qu'un fou de plus que l'on devrait garder enfermé.

- Trêve de compliments colonel ,dit le bon docteur en prenant place sur le siège pivotant qui nous fait face. Nous bouclons nos ceintures alors que le bruit des moteurs s’intensifie. Quelques minutes plus tard, nous quittons le sol russe direction la France. Nous n'avons même pas fait convenablement les présentations, reprend le docteur d'une voix plus forte afin de couvrir le son des moteurs, je suis le docteur Michael Fayraud, docteur en psychologie récemment engagé dans l’équipe de communication du président . Nous avons peu de temps pour tout vous expliquer avant notre arrivée à Paris mais je vais tâcher d’être le plus clair possible. Je suppose que vous n’êtes au courant de rien au sujet des nombreux événements qui on fait suite à la disparition du président Russe.

- La disparition ? coupe le colonel. Il me regarde d'un air mauvais. Le meurtre vous voulez dire ?

Je baisse les yeux, le docteur ne relève pas et poursuit :

- Le premier événement majeur fut l’arrêt quasi-immédiat des conflits à la frontière ukrainienne, c'est ce que vous souhaitiez non ?

- Oui je crois,dis-je tout bas, bien que je ne sois sûr de rien. Mes motivations et mes souvenirs de cette fameuse soirée sont entourés d'un voile flou comme un vague rêve vécut à l’extérieur de mon propre corps. Pourtant des flashs d'images parfaitement nettes me sautent parfois aux yeux : gorge tranchée, arme fumante, flots de sang, douleur. Sans doute mon subconscient tente d'effacer cet épisode traumatisant de ma mémoire mais c'est bel et bien moi qui tenais le couteau ensanglanté .

- Les jours suivants de nombreuses communautés de l'est de l’Europe vous ont élevé au rang de héros. Les réseaux sociaux ont pris le relais en associant votre image à « Che Guevara », il illustre cette remarque en me montrant sur son portable le célèbre portrait du « Che » immortalisé par Korda sauf que sous le béret c'est mon visage que l'on voit. Les médias internationaux ont suivi, l'opinion publique occidentale demande votre libération depuis plusieurs mois . Pour ne rien vous cacher, le gouvernement français ne voulait et ne pouvait pas prendre position en votre faveur mais les élections présidentielles approchant et les électeurs de gauche étant de votre côté le calcul était tout fait. Vous êtes un héros et vous allez le rester jusqu'à la réélection de votre sauveur: le président de la République Française, ponctue le docteur d'un ton beaucoup trop triomphaliste à mon goût.Le colonel Granier ne partage pas mon avis mais vous êtes tout à fait apte à remplir cette mission,«bon pour le service» comme il dirait.

- Comprenez bien que désormais un contrat moral vous lie au gouvernement français actuel et je suis ici pour le faire respecter, tout ce que nous avons pu dire et tout ce que nous vous dirons est et restera confidentiel. Vous irez là où on vous dira d'aller, vous ferez ce que l'on vous dira de faire, vous direz ce que l'on vous dira de dire, assène le colonel Granier. En cas de non respect de ces règles nous serions dans l'obligation de mettre fin à notre collaboration et cela aurait des conséquences fâcheuses, en ce qui vous concerne bien sûr. Un sourire malsain se dessine sur son visage pour accompagner sa menace (c'est lui le putain de psychopathe, c'est pas moi). Les journalistes ont été prévenus de notre arrivée, nous vous avons préparé un petit discours, vous le lisez au mot près et vous ne répondez à aucune question, le porte-parole de l’Élysée se chargera du reste, ensuite nous vous conduirons à votre hôtel histoire de vous rendre plus présentable. Tout est clair pour vous Mr Grotoski ? demande t-il comme s 'adressant à un attardé.

- Fort et clair mon colonel ! lui répondis-je en le gratifiant d'un pseudo salut militaire.

- Arrogant, stupide et fou ,voilà mon analyse psychologique docteur. Êtes vous sûr que nous ne commettons pas une erreur ? questionne le colonel.

- Analyse très fine colonel, ironise le docteur, il est vrai que votre école jouit d'une solide réputation en matière de psychologie.

  La pique fait mouche et je n'entends plus le colonel jusqu'à la fin du vol.

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