Victime 1

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À partir d'aujourd'hui j'écris sur ce journal. Ce sera mon exutoire, le témoignage et la preuve des meurtres que j'ai commis.


J'ai toujours su que je n'étais pas normale. J'avais cette soif d'héroïsme depuis toute jeune. J'adorais Batman mais j'admirais aussi beaucoup le Joker. La psychologie que les gens ne comprennent pas concernant les « méchants ». On ne naît pas méchant, on le devient. La société nous façonne de cette manière car la vie peut être cruelle et faire pencher la balance du côté obscur de la force.

Cette obscurité m'a envahi lorsque j'ai vu ma grand-mère à l'agonie sur un lit. Atteinte de la maladie d'Alzeimher et enfermée dans une maison de retraite, la vie peinait à quitter son corps.

Ma première envie de meurtre s'était tournée vers les médecins incompétants et cette administration qui n'en a que faire des vies humaines, ne pensant qu'au rendement et à l'argent que les vieux déboursent chaque mois. Seulement, tuer cette partie-là de la société serait bien trop difficile, ce serait long et périlleux, je n'arriverai jamais à mes fins. Alors ma soif de meurtre s'est transformée en envie de liberté.

Je connaissais parfaitement la maison de retraite. Ma grand-mère avait régulièrement des injections de morphine afin de ne pas trop souffrir. Ils voulaient la faire partir « en douceur ». À quel moment connais-tu la douleur ressentit par une personne au regard vide ne parlant pas ? Je n'éprouvais que du dégoût pour tous ces gens se prenant pour des dieux !
L'armoire à médicaments était fermée par un cadena. J'avais, il y a longtemps, prémédité mon geste du jour. Au moment où l'infirmière avait ouvert l'armoire pour prendre des médicaments, j'avais subtilisé la clef, fait rapidement une emprunte dans une boule de terre durcissante dans ma poche, puis remis la clef sur le cadena. La jeune-femme n'avait rien vu et avec ma gueule d'ange, personne ne me suspectait jamais de quelconque méfait que ce soit...
Ayant fait un double des clefs, au moment où le personnel aide-soignant était le plus débordé, je pris trois flacons de morphine. Entrant dans la chambre, l'odeur de la mort était déjà présente. Ma pauvre mamie respirait difficilement. Remplissant la seringue, je commençai à lui faire mes adieux. Elle avait été très importante dans ma vie et je ne pouvais que la remercier en la laissant partir en paix.

Tournant sa tête dans ma direction, je choisis de la piquer entre deux plis du cou pour que ce ne soit pas visible. Une. Deux. Ses yeux se fermèrent et sa respiration ralentit légèrement, comme si elle dormait. Une larme roula sur sa joue ridée, me faisant serrer les dents pour éviter un sanglot bruyant. Trois. Je n'eus qu'à attendre quelques secondes avant de ne plus détecter son pouls. Le corps se rigidifia assez rapidement. M'empressant de tout ranger et de faire disparaître la petite trace de sang sur son cou. Je partis en courant prévenir une infirmière, me permettant au passage d'éclater en sanglots.

La mort fut prononcée et dans son dossier les médecins écrivirent qu'elle était décédée d'une infection pulmonaire agravée. Je ne me sentais même pas coupable, au contraire, j'étais plutôt soulagée.


Au fond de moi, je savais que ce n'était que le début d'une longue histoire. La confirmation tomba comme le couperet.
En rentrant d'un festival où j'étais bénévole, j'appris par un appel des urgences, que mon père était aux soins intensifs à cause d'un arrêt cardiaque. Le pronostique vital avait été engagé depuis environ quinze minutes. Me laissant suffisamment de temps pour le rejoindre avant qu'ils ne débranchent les appareils.
Nous avions toujours été d'accord, pas d'acharnement thérapeutique.
Ma soif de meurtre atteint son paroxysme au moment-même où je posai mes yeux sur lui.

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