À la fin de l'année, ma boite m'avait mutée sur des postes plus difficiles. J'avais quatre ans d'expérience dans l'aide à domicile et l'accompagnement en fin de vie pour les maladies neurodégénératives. Suite à une réunion ils avaient conclu que mon expérience et mon calme me permettraient de gérer des personnes violentes ou souffrant de maladies psychiques. Autant dire qu'ils avaient, inconsciemment, mis le loup dans la bergerie...
En parallèle, j'avais toujours mes remplacements chez une fleuriste de la ville voisine et je continuais de distilller tout ce qui me passait sous la main.

Ma victime de Noël - tout le monde à le droit de se faire des cadeaux un peu particuliers...- était une vieille dame, ancienne cantinière qui prenait un malin plaisir à nous traiter comme des bonnes à rien mes collègues et moi. Elle battait son caniche, il faut dire que le cabot était particulièrement infernal. Mais tel chien tel maître...

J'appris qu'elle avait fait partie de la jeunesse Pétainiste, n'hésitant pas à dénoncer ses voisins et voisines « déviants » de la norme sociétale de l'époque.

Lors d'une de mes interventions, sa fille était passée lui apporter le journal et une baguette de pain. La femme d'une cinquantaine d'années avait l'air terrifié. Elle posa ses achats sur la table de la cuisine, nous salua et partie sans demander son reste. J'ai su à l'instant où j'ai croisé son regard que sa mère la battait régulièrement. Peut-être qu'elle continuait encore... Il ne m'en fallu pas plus pour avoir envie de l'occire.

Je fis un double des clefs de son garage donnant sur une petite arrière-cour.

Au bout de deux jours, j'avais mis en place mon plan d'attaque. En prenant de l'âge, cette vieille mégère souffrait d'asthme sévère.

Lors de mon intervention la veille, je subtilisai tout ce qui permettait de la soigner en urgence y-compris son traitement curatif. Je débranchai la présence verte permettant d'alerter les pompiers et rentrais chez moi tranquillement.

Je revins en début de soirée en passant par l'arrière-cour, ouvrit le garage en faisant attention à ne pas faire trop de bruit. Comme d'habitude, j'étais vêtue de façon à ne laisser aucune trace de mon passage. Il fallait s'y attendre, le caniche m'avait entendu. Je lui donnais une boulette de viande et le caressait pour éviter qu'il aboie, jusqu'à ce qu'il s'endorme tranquillement. Je le portai discrètement et le mis dans son panier.

La vieille était devant la télévision. Je lui fis peur en me mettant devant elle, et heureusement, elle commença à suffoquer sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche. Par réflexe elle appuya avec frénésie sur le petit bouton vert mais rien ne se passa. Je vis de la terreur dans son regard. Elle avait compris que j'avais tout calculé. Tout en agonisant elle tentait de faire des gestes d'auto-défense, se laissant glisser hors de son fauteuil. Je n'avais rien à faire à par la regarder.

Au bout de quelques minutes allongée au sol et les bras tendus, ses lèvres devinrent enfin bleues et ses yeux se fermèrent. Je me hâtai de lui mettre un inhalateur vide dans la main et de refermer ses doigts dessus. Puis je replaçai tous les traitements pour l'asthme dans la maison, avant de rebrancher la présence verte et d'appuyer sur le bouton. Le temps que les secours arrivent, le chien aurait émergé de son petit somme.

Je refermai délicatement la porte du garage puis rentrai chez moi.

Encore une journée fructueuse et cette fois, un « meurtre en silence » digne d'un polard d'Agatha Christie !

Le sourire ne quittant pas mes lèvres, je pris une douche et me couchai soulagée...