Victime 4

6 minutes de lecture

Je n'ai jamais eu beaucoup d'amis.

Je pense que cette partie sombre de moi a toujours fait en sorte d'écarter les gens au risque d'être dévoilée.

Cependant, cela ne m'a pas empêchée de me faire une amie, que j'ai depuis l'enfance. Au fil des années nous sommes devenues comme des sœurs. Une journée ne se passe pas sans que nous ne nous soyons vues ou téléphonées.

Fanny est une personne très sensible, à tendance dépressive qui a souvent souffert d'anorexie. Elle s'est toujours appuyée sur ma présence pour remonter la pente et aller mieux. C'est ce que j'ai toujours fait, la protéger. Elle représente la pureté et l'innoncence que n'ai jamais eu. C'est sans doute en partie pour ça qu'elle est devenue mon amie. Nos personnalités se complètent parfaitement.

Il y a un peu plus d'un mois, elle m'a téléphonée pour m'annoncerq u'elle avait rencontré quelqu'un. Un homme plus âgé, très mature et apparemment très amoureux d'elle.

Je me suis immédiatement méfiée de cette rencontre digne d'un film à l'eau de rose.

Elle faisait ses courses, elle a fait tomber un paquet et il lui a ramassé en la regardant bien droit dans les yeux. Un sourire à tomber et un homme très séduisant d'après elle.

Me donnant son nom, j'ai immédiatement effectué quelques recherches.

Rien, je n'ai rien trouvé sur lui... Me frustrant au plus haut point.

Elle m'en a beaucoup parlée, ils se voyaient principalement le samedi après-midi. C'était un homme très occupé par les affaires. Ingénieur agronome à la tête d'une grosse entreprise, passionné par les voitures de luxe, la chasse et le poker.

Depuis plusieurs mois maintenant, je m'occupais d'un octogénaire atteint de skyzophrénie à tendance violente. Pour autant, il n'avait jamais dépassé les limites avec moi. Je n'avais pas encore rencontré sa famille mais un jour, j'eus un appel de mes supérieurs. Le fils de ce patient voulait connaître l'aide à domicile qui réussissait à soigner son père. Un fait étonnant, je n'avais jamais eu à rencontrer les membres d'une famille pour ce genre de compliments. N'étant pas de nature narcissique, j'en fus quand même flattée.

Je n'ai jamais cru au destin ou aux coïncidences. Pourtant, cette fois fut extrêmement surprenante. Lorsque sa Mercedes se gara devant la maison de mon patient et qu'il entra dans la maison, je sus que c'était lui.

Je connaissais parfaitement les goûts de Fanny, il s'agissait de son nouveau copain, ça coulait de source !

Je restai impassible, me présentai et il en fit de même. Le nom et le prénom correspondaient aussi.

Les premières choses que je constatais, son regard de prédateur et son alliance qu'il retirait visiblement souvent.

Nous avons longuement discuté. Son père demanda des nouvelles de sa femme et ses enfants. Intérieurement je m'en frottais les mains.

Il me proposa un café que j'acceptais sans hésitation. Il fallait qu'il se dévoile pour que je puisse protéger Fanny.

Nous nous retrouvâmes l'après-midi même à la terrasse d'un café. J'avais mis mon téléphone sur enregistreur vocal.

Il me confia que je lui plaisais et qu'il aimerait plus qu'un café.

Je désignai son alliance en souhaitant savoir si j'étais la première avec qui il comptait tromper sa femme. Il m'avoua que non et me demanda si ça me posait un problème. J'admis que cela ne me dérangeait pas, puis nous nous sommes quittés en nous promettant de nous voir la semaine suivante. Dans sa maison secondaire, où il logeait quand il partait à la chasse. Rien que ça...

Le soir-même, je fis venir Fanny, lui fis écouter l'enregistrement. Elle s'effondra et fis une crise d'angoisse telle, que je dus appeler les secours. Je la suivis aux urgences et quelques heures plus tard elle fut transférée en psychiatrie.

J'eus beaucoup de peine pour elle et éprouvais une grande colère me donnant envie de le tuer dès à présent.

Il fallait que je patiente un peu. La vieille au caniche n'était froide que depuis quinze jours, des accidents aussi rapprochés seraient peut-être suspects.

Je me laissais donc une bonne semaine pour réfléchir à cet homicide, me faisant saliver.

Ce serait sûrement le meurtre le plus sale de tous. Je n'y mettrais aucune douceur. J'avais envie de le voir se vider de son sang.

Le soir du rendez-vous, nous nous retrouvâmes à l'adresse qu'il m'avait indiquée. C'était parfait. Une petite maison vitrée et en bois, au milieu de nulle par à côté une forêt.

Je me garai sur les graviers, prenant bien garde de ne pas faire de traces de pneus dans l'herbe ou la terre.

En sortant de la voiture, il était à deux doigts de me donner un baiser mais je l'esquivai.

Il me raconta que j'étais loin d'être comme ses maîtresses habituelles. D'habitude, il jetait son dévolu sur des filles plutôt fragiles et souriantes. Son aveux me dégoûta encore plus. Il fallait que j'en finisse et vite. Je n'en pouvais plus de laisser vivre cette pourriture.

Je le pressai pour rentrer, tout en enfilant discrètement mes gants en latex et ma charlotte.

Je pensais alors, que ce soir je ferais une veuve et des orphelins je m'en excusais, mais c'était pour la bonne cause. Ils ne savaient rien de cet homme.

Je retirai mes chaussures sur le palier et mis mes sur-chaussure d'hôpital. Il le remarqua et me proposa des pantoufles que je refusais.

Haussant les épaules, il me fit faire le tour de la petite maison.

J'avais mis mon sac à dos dans un sac en plastique sur une chaise afin d'éviter toutes traces qui pourrait m'inculper. À l'intérieur il y avait tout ce qu'il me fallait pour l'occire.

Le suivant dans la maison, je pris la seringue dans la poche de ma veste. Trois milligrammes de Kétamine, acheté au dealeur du coin pour quelques sous, de quoi l'endormir le temps de le saigner comme un porc.

Arrivés à la salle de bain, il me proposa de nous laver. Je lui tendis la main pour qu'il prenne la mienne et enfonçait l'aiguille dans son poignet. Une clef de bras me permis de le maîtriser et de lui injecter le produit. Il hurla comme un gosse avant de tomber comme une souche. Le hissant dans la baignoire, je fis couler l'eau le temps d'aller chercher les affaires dans mon sac.

Tout c'était déroulé un peu trop facilement à mon goût, me décevant presque.

L'eau était à bonne hauteur et suffisamment chaude pour que le sang s'évacue vite. Je pris sa main droit et lui fis maintenir un cutter. La kétamine a cet avantage de rendre les membres mous et très dociles. Avec l'autre bras, je maintins son poignet gauche et lui fis s'entailler le poignet. L'eau chaude ayant imprégnée ses vêtements et ramollie sa peau, comme du beurre.

Un jet carmin assombrit l'eau, je n'avais plus qu'à attendre.

Il eut un sursaut à un moment et ouvrit les yeux. Seulement il ne pouvait pas bouger, la kétamine faisait encore effet. Il respirait vite, mais son pouls ralentissait de plus en plus, je le sentais. Sa respiration se coupa subitement, il resta la bouche et les yeux grands ouverts. J'eus un léger pincement au cœur, quel gâchis, les siens allaient beaucoup souffrir... Mais il avait fait du mal à Fanny, je ne pouvais pas laisser passer ça.

Je fermais ses yeux et sa bouche, son corps s'enfonça un peu dans la baignoire. Sa main lâcha le cutter.

Je repartis vite, prenant toutes mes affaires et remettant mes chaussures en dehors de la maison. Je n'allumai pas les feux de la voiture en sortant du chemin privé de peur de croiser quelqu'un.

Je ne croisais personne jusqu'à ce que j'arrive chez moi. Allumant mon téléphone, je vis plusieurs appels et messages manqués. Fanny était hospitalisée aux urgences, elle était dans le coma suite à une overdose d'anti-dépresseur.

Les larmes aux yeux, prête à aller la voir, je ne regrettai finalement pas mon crime.

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