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Quand nous nous sommes rencontrés, Nabil et moi, je n’avais que dix-sept ans et lui vingt. Ce fut le coup de foudre. Lui et sa famille étaient de passage à Bordeaux pour rendre visite à leur tante, et nos chemins s'étaient croisés dans l’épicerie que tenait ma grand-mère. J’adorais ma grand-mère. J’aimais lui rendre service en tenant la caisse du magasin pendant les vacances, et j’en profitais aussi pour grignoter tout ce qui me faisait envie. Un peu rondelette à cette époque, je ne me souciais guère du poids que je pouvais prendre. J’étais à mille lieux d'imaginer tomber amoureuse. De plus, je n’en avais tout simplement pas le droit. Je devais me préserver pour mon futur mari, mon père y veillait aux grains, allant même jusqu’à m’interdire de me retrouver seule avec mes cousins.

Lorsque Nabil fit son entrée, je n’ai pu m’empêcher de l’admirer. Il était grand, brun, barbu, bronzé, et son beau regard aux yeux noisette se porta directement sur moi. J’eus tout d’un coup honte d’apprécier cela. L’ombre de mon père n’était jamais loin de moi, comme si il était omniscient. Honteuse, je fis alors mine de m’intéresser à mon téléphone. Mon cœur battait à vive allure et j’écoutais chacun de ses pas pour savoir dans quelle direction il allait. Comme j’ai prié Dieu pour qu’il n’achète rien ! Mais à mon grand dam, il s'approcha de ma caisse pour y déposer sa cannette de Miranda à l’orange.

— Salam. Vous avez du pain ?

Je levai la tête et restait muette. De près, il était encore plus beau. Et comme il sentait bon ! Je ne saurai expliquer pourquoi, mais j’avais alors eu envie de me blottir dans ses bras pour me pelotonner contre lui. Des idées pécheresses, toutes plus sales les unes que les autres me venaient en tête.

Nabil s’était raclé la gorge, me montrant ainsi qu’il attendait toujours une réponse de ma part. Avec amertume, je me forçai alors à me ressaisir.

— Salam. Non.

Il avait alors arqué ses sourcils et s’était mis à me fixer intensément.

— Vous êtes sûre ?

J’avais l’impression de me liquéfier sur ma pitoyable chaise tournante.

— On en a pas. Désolé.

Quelques secondes, ou minutes, je ne sais, avaient passés, et Nabil me dévoila alors son splendide sourire. J’aurais pu mourir sur le champs après cette vision ! Ma raison me hurlait que j’étais folle, que je ne le connaissais même pas et qu’il n’était qu’une tentation envoyée par le diable. Mais malgré ces avertissements, je n’eus pas le courage de me battre contre ce sentiment nouveau et euphorisant, quoique effrayant, qui m’envahissait.

Après avoir payé à l'aide d'un billet de cinq euros en me priant de garder la monnaie, Nabil tourna les talons et disparut. Perdue dans mes pensées, je calai mon dos contre le dossier de la chaise et me mis à réfléchir sur la façon d’expier mes mauvaises pensées. Mais alors que je relevai la tête, je vis, incrédule, le sachet rempli de baguettes de pain qui se trouvait sur le comptoir. Je sentis le rouge me monter aux joues. Comme le coup de foudre à la capacité de vous rendre idiote !

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