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Contre tout attente, Nabil revint chercher quotidiennement une boisson au magasin, et ce pendant une semaine entière. Jamais je n’eus le courage de lui adresser la parole. Je ne pouvais m’empêcher de me demander pourquoi il ne se rendait pas directement en grande surface pour en acheter un pack entier, mais au fond de moi, je me doutais que je devais lui plaire. Cette idée me faisait monstrueusement plaisir.

Et j’avais raison.

Un jour Nabil passa la porte et s’avança directement vers moi.

— Tu me plais, lâcha-t-il de but en blanc.

J’étais estomaquée.

— Ça se voit que tu es une fille bien, et je pense que si ton père sait que je te parle, il me tuera, mais j’avais besoin de te le dire avant de repartir.

Face à mon silence, il prit un morceau de papier et un stylo qui se trouvaient sur la table à ses côtés, y griffonna quelque chose et me le tendit.

— Je te laisse mon numéro. Si tu m’écris, c’est bien. Sinon ce n’est pas grave.

Il me tourna le dos et partit sans me dire au revoir. Je me détestais déjà de n’avoir su lui répondre, et encore plus de ne pas avoir su le repousser tout de suite. Je ne pouvais pas entreprendre une relation avec un garçon. Je ne pouvais mettre en jeu l’honneur de ma famille.

Et pourtant je l’ai fait.

J’ai écris à Nabil le soir même.

Après avoir pris le dîner avec ma grand-mère, je me faufilai alors dans ma chambre et sortis le bout de papier froissé de la poche de ma veste. Armée de mon courage, ou de ma bêtise, je lui envoyai un message :

« C’est Alya. De l’épicerie.»

Quand Nabil me répondit, j’ai bien cru que mon cœur allait exploser. J’étais comme une gamine qui sautillait de joie !

Je n’avais jamais eu de relation avec un garçon, jusque-là. Je n’avais même jamais flirté avec un homme virtuellement, alors que mes amies me le conseillaient. Pour elles, c’étaient une façon de faire « danser un peu mon cœur, avant l’ennui du mariage ». Mais j’avais bien trop peur que mon père, ou mes frères le sachent un jour.

Mais le coup de foudre vous fait oublier père, mère et patrie. J’en avais maintenant la preuve.

Nous avons passés la nuit au téléphone Nabil et moi. Il me répétait combien il m’avait trouvé jolie. Qu'il cherchait une femme comme moi. J’étais sur un nuage. Quelle grâce divine ! À mes yeux il était comme un petit cadeau que Dieu m’avait offert, une récompense face à ma patience, et je tentais tant bien que mal de m’en persuader pour que mes peurs ne fassent pas tout cesser.

Dès lors que nous avons commencé à échangé régulièrement tout les deux, ma culpabilité s’était envolée, et je m’autorisai, sans regrets, à vivre, ce qui était pour moi à cette époque, l’amour.

Persuadée que le mariage serait l’aboutissement de notre histoire, je fuguais régulièrement de ma ville natale pour aller le rejoindre à Paris, parfois juste pour quelques heures. Ma grand-mère m’avait couverte plusieurs fois, et tentait de me faire entendre raison. Je lui promettais alors de couper les ponts, mais j’en étais incapable. J’étais accroc à Nabil. Ne pas le voir, ne pas lui parler était pour moi une souffrance insurmontable qui me plongeait dans une profonde dépression. Face à cela, ma grand-mère, me couvrait de nouveau et me laissait le rejoindre. Je savais ce que cela lui coûtait. Je l’entendais lors de ses prières demander pardon à cause de moi.

Mais l’amour m’avait rendue égoïste, et mon cœur ne pouvait désormais contenir que Nabil.

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