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Le retour à Bordeaux fût pire que ce à quoi je m’attendais.

Instinctivement, je m’étais rendue chez ma grand-mère, mais lorsqu’elle m’ouvrit, son regard mauvais me figea sur place. Quand elle me claqua la porte au nez, je compris que je venais de la perdre. Je rentrai péniblement jusqu’à chez moi, la tête baissée. J’avais si mal. Ma grand-mère, mon pilier, venait de me rejeter. Je ne pouvais même pas lui en vouloir, c’était mérité. J’avais été trop loin. Bien trop loin.

J’aurais préféré creuser un trou et m’enterrer moi-même plutôt que de passer la porte de chez mes parents, mais je n’avais pas le choix. À peine la porte d'entrée franchie, mon père me fonça dessus et me roua de coups en hurlant. Au sol, en pleurs, suppliant ma mère de faire quelque chose, je reçus la pire punition de ma vie. Mon père ne m’avait jamais réellement frappé. Son regard et ses menaces suffisaient. Il était bon père.

Mes frères se tenaient eux aussi non loin de moi, et ne réagissaient pas. Dans un éclair de lucidité, je me dis qu’il était préférable pour moi que ce soit lui qui se charge de me battre et non eux, cela aurait été bien pire. J’étais celle sur qui tout le monde avait porté tant d’espoirs. Ils avaient tout misé sur moi, moi la plus intelligente, la plus cultivée, la plus instruite. Je n’avais jamais fais de vagues. Jamais répondu à mes parents, et j’aidais ma mère à la maison de façon irréprochable.

Mon père fondit en larmes et partit dans la cuisine. Ce revirement de situation me laissa alors perplexe.

Ma mère s’approcha de moi, me releva et me dit simplement de monter dans ma chambre. Je ne lisais aucune compassion dans ses yeux. Je ne me fis pas prier. Malgré la douleur lancinante dans mes côtes, je gravis les escaliers en un temps record. Alors je me jetai sur mon lit de ton mon poids, mon téléphone sonna. Je savais que Nabil attendaitmon signal pour que son amie m’appelle et parle avec mon père. Je ne répondis pas. J’étais incapable de parler. Incapable de lui dire ce qui venait de se passer. J’avais bien trop honte et bien trop mal.

Tard dans la soirée, mon père et ma mère entrèrent dans ma chambre. L’air grave sur leurs visages ne présageait rien de bon. Je me recroquevillai sur moi-même et baissaies yeux, incapable de soutenir le regard de mon père. Lorsqu’il se mit assis sur mon lit, et prononça mon prénom, sa voix était douce et calme.

— Alya. Ta grand-mère nous a tout dit.

Non. Non. Tout mais pas ça !

Je restais muette. Que pouvais-je bien répondre ? Il était hors de question que je fasse passer ma grand-mère pour une menteuse. Je lui avais déjà assez bien fait de mal.

— On sait pour ce Nabil. Maintenant, je vais te poser une question et tu vas me répondre honnêtement Alya. Je veux la vérité.

J’ai alors hoché la tête, mais je savais pertinemment ce qu’il allait me demander.

— Est-ce que tu as passé la nuit avec Nabil ?

Mon cœur battait la chamade, je me sentis comme dans un cul-de-sac. Je connaissais bien mon père et savais pertinemment que lorsqu’il me posait une question, c’est qu’il avait déjà la réponse. J’en avais déjà eu la preuve à plusieurs reprises dans le passé, lorsque enfant je volais bonbon ou chocolat pendant la nuit. Cette certitude ne m’avait depuis jamais lâchée.

— Oui, finis-je par répondre, tremblante de peur.

Le regard de mon père devint dur. Sa mâchoire se contracta frénétiquement, et ma mère porta sa main à sa poitrine tout en priant Dieu de me pardonner.

— Il va venir demander ma main !

Cette promesse comme une issue de secours.

— Ce ne sera pas la peine, Alya. Si il passe ma porte, je le tue. Je t’interdis de lui parler. Je t’interdis de le revoir. C’est lui ou nous.

Les heures s’étaient écoulées lentement. Je n’avais aucun moyen de communiquer avec Nabil, mon père m’avait confisqué mon téléphone et mon ordinateur portable. Mes frères n’avaient pas daignés m’adresser la parole, malgré mes regards suppliant lorsqu’ils étaient passés devant la porte de ma chambre. J’étais seule. Complètement seule.

C’est lui ou nous.

Cette phrase tournait dans ma tête.

Le souvenir de cette nuit avec Nabil, sa tendresse, tout ça me hantait. J’aurais donné tout l’or du monde pour l’avoir près de moi à cet instant. Il aurait su tout arranger.

Cette dernière pensée fut une révélation et sécha mes pleurs. Mais oui ! Il fallait que j’aille chercher Nabil ! Il saurait quoi faire.

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