Chp 10 : Kristie

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Entre Rani et moi, je comprends tout de suite que ça va être compliqué. La grande femelle ne m’a pas ménagé. Dans la forêt, elle a presque couru, puis elle m’a mené face à cette immense falaise où attendaient des ældiennes armées jusqu’aux dents. J’ai rencontré l’ard-ælla, la fameuse chamane et matriarche du clan. Puis, quand Varhun et les mâles nous ont enfin rejoint, elle n’a pas daigné faire la traduction. Et maintenant, elle m’emmène le long d’un escalier en colimaçon taillé dans la pierre au pas de course, sans me laisser le temps de souffler ou de m’émerveiller sur cette étonnante grotte.

Il y a des plantes partout. Des cascades, et même des voilages. Des lumières partout, des décorations. C’est immense : presque une ville. Rien à voir avec la caverne sinistre et sale que je m’imaginais.

— Voilà la caverne des femelles, m’annonce Rani en me faisant déboucher sur une grande salle lumineuse, ouverte sur une terrasse qui donne sur la nuit étoilée.

Des petites maisons sont suspendues un peu partout, certaines reliées par des passerelles et des points, d’autres accrochés dans de grosses racines d’arbres. J’aperçois la tête d’une ældienne par une fenêtre d’osier tressé, qui me fixe avant de la refermer.

— Où sont les autres ? demandé-je en me tournant vers Rani.

— Elles se délassent dans les bains. Ensuite, elles mangeront, puis elles iront dormir dans le khangg qu’on leur a alloué, me répond la grande femelle en croisant les bras.

— Les khangg ?

— Ces maisons que tu vois : chacune appartient à une femelle. On a fabriqué pour vous.

— J’ai besoin de voir ma cousine, et de checker l’état des blessées.

— Elles vont bien. Le luith des mâles les a endormies et détendues, et on leur a administré les premiers soins. Une perte d’énergie, si tu veux mon avis. Il paraît que vous ne comptez pas rester ? Je pense que c’est mieux, mais j’aurais préféré que vous vous absteniez d’allumer tous les mâles de la harde. Ils vont être intenables, maintenant.

Je n’ai pas le temps de répliquer quoi que ce soit. Une autre ældienne s’avance vers nous, largement plus petite. Elle est presque nue, la peau très blanche, avec de longs cheveux noirs et lisses qui lui tombent jusqu’en dessous des fesses. Ses petits seins sont à peine recouverts de colliers de dents et de coquillages, et je détourne les yeux, gênée.

— Tu peux partir, Rani, dit-elle d’une voix douce en Commun, sans aucun accent. Je m’occupe d’elle.

Rani s’éloigne sans un mot. L’autre ældienne se tourne vers moi, plantant ses yeux entièrement noirs dans les miens. Elle a un visage presque humain, extrêmement pâle.

— Je m’appelle Nur, m’apprend-elle, et je suis humaine, comme toi.

Je la fixe, stupéfaite. Humaine, cette femme à moitié nue, recouverte de marques bizarres et de parures barbares, avec ses yeux sans sclère ? Lorsqu’elle sourit, je constate que ses dents sont taillées en pointe. Ses ongles, aussi.

C’est presque une ældienne. Elle est devenue comme eux… depuis combien de temps vit-elle ici ?

— Tu dois te poser beaucoup de questions, et c’est normal, ajoute-t-elle avec un sourire bref. Mais pour l’instant, tu dois te reposer. Viens. Tu peux rejoindre les autres aux bains. Elles y sont déjà.

Je la suis le long des couloirs couverts de lierre et de cristaux lumineux. Elle pousse un rideau de perles, et dévoile à mes yeux un lieu enchanteur, composé de cascades, de fontaines et de bassins bouillonnants, avec le scintillement des étoiles en arrière-fond.

— C’est magnifique, murmuré-je.

— Oui. Regarde : tes amies sont ici.

Mon cœur fait un bond alors que j’aperçois Suri, qui me fait des grands signes. Elle est immergée dans une piscine à bulles avec Lira.

Je porte toujours mon uniforme déchiré et mouillé d’eau froide, de sueur et de sang : l’eau chaud et bouillonnante me tente plus que jamais. Mais enlever ce qui me reste de vêtements ici, dans cet environnement ? Cela me paraît impossible.

Nur s’approche de moi.

— Tu peux te déshabiller. Je vais t’apporter d’autres vêtements.

Je la regarde de haut en bas. Elle ne porte pas grand-chose…

— Et si Varhun venait ? C’est mon binôme, je travaille avec lui. Il peut débarquer n’importe quand.

— Varhun n’a pas le droit de venir ici. La caverne des femelles est interdite aux mâles.

Interdite aux mâles… nous sommes donc dans un genre de gynécée. En temps normal, ça m’aurait révoltée, mais au moins, on sera tranquilles.

— Viens nous rejoindre, m’encourage Suri. L’eau est excellente ! Ni trop froide, ni trop chaude.

À côté d’elle, Lira me sourit doucement. Elle a l’air totalement remise. Je remarque que ses épaisses boucles noires sont brossées, et qu’elle arbore une fleur rouge au-dessus de l’oreille, qui met en valeur son teint de pêche.

— Est-ce que Varhun va nous rejoindre ? demande-t-elle en papillonnant des cils.

— La grotte est interdite aux mâles, grogné-je en entrant dans l’eau.

Lira fait la moue, les yeux fixés sur mes abdos – et la cicatrice qui les traverse.

— T’es drôlement musclée, pour une fille, observe-t-elle.

— Je te rappelle que je suis une ancienne de l’Infanterie Mobile.

— Ah oui, c’est vrai… d’après toi, quand la Chasse va-t-elle commencer ? J’ai hâte d’être choisie par l’un de ces beaux guerriers. Ils sentent si bons ! Est-ce qu’on t’en a parlé ?

Je la fixe, stupéfaite. Suri s’est tournée elle aussi vers moi, attendant ma réponse en faisant des clapotis dans l’eau.

— Tu ne comptes pas retourner à New Arkonna ? soufflé-je, plus pour ma cousine que pour Lira.

— Euh, je ne suis plus trop sûre, répond Suri en calant une de ses mèches blond-gris derrière son oreille. Quand on est arrivées dans cette jungle hostile, je pensais vraiment débarquer dans un village primitif et inconfortable, mais en fait… la vie ici a l’air très agréable. Plus qu’à New Arkonna, en tout cas. J’en ai marre de vivre dans une capsule de 20 m2, sans jamais voir autre chose que des étages et des étages d’autres appartements minuscules, sans le moindre bout de nature ou de ciel… Et ne le prend pas mal, mais j’en ai ras le bol aussi du contrôle de l’armée sur nous. Sans parler sur SVGARD… tout est interdit, réglementé.

— D’accord, grincé-je, les dents serrées. Mais vivre ici signifie devenir la compagne d’un de ces ældiens. C’est vraiment ce que tu veux, Suri ?

— Bah, y a pire, non ? répond Suri sans oser me regarder dans les yeux.

Y a pire. Probablement.

— On n’a pas vu leurs visages à tous, mais celui du beaux roux à fourrure et de Varhun suffisent à nous donner une idée… on dirait des dieux antiques ! s’échauffe Lira. Et cette musculature… Je trouve ça encore mieux que ce qu’on nous a dit en formation. Je suis tout excitée ! J’ai hâte de savoir à quoi ressemblera le mien. J’espère qu’il aura des cornes et des ailes…

Des cornes et des ailes. Comme Varhun. J’ai remarqué que c’était le seul chasseur a posséder ces caractéristiques – celles des fameux « urulædhil », ces ældiens qu’on dit si dominateurs -, et Lira a dû le remarquer aussi. Dommage pour elle, Varhun ne participera pas à la Chasse.

Les filles sortent de l’eau en baillant, avant de se sécher avec des serviettes tressées d’une grande douceur. Nur nous attend avec plusieurs paniers remplis de fourrures, accompagnée de plusieurs ældiennes, qui se tiennent un peu à distance.

— Voici vos vêtements, nous annonce-t-elle avant de faire la distribution. Prenez deux pièces chacune : les bas sont dans ce panier, les hauts dans celui-ci.

Les filles en serviettes se servent, sortant des paniers des pièces en peau finement cousues. Nur me donne les miennes : une espèce de brassière sans bretelles qui tient à mon cou grâce à un espèce de tressage, et des jambières de cuir qui s’attachent autour de ma taille et laissent mes orteils et les talons à nus… mais aussi mes fesses. Nur complète la panoplie en me tendant une espèce de pagne décoré de quartz et de perles, très long devant, mais dont la lanière me rendre dans les fesses… laissant ces dernières à la vue de tout le monde. Un rapide coup d’œil aux autres me montre qu’elles sont toutes vêtues comme ça.

— Tu ressembles à Pocahontas, ricane Suri en enfilant ses jambières.

— Toi aussi, répliqué-je.

— Euh, on n’aura rien pour couvrir nos ventres et nos fesses ?

— Apparemment non.

— Merde alors !

Lira ajuste son string de cuir souple avec élégance.

— Moi, ça me plaît. Je trouve que ça met mes fesses en valeur. Je les ai faites refaites l’an dernier : qu’en pensez-vous ?

— C’est magnifique, grogné-je.

— J’espère que cela plaira aux mâles ældiens, ajoute Lira en nouant ses cheveux en une tresse lâche sur le côté.

Elle se tourne vers Nur.

— Est-ce qu’on pourra être coiffées comme vous, avec des tresses et des trucs brillants dedans ? s’enquiert-elle en désignant les coiffures élaborées des ældiennes.

Lira n’a pas l’air étonnée par la présence de Nur. Voir une humaine aux yeux entièrement noirs et aux dents pointues ne la surprend pas.

— Pour la Chasse, vous devrez avoir les cheveux lâchés : on vous les tressera une fois que vous serez unies, si votre mâle est d’accord. Ils aiment bien tenir les femelles par les cheveux pendant…

Quoi ?? m’exclamé-je, choquée.

Mais Lira a l’air sur le point de s’évanouir de bonheur.

— Oh, qu’est-ce qu’ils sont dominants… s’émerveille-t-elle. Quand pourrons-nous les voir ?

— Vous devrez être instruites d’abord, et passer le rituel de la Chasse. On commencera demain. Bon, maintenant que tout le monde est vêtu, vous pouvez venir manger. Nous avons préparé un banquet pour vous.

— Un banquet ? Comme dans les contes de fées ? s’écrie Lira en battant des mains.

J’échange un regard agacé avec Suri, mais ma cousine est comme Lira : elle regarde tout autour d’elle avec des étoiles dans les yeux. D’ailleurs, je constate que la plupart des filles sont dans cet espèce d’état béat, presque anesthésié. Comme si on les avait hypnotisées…

On dirait des zubronnes qui marchent docilement à l’abattoir, frissonné-je.

Les ældiennes nous conduisent dans une partie spacieuse, où se dresse une grande table de bois, entourée de gros coussins. La table déborde de denrées, de fruits et de rôtis qui ont tous l’air appétissants. Nur me place à côté d’elle, à l’extrémité de la table, où nous attend déjà Rani.

— Est-ce que l’ard-ælla va venir participer au repas ? demandé-je alors qu’on place une grande feuille lisse devant moi.

— L’ard-ælla ne vit pas avec nous, m’apprend Rani en déposant ce qui ressemble à un poisson grillé sur ma feuille. Elle reste toujours dans le nemed, le cœur et le temple du gîte, à interpréter la volonté des Premiers et écouter le Chant de la Création.

Une chamane, quoi. Normal.

— Vous êtes donc à la tête des femelles en son absence, observé-je en constatant que toutes les autres ældiennes, qui ont fini de servir les filles, attendent quelque geste de leur part.

— Nous sommes les favorites de l’ard-æl. Il nous parle plus qu’aux autres, alors les autres nous écoutent, répond Rani en croquant dans un genre de fruit.

Son geste donne le signal. Tout le monde se met à manger. Il n’y a pas de couverts : les ældiennes se servent de leurs longues griffes pour piquer et déchirer la nourriture. Je me lance à mon tour et goûte mon poisson, prudemment. Il est bon, et fond sous la langue.

— C’est délicieux, les complimenté-je.

Rani ne répond pas. Nur attrape une espèce de calebasse et s’apprête à me servir, mais Rani l’arrête.

— Elles n’ont pas encore été initiées dans notre clan. Elles n’ont donc pas le droit de boire le gwidth.

— Qu’est-ce que c’est ?

— La boisson sacrée de notre peuple. Mais comme tu n’es qu’une invitée, tu n’en goûteras pas, m’explique Rani.

Nur repose la calebasse et prend celle qui contient l’eau. Quelques fleurs et herbes flottent à la surface : elle est fraîche et sucrée, avec un goût assez unique.

— Nur, dis-je en me tournant vers l’humaine. Peux-tu me dire comment tu es arrivée ici ?

— J’ai été capturée par des pirates dorśari, répond-elle en déposant quelques fruits devant moi.

— Des pirates dorśari ?

— Des ældiens très cruels, qui vivent de raids et de rapines. Ils se nourrissent de douleur et de sang, et enlevaient les humains pour ça. Tu as dû entendre parler d’eux : le Haut Roi Tamyan, qui a signé la paix entre les humains et les ældiens, appartient à cette faction.

Les fameux stryges. Les seuls ældiens qui ne sont pas proposés comme compagnon possible par l’Agence.

— Mais le traité de paix stipule que…

— J’ai été enlevée bien avant, me coupe Nur. Je suis restée leur esclave longtemps… j’appartenais à un seigneur impitoyable, mais j’ai fini par obtenir quelques droits. C’est comme ça que j’ai fini par avoir cette apparence qui t’intrigue tant… les dorśari ont des goûts très particuliers.

Je la regarde rapidement. C’est vrai qu’elle ressemble à un genre de fée noire. Ce sont eux qui l’ont rendue comme ça… quel cauchemar cette pauvre fille a dû vivre !

— Et puis un jour, mon maître a perdu un pari, et il a dû me céder à un gladiateur orc d’Urdaban. Ce dernier m’a offert comme trophée au seigneur Azorth pour avoir le droit d’intégrer le clan, lorsqu’il a pris sa retraite. Et c’est ainsi que je suis devenue sa favorite.

— C’est terrible… murmuré-je. Si tu veux, on peut te faire revenir ! Il suffit que j’en parle à l’Agence et…

Nur secoue la tête.

— C’est impossible. Le monde que je connaissais n’existe plus. Et je suis heureuse ici, avec le seigneur Azorth. C’est un bon ard-æl. Il me traite bien.

— Mais… quel âge as-tu, si ce n’est pas trop indiscret ?

Nur plante ses yeux d’un noir abyssal dans les miens.

— J’ai plus de mille ans, m’annonce-t-elle. Je suis restée plusieurs centaines d’années au service du seigneur Ialiel, sans en connaître la durée précise… on perd la notion du temps, en vivant parmi les ældiens.

— Excuse-moi, mais… comment peux-tu être encore vivante ? m’exclamé-je. Tu ne portes aucune modification cybernétique !

— Si j’en avais eu, les ældiens ne m’aurait pas enlevée. Ils ne prennent que les humains non modifiés. C’est le luith, et le sang que me donnaient mes maîtres en récompense, qui a préservé mon corps physique et m’a donné cette longévité.

Le luith… le sang.

Les questions me brûlent les lèvres, mais une ældienne arrive à la porte de la salle et échange un coup d’œil avec Rani, qui se lève en battant dans ses mains.

— Tout le monde au lit, extinction des feux !

Nur se lève sans broncher. Je suis un peu étonnée, mais je vois que la plupart des filles dodelinent de la tête, et je me sens moi aussi très fatiguée.

Les ældiennes nous conduisent dans les maisons suspendues, les fameux khangg. Les filles poussent des cris en découvrant le raffinement et le confort de ces cabanes finement décorées, garnies de coussins moelleux et d’étoffes chatoyantes. J’aide Suri à s’installer dans le sien, puis je me tourne vers Nur, qui me regarde d’un air ennuyé.

— Je suis désolée, mais comme tu ne participes à la Chasse, tu n’as pas de khangg… c’est réservée aux femelles du clan.

Je hoche la tête.

— Je comprends. Ce n’est pas grave : j’ai mon monteur de tente. Tu me montres un petit coin tranquille ?

— Bien sûr. Ici, tu seras bien…

Les ældiennes qui viennent d’accompagner les filles se figent soudain, puis elles se prosternent d’un seul mouvement. Je tourne la tête dans la direction qu’elles regardaient.

Un ældien ailé apparaît alors dans la caverne. Il est aussi grand que Varhun, et comme lui, il porte des cornes longues et pointues. D’ailleurs, il lui ressemble terriblement, si ce n’est qu’au lieu d’avoir une chevelure noir-bleutée, la sienne est blanche, et ses yeux, au lieu d’être oranges, sont bleus. Il s’avance vers nous, et je m’aperçois alors qu’à l’exception d’une cape de fourrure blanche sur son dos, il est totalement nu.

Mon Dieu. Mon Dieu.

Le fameux double pénis est dressé contre son ventre musclé, tendu et raide de désir. Varhun avait raison : c’est plus gros encore que les appendices déjà monstrueux qu’on nous avait montré lors de la Journée Porte Ouvertes de l’Agence.

Dire que les candidates vont se faire pénétrer par ce machin-là. C’est physiquement impossible.

— Je croyais que les mâles n’avaient pas le droit de venir là ? demandé-je à Nur, la voix tremblante de panique.

— C’est le seigneur Azorth, notre ard-æl, chuchote Nur en réponse. À genoux, vite ! Et baisse la tête.

Mais je reste figée, incapable de bouger. L’ard-æl se plante devant nous. Ses yeux d’un bleu fluorescent plongent dans les miens.

Pourquoi il me regarde comme ça ? Je croise les bras, gênée. Au moins, je n’ai pas à regarder son double organe en érection…

— Nouvelle femelle, observe-t-il d’une voix grave et rauque.

Il parle le Commun… tant mieux. Je vais pouvoir lui expliquer.

— Euh… non. Je suis agent de liaison pour l’Agence, j’aide Varhun à assurer la sécurité des candidates… et d’ailleurs, je dois vous annoncer que nous avons eu un accident, et que par conséquent, la plupart veulent renoncer à leur projet d’épouser l’un des vôtres. C’est pour ça que nous sommes là.

L’ard-æl garde le silence. Il continue à me fixer, sans sourire.

— Je ne suis donc pas candidate à la Chasse… et la plupart des filles non plus…

Qu’il comprenne, et vite.

Mais Rani accourt vers nous. D’une claque plutôt brutale, elle me force à baisser la tête.

— Tais-toi, imprudente ! grogne-t-elle avant de s’incliner devant son chef.

Elle lui sort tout un discours à la vitesse de l’éclair. Je me tourne vers Nur, qui reste immobile, prostrée au sol.

— Que lui dit-elle ?

— Chut ! Reste silencieuse, et ne le regarde pas.

D’accord… Je fais ce qu’elle dit. Après tout, elle connait mieux leurs coutumes que moi.

Rani a fini son plaidoyer. Elle attend la réponse de l’ard-æl, qui l’a laissé parler sans l’interrompre.

Mais ce qu’il dit – dans ma langue ! – ferait presque tomber ma mâchoire par terre.

— À quatre pattes, dit-il en décrochant la cape de fourrure de son dos, qu’il jette par terre.

À qui il parle ?

Nur me le fait comprendre en crispant ses doigts griffus sur mon bras. Ce n’est pas moi, même s’il a parlé en Commun… pourquoi ?

Rani relève le visage, outrée. Elle proteste, son regard allant de l’ard-æl à nous.

— Mais… devant elle ? siffle-t-elle, la chevelure hérissée.

— Obéis, Rani.

L’ard-æl n’a pas haussé le ton. Pas besoin. Il dégage une telle autorité que je le ressens jusque dans mes os. Mes bras posés sur le sol tremblent comme des feuilles.

Rani soupire.

— Tout de suite, ard-æl.

Et elle se couche sur la fourrure à plat ventre, face à lui. Les fesses offertes à son mâle, dans une position particulièrement explicite. Sa longue queue fine se place sur le côté, comme celle d’une chatte en chaleur.

C’est pas vrai… ils vont faire ça ici, devant nous !

J’essaie de tourner la tête. Mais Nur referme sa main sur mon avant-bras, très fermement. Elle veut que je regarde…

L’ard-æl empoigne Rani par ses cheveux tressés, puis braque son regard glacial sur le mien.

— Tu regardes. Tu apprends.

— Mais je…

Nur plaque sa paume forte et froide sur ma bouche.

— On ne contredit jamais les ordres de l’ard-æl, souffle-t-elle.

De sa main libre, ce dernier défait le lien qui retient le pagne accroché à la taille de Rani. Puis il saisit son organe veineux… et l’enfonce entre les fesses de l’ældienne, sans autre forme de procès. Doublement empalée, cette dernière pousse un long gémissement.

Mortifiée, je ne parviens pas à éloigner mes yeux de la scène. Azorth la besogne lentement, une main sur sa hanche, sans cesser de me regarder. Le silence n’est troublé que par son souffle rauque, le bruit mouillé que fait sa double verge en allant et venant dans les orifices de la femelle, et les geignements qu’elle pousse.

Les soupirs de Rani se muent en cris de plaisir. Visiblement, elle ressent quelque chose d’indescriptible… la fière ældienne a perdu toute retenue. Elle finit par se libérer de la poigne de son mâle en grognant et vient se coller à lui, cognant frénétiquement son bassin contre celui d’Azorth. Ce dernier grogne et accélère le rythme, enfonçant ses griffes dans ses fesses. Du coin de l’œil, je discerne quelques ældiennes qui assistent à la scène, certaines en se caressant les seins et l’entrejambe, sans honte aucune. L’une d’elles s’approche et vient donner un coup de langue à l’ard-æl, mais elle repoussée par un feulement de Rani.

C’est dingue. Ils n’ont aucune retenue, aucun tabou.

Azorth finit par rompre le contact visuel avec moi. Rani, et plusieurs autres femelles, lui grimpent dessus.

— Viens, murmure Nur en tirant doucement mon bras. Je vais te montrer le coin où tu pourras dormir.

Je la suis en silence, jetant un dernier coup d’œil à la scène d’orgie derrière moi. Je sais déjà que je ne pourrais pas dormir de la nuit.

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