Chp 12 : Kristie

15 minutes de lecture

Un pépiement me fait ouvrir les yeux. Le temps de me souvenir où je me trouve, et de tout ce qui s’est passé hier…

Merde.

Je suis dans leur camp. Et hier, j’ai rencontré leur chef, qui s’est fait plaisir avec l’une de ses femmes juste devant moi. J’ai encore la vision de cette scène imprimée dans ma rétine… je m’empresse de la chasser et secoue la tête.

Allez. Il faut que tu sois opérationnelle, Kris. Pour sortir ces filles d’ici. Tu peux pas les laisser à la merci de ces barbares à double-bite.

Je dézippe ma tente, le corps aussi lourd que si je revenais d’une mission sans dormir. C’est un peu le cas. On peut dire que les choses sont bien parties en vrille, ces dernières 72h. Le crash, puis la longue marche dans la jungle, la poursuite avec des bêtes sauvages… et cette première nuit chez les ældiens, où je n’ai pas pu fermer l’œil. Ce que j’ai vu hier m’a tenue bien éveillée. Ma première impulsion était d’aller trouver Varhun pour lui demander des explications – et l’assurance qu’on allait bien pouvoir rentrer à la base -, mais j’ai eu trop peur de sortir, comme une bleue qui refuse d’aller au feu. L’ard-æl est en effet revenu, et il a pris ses femelles les unes après les autres… à savoir une bonne dizaine d’ældiennes. Je l’ai même entendu se planter devant ma tente, après avoir fini ses petites affaires. Il est resté là un moment interminable, alors que je suspendais mon souffle, la main sur mon couteau tactique (la seule arme qu’il me reste), puis il est reparti.

Mais Suri, elle, ne s’est rendu compte de rien. Elle sort de sa maisonnette comme une fleur, le teint frais et la mine reposée.

— Qu’est-ce que j’ai bien dormi ! Ces lits sont vraiment confortables. Mais… tu as dormi dans une tente ?

— J’ai pas le droit au khangg. C’est réservé aux candidates.

Dont tu ne feras bientôt plus partie.

Suri n’a aucune idée de ce que dans quoi elle s’embarque. Elle n’a pas vu cet énorme mâle ailé défoncer Rani avec ses deux queues massives, un traitement auquel elle aura droit si elle participe à cette Chasse Sauvage. Pour elle, toute cette petite aventure est une croisière distrayante, qui la tire de son morne quotidien.

— C’est pas juste, souffle-t-elle, quand on voit tout ce que tu fais pour nous… !

— Ces ældiens ne nous doivent rien, dis-je durement. Et je suis bien payée.

Peut-être pas assez pour toute cette merde, cela dit.

— Mais quand même… tu pourrais en toucher un mot à Varhun ?

Varhun. Le seul ældien à qui on peut avoir plus ou moins confiance ici. Le seul un tant soit peu civilisé. Malheureusement…

— Ce n’est pas lui qui décide, asséné-je. Ce n’est qu’un soldat, comme moi.

— Leur chef, alors, insiste Suri, comment il s’appelle déjà… l’ard-æl ?

Je doute que ce sauvage bas de plafond aie autre chose en tête que des tueries et des orgies.

Mais il parle le Commun, cela dit. Je pourrais peut-être essayer de le convaincre…

En voyant ma tête, Suri détourne la sienne.

— Ça n’a pas l’air d’aller, cousine… commence-t-elle.

Je lui attrape subitement les deux mains.

— Promets-moi que quoi qu’il arrive, tu fuiras cet ard-æl ! Et tous les autres mâles ældiens, d’ailleurs. Je t’assure, ce n’est pas le bon plan que tu crois que c’est !

— Aie, tu me fais mal ! proteste-t-elle. Qu’est-ce qui te prend, tout d’un coup ?

Lira arrive à ce moment-là.

— L’ard-æl, c’est le plus fort du groupe, non ? Le plus musclé, le plus puissant sexuellement… le mâle alpha, quoi. Dans le guide, ils expliquent que le pénis d’un ældien double de volume quand il devient chef… Quand on voit Varhun, on se dit que cet ard-æl doit être particulièrement imposant !

Je lève les yeux au ciel, pour cacher mon agacement. Cette Lira… elle a l’air parfaitement remise, en tout cas.

— Je l’ai vu hier. C’est une brute bovine, qui a attrapé Rani par les cheveux, l’a jeté sur une fourrure et s’est enfilé dix femelles à la suite sous mes yeux. Je vous conseille de l’éviter.

— Oh ! Raconte !

Un groupe de candidates, qui jusqu’ici suivaient la conversation de loin, se rapprochent comme une nuée d’oiseaux.

— Quand est-ce qu’ils vont enfin s’occuper de nous ? Et quand va avoir lieu la Chasse Sauvage ?

Par le Saint Sauveur de l’Univers. Elles sont toutes atteintes.

C’est le luith. C’est sûr. Cette substance blanche que Varhun m’a montré dans la jungle… et que j’ai vu couler à flots hier soir.

— On doit d’abord trouver un moyen de rejoindre la base, grogné-je. Vous devez suivre votre formation là-bas ! Ensuite, seulement, on parlera de participer ou non à ce rite.

— Vous la suivrez ici, votre formation, coupe la voix grave d’une ældienne.

L’ard-ælla. Elle est là, parmi nous, nous dominant toutes de sa grande taille.

— Désolée, mais c’est impossible… tenté-je. Il y a un protocole strict à suivre.

La matriarche du clan se rapproche, ses yeux félins fixés sur les miens.

— Nous les formerons directement ici. Ce sera mieux. De toute façon, nous n’avons plus le temps. La base humaine est trop loin. Le temps que nous vous ramenions là-bas, ce sera déjà la Lune Rouge. Et la jungle sera dangereuse, particulièrement pour vous. Nos mâles ne sont pas les seuls à subir le rut pendant cette période : il y a aussi tous ceux des autres clans.

— Les autres clans ? Sont-ils proches d’ici ?

— Le plus proche se trouve à deux jours de marche, répond l’ard-ælla. Une en volant, mais seuls Azorth et Varhun en sont capables.

— Varhun… je dois lui parler, exigé-je.

L’ældienne me fixe comme si elle voulait lire en moi. Ses yeux ressemblent à deux billes de verre.

— Il est dehors, finit-elle par m’indiquer. Tu peux le rejoindre, si tu veux. Pendant ce temps-là, les filles vont préparer le repas avec Rani et les autres femelles. Ce sera leur première leçon.

Préparer le petit-déjeuner des mâles. Passionnant programme, dont je suis, Dieu merci, exemptée. Je ne m’attarde pas.


*


Je trouve notre guide dehors, accroupi sur une pierre, en train de tailler un long bâton blanc avec une dague en quartz. Ses muscles roulent sous sa peau mate, et je contemple en silence ses tatouages aux symboles mystérieux, les longues mèches noires rabattues derrière ses oreilles pointues et ses grandes ailes repliées. Il relève un regard rapide sur moi. À la lumière du soleil, je me rends compte que ses yeux sont en fait aussi bleus que ceux de son frère. Ils s’attardent un moment, scannant ma silhouette de haut en bas.

Il doit me trouver ridicule dans ces frusques de Jane et Tarzan.

— Ma combi est fichue, m’excusé-je en tirant sur le pagne en cuir qui cache difficilement mon aine et le haut de mes cuisses. Qu’est-ce que tu fais ?

Varhun rompt le contact visuel. Il plie le bâton à la force des bras, une fois, deux fois, comme pour tester sa résistance.

— Je te fabrique une nouvelle arme. Je suis allé récupérer l’ancienne, mais…

Je suis la direction de son regard. Mon bolter repose sur un linge tressé, à la droite de Varhun.

— Tu l’as retrouvé ! murmuré-je en m’en saisissant.

Ça, c’est la bonne nouvelle de la journée. Varhun déplie sa haute silhouette, son ombre immense recouvrant immédiatement la mienne.

— Je suis pas un spécialiste de l’armement humain, mais je crois que l’eau a complètement bousillé le système. Je l’ai séché et j’ai essayé de le réparer, sauf qu’on n’a pas les pièces, ici…

Sans répondre, je décoche la sécurité. L’arme ne se charge pas.

— On aura les pièces, et même un nouveau, à la base humaine, réponds-je en reposant le bolter sur le tissu.

Varhun me dévisage gravement.

— Le Conseil s’est réuni hier. Il a été décidé que vous deviez rester ici jusqu’à la Lune Rouge, et l’attribution des femelles aux chasseurs par la Chasse Sauvage.

L’attribution. Comme une distribution de cadeaux, en somme. Est-ce que l’Agence sait comment les ældiens considèrent ce programme ? Ce qu’ils en pensent vraiment ?

Ils nous prennent pour des bouts de viande.

— Qui a décidé ça ? demandé-je en relevant les yeux sur lui.

— Mon frère, Azorth. L’ard-æl.

Son frère. Cette brute est son putain de frère.

— Ah, oui. Ton frère. Je l’ai vu hier, justement.

Varhun change immédiatement d’attitude.

— Quoi ? Il t’a parlé ? Il ne t’a pas touchée, j’espère !

Ses ailes se sont déployées, et j’ai un mouvement de recul instinctif, tant il parait menaçant, tout de suite. Ses yeux crépitent littéralement. Et ses crocs ont glissé sur sa lèvre inférieure, comme hier, lorsqu’il est intervenu pour me tirer des griffes de Draynak et de ses sbires.

— Il ne m’a rien fait, dis-je pour le calmer. Il m’a juste forcé à… regarder.

Mais cela ne fait qu’augmenter la colère de Varhun.

— Regarder quoi ? gronde-t-il en abattant ses grandes mains sur mes épaules.

En voyant ma tête, il les retire aussitôt. Mais j’ai bien senti le courant électrique, la tension.

— Il voulait que j’« apprenne » en observant son coït avec Rani… heureusement, je n’ai eu droit qu’au premier round.

— Par les couilles d’airain de Naeheicnë, grince Varhun entre ses dents serrées. Il a osé !

Je hausse les épaules.

— Au moins, je sais à quoi m’en tenir, maintenant. Comme avec toi quand tu m’as montré ce qu’était le luith…

Varhun me jette un regard alarmé. Sûrement à cause de la couleur écarlate de mes joues.

— Ce n’était pas pareil. Mon intention n’était pas de…

— Je sais pourquoi tu as fait ça, et tu avais raison, le coupé-je avant qu’il ne s’enfonce. Je ne suis pas faite pour cette planète, ce mode de vie. Et la plupart des filles non plus. C’est ce que je suis venue te dire… je voudrais que tu m’aides à les sortir de là. Elles ne se rendent pas compte de ce qu’elles font !

Le regard de Varhun est devenu grave.

— Je t’aiderai : j’ai engagé ma parole. Mais les choses se sont complexifiées, Kristie. Les candidates – toutes, y compris ta cousine Suri -, ont été exposées au luith. Tu n’as pas eu le temps d’être briefée sur ses propriétés, mais l’une d’elle est son caractère addictif…

Génial. Du sperme alien qui rend accro. Comme si on n’était pas déjà dans la merde.

— Il a également le pouvoir de déclencher les chaleurs chez les femelles, ajoute Varhun.

— Les humaines ne connaissent pas les chaleurs ! protesté-je.

— Vous avez un cycle, très court, de 28 jours. Le luith le ralentit considérablement, et le synchronise sur celui des mâles. La plupart des candidates ovuleront pendant la Lune Rouge, et elles deviendront aussi incontrôlables que les chasseurs qui les poursuivront… elles s’offriront à eux de leur plein gré, et rien de ce qu’on pourra faire, toi et moi, pourra empêcher ça.

Un genre d’hypnose collective, de soumission chimique. C’est pire que ce que je croyais.

— Merde. C’est pour ça qu’on a besoin de l’aide de la base !

— Elles refuseront de te suivre, m’apprend Varhun gravement.

Il a raison. Le discours que m’a tenu Suri depuis qu’on est arrivées ici… elle a radicalement changé d’avis. C’est depuis qu’elle a humé l’un de ces mâles, en étant portée sur son épaule… ils savaient parfaitement ce qu’ils faisaient !

— Tu connais un moyen de les désintoxiquer de ce luith ?

— Non. Si on les éloigne de la source, elles finiront par se désensibiliser, mais au prix de beaucoup de souffrances. Or, ces femmes ont demandé à venir ici… elles voulaient épouser un mâle ældien. Pourquoi leur refuser ce pourquoi elles ont payé et signé ?

— Parce que la situation a changé, Varhun ! lui rappelé-je, agacée. On s’est crashés, tu te souviens ?

— Cela n’invalide en aucun cas le programme. Aucune d’elle n’a été sérieusement blessée, et elles veulent toutes rester. Elles l’ont dit à Rani, qui l’a rapporté au Conseil.

Putain. L’information circule vite, ici.

— Rani. Bien sûr ! Elle est à la solde de l’ard-æl… !

— Ce n’est pas de l’intérêt de Rani de voir toutes ces concurrentes débarquer, m’apprend Varhun en croisant les bras sur ses pectoraux imposants. Elle était contre, d’ailleurs… mais elle est incapable de mentir, comme tous les nôtres.

J’ai déjà entendu cette légende. Les ældiens sont, parait-il, incapables de mentir. Comme les IA, ils disent toujours la vérité. Mais je n’arrive pas à me rendre aux arguments pourtant indubitablement imparables de Varhun. Je ne peux pas… je ne veux pas rester ici. Ce serait trop… dangereux.

— Quoi qu’il en soit, les filles doivent suivre une formation adéquate ! Elles ne pourront pas survivre ici sans aide.

— Avec l’aide du clan, elles le pourront. Et la formation dispensées par nos femelles sera forcément meilleure que celle de l’Agence… vous savez peu de choses sur nous, finalement, dit-il avec une légère nuance de reproche dans la voix.

C’est clair. Toutes ces nanas – moi y compris – se sont jetées dans le grand bain sans réfléchir, juste parce qu’on leur a fait miroiter des mâles musclés, une vie plus longue et un plaisir sexuel inégalé. Sans jamais penser aux conséquences, pas une seule fois.

Ou alors… elles y ont pensé, justement, et c’est juste moi qui débarque complètement.

— D’accord ! m’écrié-je en laissant mes bras retomber le long de mon corps. En tout cas, moi, il est hors de question que je reste. Et j’emmène ma cousine avec moi.

— Je te le répète : je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour te permettre de rejoindre les humains. Mais si ta cousine veut rester… je ne la forcerais pas.

Abandonner Suri sur cette planète… que vais-je dire à sa mère ?

— Je vais rester, cédé-je. Au moins jusqu’à la Lune Rouge, pour vérifier que tout va bien, et qu’elle est bien ici de son plein gré. Tu es avec moi, sur ce coup ?

Varhun hoche la tête. La façon dont il me regarde… j’ai l’impression qu’il me cache quelque chose.

— Le Conseil a pris une autre décision, hier, m’annonce-t-il alors. L’ard-æl veut que tu participes à la Chasse, en qualité de candidate.

J’ai l’impression qu’on vient de me mettre un coup de massue sur la tête. Je ne sens plus mes jambes. Mais la colère prend bientôt le dessus sur ma panique.

Quoi ?

— Ne t’en fais pas, se hâte de me dire Varhun. Je vais participer, moi aussi… pour te protéger. Aucun mâle de t’approchera, sois-en certaine. On se cachera le temps que ça passe : je connais un bon endroit.

J’écoute à peine ce qu’il me dit. La même image tourne en boucle dans ma tête.

Putain. Ils veulent que je courre dans la jungle à moitié nue, poursuivie par des hordes de chasseurs en rut ?

— Où est ton frère ? sifflé-je froidement. Je dois lui parler. Tout de suite !

Varhun fronce son beau visage.

— Mauvaise idée. L’ard-æl est habitué à être obéi… et résister à ses ordres ne fera que renforcer sa résolution. Fais-moi confiance, plutôt.

J’ignore les conseils de Varhun. Je me précipite vers la grotte. Il tente de m’en empêcher, mais il est alpagué par un chasseur juste à ce moment-là. Du coin de l’œil, je le vois s’en débarrasser en grognant, et se précipiter sur mes talons. J’accélère et m’engouffre dans l’escalier.

Non mais pour qui se prennent-ils ?

La veille, j’ai vu les mâles se diriger vers le côté droit de l’escalier, alors que nous allions vers la gauche. C’est donc ce côté-là que je prends.

— Tu n’as pas le droit d’aller là ! rugit Varhun dans mon dos. C’est la caverne des mâles ! Aucune femelle ne doit…

Je l’ignore et accélère. J’ai toujours été une bonne sprinteuse. Qu’il me courre après si ça lui chante, mais aucune de leurs règles rétrogrades ne m’empêchera de dire à cet ard-æl ce que je pense de lui et de ses ordres à la con !

Je débarque dans une salle immense, ornée de fourrures, de boucliers, de lances et autres attirails guerriers sur les murs. Un énorme crâne d’animal à longues dents est suspendu du plafond en plein milieu, incrusté dans un espèce d’enchevêtrement de racines, sous lequel trône l’ard-æl, les jambes bien écartées, ses chasseurs réunis autour de lui. En me voyant, il esquisse un sourire, mais les bras puissants de Varhun me ceinturent juste à ce moment-là.

— Lâche-moi ! protesté-je en me débattant. Je dois parler à votre putain de chef tribal.

— Arrête tes conneries, souffle Varhun dans mon oreille. Ton insubordination va l’exciter encore plus !

L’exciter ? Comment ça ?

Je n’ai pas le temps d’en demander plus. Azorth a fait un signe à ses guerriers, et ils saisissent Varhun par le bras, me permettant de me libérer. Ce dernier se dégage d’un coup d’épaule, mais il ne cherche plus à me retenir.

— Laisse là, Rhun, ordonne alors Azorth d’une voix amusée. C’est donc comme ça que tu traites les femelles ?

Varhun abdique en grognant. Tous les chasseurs autour du trône se tournent vers moi, et me regardent de leurs yeux brûlants, affamés. Je m’avance vers leur chef en tentant d’ignorer leurs hautes et impressionnantes silhouettes, qui forme comme une haie d’honneur.

— Il est hors de question que je participe à votre rituel d’union, annoncé-je tout de go. Cela ne fait pas partie de mes attributions ! Je ne suis pas candidate.

— Entrer dans notre forêt sans permission ne faisait pas non plus partie de tes attributions, réplique l’ard-æl. Nos territoires sont inviolables, et seules les candidates, futures membres du clan, ont le droit d’y pénétrer. Tu devais rester à la base humaine.

La surprise de sa réplique me coupe le souffle. Je n’avais pas pensé à ça. Mais effectivement, les humains ne sont pas tolérés sur Vorak. Seulement les candidates.

— On s’est crashés… on n’avait pas le choix ! protesté-je.

— Il fallait rester près de l’épave et attendre les secours des tiens. Ils seraient venus te récupérer du ciel.

Je me tourne vers Varhun, qui s’est rapproché. Il fixe son frère d’un air contrarié.

— Deux filles étaient blessées, il fallait agir vite. Je ne pouvais pas laisser Kristie seule dans la jungle ! Je l’ai amenée ici dans l’idée de demander l’hospitalité du clan… commence-t-il.

— Ce n’était pas à toi de prendre cette décision sans en référer au Conseil, le coupe son frère. Cette femelle humaine a donc violé l’interdit, et elle se retrouve errante dans notre forêt, tombant sous le coup de nos lois. Par conséquent, n’importe quel mâle est libre de la revendiquer, à tout moment.

— Non ! s’écrie Varhun. Kristie n’est pas une proie. Elle a droit à mieux !

— Alors accepte de faire les choses dans les règles. Soit elle participe au rite d’union – et je ferai d’elle ma concubine officielle, ce qui lui donnera un statut -, soit je la prends ici même et je laisse les chasseurs s’entraîner sur elle avant la Lune Rouge. C’est compris ?

Une sueur glacée me coule dans le dos. Ils oseraient faire ça ? En dépit de tous les accords signés ?

Oui, et on t’a mis en garde contre ça. Les ældiens sont des prédateurs esclavagistes avec qui on vient tout juste de faire la paix, et tu as éveillé l’instinct de prédation de ce mâle. Tout ce qu’il ne fallait pas faire.

Varhun, qui s’est placé derrière moi, à quelques centimètres à peine, gronde quelque chose dans sa langue. Autour de lui, le cercle des chasseurs se rapproche. Un bruit métallique m’indique qu’il a dégainé l’espèce de machette courbe dans son dos.

Le sens de l’honneur des guerriers ældiens. Encore une des qualités qu’on leur prête… Varhun se croit obligé de me protéger, envers et contre tout. Si je ne trouve pas une parade, il va se faire massacrer. Pour rien. Alors qu’à deux… on a une chance de se tirer de ce piège. Il faut juste que je prenne sur moi, et que j’utilise leurs foutues règles contre eux. C’est rien que de la stratégie. Je peux le faire. Ravaler ma fierté et le faire.

— D’accord ! hurlé-je alors. Je vais participer.

L’ard-æl sourit. Il fait un geste, et tous ses guerriers reculent.

— Enfin une parole raisonnable. Ta participation est acceptée, Kristie Meyers, et en attendant ton entrée officielle dans le clan en tant que concubine de l’un de nos chasseurs – ce sera moi, selon toute vraisemblance, mais nos lois doivent laisser Amarrigan décider -, tu vas suivre la formation avec les autres. Varhun, toi qui te poses en si bon défenseur de cette humaine, escorte-là à la caverne des femelles, qu’elle apprenne à cuisiner comme une véritable ældienne. Allez.

Une colère sans nom coule dans mes veines, menaçant d’exploser à tout moment. On m’a toujours dit que j’avais un caractère de merde… ça m’a d’ailleurs posé des soucis dans l’armée. Mais dans la légion, il n’y a ni homme, ni femme : que des numéros, des soldats. Ici… on me traite comme une femelle soumise, tout juste bonne à faire la bouffe et à écarter les cuisses pour les mâles.

Jamais. Jamais je ne me mettrai à quatre pattes sur une fourrure en tendant mon cul comme l’a fait Rani hier… plutôt mourir ! Et cet ard-æl de mes deux perdra ses deux bites.

Annotations

Vous aimez lire Maxence Sardane ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0