Chp 16 : Kristie

8 minutes de lecture

Du coin de l’œil, j’aperçois la haute silhouette de Varhun suivre Rani dans un couloir, à l’écart de la fête. Ils s’éclipsent tous les deux… pourquoi ?

J’ignore la pointe bizarre qui vient de naître dans mon cœur. Rhun est quelqu’un de bien, pour un ældien. Et je n’ai pas à me mêler de ses allées et venues, tant qu’elles ne concernent pas mon projet de fuite. Il a promis qu’il m’aiderait, et j’ai confiance en lui. Les ældiens ne mentent pas.

Nur a cessé de couper la viande. L’ard-ælla s’approche d’elle, et lui parle rapidement dans leur langue. Puis elle s’éloigne, dans un cliquetis de nattes, d’os et de plumes.

— Je dois te laisser, m’annonce Nur en essuyant, puis rengainant son couteau dans sa ceinture. L’ard-ælla m’attend au nemed.

— Le nemed ? Il va y avoir un nouveau Conseil ?

Nur secoue la tête.

— Non. Elle a besoin que je lise les rêves.

Les rêves… Nur est donc une sorte d’oracle. Encore une nouvelle chose que j’apprends sur cette fille mystérieuse, et décidement pleine de surprises.

— Va servir ce plat de viande au seigneur Azorth, m’ordonne Nur sans me regarder. Il attend.

Allez servir ce rustre… ! Mais je n’ai pas le choix. Rani n’est pas là, et Nur doit partir. C’est donc à moi que revient cette lourde tâche.

L’ard-æl est toujours assis sur son trône, dans une attitude aussi virile et conquérante qu’un voyou de spatioport. Ces types-là ne m’ont jamais impressionné. Que le caïd local soit un alien ne m’impressionne pas non plus.

Ses guerriers se taisent en me voyant approcher. À cause de ces masques effrayants et bestiaux qu’ils portent tous, il est impossible de bien lire leurs visages, mais je peux voir leurs bouches, que le masque ne couvre pas, et la façon dont certains passent la langue sur leurs crocs pointus. Ils s’écartent, cela dit. Et je me retrouve seule devant leur chef, qui me regarde avec une expression indéchiffrable, le menton reposant sur son poing.

— Seigneur Azorth, dis-je en présentant le plateau. Voulez-vous un peu de viande ?

Les chasseurs tournent leurs faciès féral vers leur maître, qui continue de me fixer en silence.

— De la viande ? Oui, j’en veux… présente la moi.

Je lève un peu plus le plateau vers lui. Mais soudain, Azorth attrape mon poignet dans sa main immense, et me tire vers lui, tout en attrapant le plateau de l’autre. Un bref ordre au chasseur à sa droite, et la plat disparait dans les bras de ce dernier.

— Donne-moi de la viande, ordonne Azorth d’une voix rauque. Avec les doigts.

Je saisis un morceau sanguinolent entre le pouce et l’index. C’est de la viande crue, car c’est ainsi que les ældiens la préfèrent. Je tends lentement la main devant l’ard-æl, m’attendant à ce qu’il récupère le morceau lui-même.

Mais il n’en fait rien. À la place, il ouvre sa bouche aux redoutables canines, et la referme doucement sur mes doigts, les suçant au passage.

— Douce et chaude, commente-t-il avec un sourire. Comme je me l’imaginais.

Je baisse la tête, mortifiée. Est-ce qu’il parle de mes doigts, ou de la viande ?

— Il paraît que c’est toi qui a tué ce klythorax… avec l’aide de mon frère.

— Oui, ard-æl, réponds-je en utilisant la formule consacrée, que Nur m’a conseillée d’employer à tout moment lorsque je m’adresse à lui.

Il hoche la tête, satisfait.

— C’est bien. J’aime que mes concubines aient quelque chose de spécial, de plus que les autres. Les plus beaux trophées doivent revenir au dominant, c’est ainsi.

Mais quel connard. Il me prend pour un trophée, un objet !

— Je ne suis pas votre… concubine, seigneur Azorth, lui rappelé-je.

Combien de fois vais-je devoir lui répéter ça, le temps que ça rentre dans sa tête dure ?

— Pour l’instant, non. Tu es encore en formation. Comment as-tu trouvé mon luith ? J’ai pensé à toi en le préparant pour mes femelles, hier soir.

En le préparant… Oh. En se masturbant, il veut dire.

Berk.

— Je ne l’ai pas utilisé, seigneur Azorth.

— Pourquoi ? Tu en as besoin, pour être capable d’accueillir ma verge à la prochaine lune. Je ne suis pas particulièrement doux lors des cérémonies d’initiation, et ne fais aucun traitement de faveur aux humaines. Vous serez prises comme une ældienne, et toi plus longtemps que les autres.

Je serre les dents, tentant de contenir mon envie pressante de lui cracher à la gueule. Mais je sais qu’il me provoque.

— Qu’est-ce qu’il y a, petite femelle ? dit-il d’ailleurs avec un mauvais sourire. Tu comptes me résister ?

— Eh bien… à vrai dire, oui, lâché-je.

Il est au courant, comme ça.

J’espère que ça va le repousser, mais… Son rire grave retentit.

— Je vois… ça me plaît.

Il marque une pause. Puis ordonne, la voix grave et autoritaire :

— À genoux, femelle.

Quoi ?

Je plisse les yeux, tentant de lire son expression. Et soudain, sans que j’ai eu le temps de le voir bouger, il m’attrape par les cheveux, et me plaque contre sa cuisse dure.

— Obéis, quand je te donne un ordre, gronde-t-il.

Cette fois, sa voix est rauque, menaçante et gutturale. Il ne plaisante plus.

Nur, qui est revenue, se précipite à ses pieds. Elle se met à débiter quelque chose à toute vitesse, et je comprends, malgré ma méconnaissance de la langue ældienne, qu’elle essaie de plaider ma cause. Mais l’ard-æl l’interrompt violemment.

— NON. J’entends que mes femelles m’obéissent. Surtout elle.

Il parle en Commun. Pour être sûr que je comprenne. Sa prise se fait plus forte, et il pousse mon visage encore plus près de son entrejambe. Je peux voir qu’il bande… lorsqu’il empoigne sa verge de sa main libre à travers le cuir qui le recouvre, j’attrape son poignet avec mes deux mains et tente de lui faire relâcher la pression, en vain. Qu’est-ce qu’il compte faire, putain ? Me forcer à le sucer, là, devant tout le monde ?

Du coin de l’œil, j’aperçois Suri, l’expression dévastée par l’angoisse, qui tente de se frayer un chemin vers moi. Mais un ældien massif l’attrape et la saisit dans ses bras, l’empêchant de se jeter sur l’ard-æl.

Azorth se penche légèrement, et grogne à mon intention :

— Ton rôle, comme celui de toutes les femelles, est d’être remplie toute les nuits par ton mâle, et c’est ton devoir d’écarter les cuisses devant ton ard-æl lorsqu’il te fait l’honneur de te solliciter.

— Plutôt crever ! répliqué-je, les deux mains sur sa main.

Je m’attends à un rire méprisant. Mais c’est un grondement rauque qui me répond… et cette fois, il ne sort pas de la gorge de cet enfoiré d’Azorth.

Varhun. Il est là, debout, figé devant nous, les muscles bandés et les poings serrés.

— Lâche-là, Azorth ! rugit-il, l’ambre de ses iris étincelant d’une inquiétante lueur rouge.

Son salaud de frère lève un sourcil.

— Et c’est toi qui va me la faire lâcher, peut-être ? réplique-t-il en Commun.

Rhun fait un pas en avant. Les guerriers d’Azorth lui barrent immédiatement la route… avant de s’écarter. Quelque chose, dans le regard incandescent du Premier Chasseur, les a dissuadés de l’attaquer.

La poigne d’Azorth se relâche autour de mes cheveux. Je tombe à ses pieds. Je me dépêche de filer hors de sa portée, réceptionnée par Nur qui me fait disparaître dans un groupe de femelles ældiennes. Je me sens soudain honteuse de montrer à Rhun une image de moi aussi pathétique. Je n’ai pas été capable de me défendre… peut-être qu’à ses yeux, je n’ai même pas essayé.

Mais Azorth a cédé.

— C’est bon, mon frère, dit-il. Ne t’échauffe pas pour une femelle… je voulais juste lui apprendre à prendre en bouche un mâle ædhel. Une leçon qu’elle devra apprendre, tôt ou tard.

— C’est un agent de liaison des humains, grogne Varhun. Personne ne doit la toucher ! Et celui qui rompra le pacte devra m’affronter. Même toi, Azorth !

Ces yeux d’ambre… ils expriment encore plus de férocité que d’habitude, si c’est possible.

Un sourire amusé se dessine sur le visage de l’ard-æl.

— Oh ! Un défi, petit frère ?

— Non. Tant que tu ne la toucheras pas, je ne remettrai pas en question ton pouvoir, réplique Varhun.

Mais son ton exsude une menace nouvelle. D’ailleurs, tous les membres de son clan le fixent avec un mélange de stupeur horrifiée et d’admiration, comme on le ferait de quelqu’un qui s’apprête à commettre un acte vraiment dangereux. Les yeux féroces des ældiens ne cessent d’aller d’un frère à l’autre avec une curiosité avide.

Ils s’y attendent, réalisé-je. Ils savent que ce n’est qu’une question de temps avant que cet affrontement fatidique n’arrive.

— Bien sûr que je vais la toucher, réponds alors Azorth avec son mauvais sourire. Je vais la prendre très fort, sans répit, toute la nuit. Et tu vas regarder.

Azorth baisse son sens de gravité, et se plante sur ses appuis. C’est la posture d’un fauve qui s’apprête à attaquer.

— Tu comptes faire ça ce soir ? demande-t-il, la voix râpeuse.

— Le soir de la Chasse. Qu’on ne dise pas que je ne respecte pas les règles ! s’exclame Azorth en ouvrant les bras avec emphase.

— Très bien. C’est donc ce soir-là que je te tuerai, crache Varhun. Tu l’as, ton défi.

Merde. Il l’a menacé… ça y est.

À cause de moi.

Varhun tourne ostensiblement le dos à son frère, et quitte la caverne, non sans avoir donné un coup d’épaule à un chasseur qui ne se poussait assez vite de son chemin.

Les mains froides de Nur se referment sur mes épaules.

— Viens, souffle-t-elle. Ne reste pas là.

Elle me pousse discrètement vers un couloir, alors que les mâles se mettent à débattre bruyamment dans leur langue. L’ambiance semble s’échauffer… je jette un coup d’œil inquiet à Suri, toujours coincée dans les bras du grand mâle musclé.

— Ne t’inquiète pas, me murmure rapidement Nur. Elle ne risque rien. Khorn veille sur elle. Il l’a choisie comme as-ellyn, et comme Varhun, il mourra plutôt que de laisser le seigneur Azorth la toucher. Et Rani a pris la situation en main.

J’aperçois alors la fière ældienne. Elle est entièrement nue, et se dirige d’un pas langoureux vers le tyran, sa queue fine dessinant des arabesques sensuelles derrière elle. Ce monstre d’Azorth grogne et se débarrasse du morceau de cuir qui cachait son désir d’un geste impatient, dévoilant sa massive double-érection. Rani s’agenouille alors à ses pieds, et referme voluptueusement ses lèvres sur l’une des deux monstruosités. Pour la première fois, j’ai pitié d’elle.

Je dois absolument trouver un moyen de contacter la base. Le plan de Varhun est solide, certes… mais je ne peux pas abandonner les filles à cette brute d’Azorth. Ni prendre le risque que Rhun soit tué. Après tout, il travaille pour l’Agence…. Il doit y avoir un moyen de l’exfiltrer, lui aussi.

Annotations

Vous aimez lire Maxence Sardane ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0