Chp 17 : Varhun
Je suis obligé de quitter la caverne pour me calmer et faire redescendre la pression. Une seconde de plus, et je me jetais sur Azorth pour le tuer sur place.
L’enfoiré. Il s’apprêtait à forcer une femelle… pire, à forcer une alliée, avec qui nous avions conclu un pacte, et qui n’est pas là pour la reproduction.
Je m’arrête dans un couloir pour reprendre mon souffle, et forcer mes griffes et des crocs à reprendre leur taille normale. Ma peau s’est durcie, comme avant un combat. J’étais prêt à le tuer… pour Kristie.
Elle va nous mépriser encore plus, maintenant. Déjà qu’elle nous prenait pour des brutes primaires !
D’ordinaire, je me fiche de ce que les humains pensent de nous. Azorth dit qu’ils sont faibles, insignifiants : de la viande, destinée à notre consommation et notre plaisir. Mais ils peuvent sauver notre peuple, maintenant que la plupart de nos femelles ont perdu leur capacité à enfanter. Et ce qu’Azorth ne réalise pas, c’est que les humains ont beaucoup évolué. Ils bénéficient désormais d’une technologie très avancée, alors que la nôtre ne fait que décliner. Ils ont réellement la capacité de nous nuire. Mais surtout… ils sont audacieux, déterminés. Et certaines de leurs femelles sont…
Belles. Courageuses. Terriblement désirables.
L’image de Kristie s’impose à moi. Sa silhouette à la fois sensuelle et athlétique ; un corps de chasseresse et d’amante. Le feu dans ses yeux noisette. La douceur de sa bouche, lorsque je l’ai touchée…
Et mon foutu frère, qui voulait la profaner avec sa putain de queue.
Un grondement rauque s’échappe du fond de ma gorge, et mes griffes ressortent. Ce n’est pas en pensant sans cesse à Kristie que j’arriverais à me calmer ! Cette femelle m’obsède. Plus encore que Rani.
— Rhun.
L’ard-ælla se tient dans mon dos.
— Je ne voulais pas causer un tel esclandre, lui dis-je sans me retourner. Mais cette fois, il est allé trop loin.
— Vous avez toujours été rivaux, me rappelle Urtza dans un soupir. Je me rappelle, lorsque vous n’étiez que de simples hënnil… vous vous battiez sans arrêt.
Je me souviens de cette période. J'étais assez proche de lui, mais lorsqu'il a atteint la puberté, tout a changé.
— En fait, c’était Azorth qui, toujours, convoitait mes jouets, dis-je amèrement. Même Rani… il ne supportait pas notre amitié. Il avait décidé qu'elle lui appartenait. Cela a brisé ce qui restait de notre lien fraternel.
Je me retourne pour lui faire face. Mais comme d’habitude, il est difficile de deviner ce qu’elle pense.
— Ton père s’attendait à ce que ce soit toi qui le défie, m’apprend la matriarche en fixant ses yeux jaunes dans les miens. Tout le clan s’y attendait.
— Je… je ne voulais pas tuer mon propre père, avoué-je en baissant la tête.
Urtza pose une main compatissante sur mon épaule.
— C’est la loi des clans. Maintenant, c’est ton frère, que tu vas devoir tuer.
— Il y a peut-être une autre solution. Je pourrais partir… avec Kristie.
— Et fonder ton propre clan avec cette femelle humaine ? C’était ton projet, si je m’en souviens bien.
Oui. J’avais demandé une humaine à l’Agence, en passant une annonce… avant qu’Urtza me supplie de me dévouer une dernière fois au clan. Une fois la Chasse terminée, je devais me retirer.
— Cette femelle humaine ne veut pas d’un mâle ædhel. Elle veut retourner chez les siens, et j’ai promis que je l’y ramènerai.
— Es-tu sûr ? As-tu bien écouté ton instinct de mâle ? Étant une femelle, je ne peux pas t’aider, Varhun : seul un mâle peut sentir ces choses-là. Mais si tu la humais attentivement, ou que tu la goûtais…
La goûter… poser mes crocs sur elle et lui prendre un peu de sang, ou pire, passer ma langue sur son entrejambe. Là, je saurais. Mais pour une humaine, ce serait un outrage.
— Non. Elle a été très claire sur ses intentions. Elle ne veut pas rester avec nous, dis-je sombrement.
— Avec nous, peut-être pas, mais avec toi…
— Elle m’a traité de brute. Elle nous méprise, nous prend pour des sauvages. Et vu la façon dont mon frère l’a humiliée… je ne peux que lui donner raison.
— Tu sais, Varhun, les femelles disent parfois une chose, alors qu’au fond d’elles, elles pensent strictement le contraire, répond Urtza sur un ton énigmatique.
— Pas elle. C’est une guerrière de la légion humaine : elle est différente des autres. Elle ne déguise pas ses pensées, et va droit au but.
— Si tu le dis.
Urtza connait mal les humains. Même si elle a appris leur langue avec Nur, elle n’a jamais quitté Vorak. En dépit de sa grande sagesse, elle ne se rend pas compte.
— Je vais la voir, décidé-je.
— Nur l’a emmenée dans la caverne des femelles. Tu n’as pas le droit d’y aller, Rhun… me rappelle tristement Urtza.
— Je me donne ce droit.
Elle ne cherche pas à m’arrêter. Une ard-ælla sait quand il ne faut pas s’opposer à mâle inquiet pour la femelle qu’il protège.
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