Chp 19 : Varhun

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En la voyant à quatre pattes pour moi, le cul offert dans la position d’accouplement traditionnelle, ma queue se durcit encore plus et palpite douloureusement d’anticipation. J’ai envie de la plonger dans cette femelle, de la goûter. Voir cette belle humaine s’offrir à moi ainsi, si désirante, si sensuelle, me fait perdre la tête. Je sais que je ne devrais pas, mais je ne peux plus m’en empêcher. Il faut que la prenne. Son odeur, ses gémissements… jamais aucune femelle, ældienne ou adannath, ne m’a fait cet effet-là.

Mais ce n’est qu’une expérience, pour elle. Je dois en être conscient. Kristie n’est pas mon as-ellyn, celle que les étoiles m’ont destinée. Elle va repartir chez les siens. Ce n’est pas avec elle que je fonderai un nouveau clan, une famille. Même si elle aurait toutes les qualités pour être mienne.

Si je la prends maintenant, elle deviendra accro à mon luith. Elle souffrira d’être éloignée de moi, de ne pas être pénétrée régulièrement par ma double queue. Plus aucun mâle humain ne trouvera grâce à ses yeux, ne pourra la satisfaire. Sa vie si courte sera gâchée. Ce n’est pas ce que je veux pour elle. Je la désire, certes, plus que tout au monde. Mais par-dessous tout, je veux son bonheur.

Contrôle-toi, Varhun. Agis comme le Premier Chasseur de ton clan, avec honneur et droiture.

Alors, au prix d’un effort colossal, je la recouvre de mon shynawil et me détourne d’elle.

— Rhun ? me lance Kristie d’une petite voix.

— C’est le luith qui te fais agir ainsi, dis-je sans la regarder. Tu n’es pas à moi. Et un chasseur digne de ce nom ne prend jamais ce qui n’est pas à lui.

Kristie ne répond rien à cela. Je quitte la tente. C’est le renoncement le plus dur que je n’ai jamais fait.

Ne te retourne pas.

Tout seul face à la forêt silencieuse qui s’étend à mes pieds, je me sens soudain submergé par une vague de solitude. Depuis quand n’ai-je pas connu la chaleur d’une femelle, la moiteur de ses cuisses, la douce musique de ses gémissements de jouissance ? Ces dernières années, la mission que je mène auprès de mon peuple pour le sauver de l’extinction m’a empêché de connaître les joies de la vie d’un mâle normal. Je bénéficie d’une position enviée au sein de mon clan, je suis respecté des autres. Dans d’autres circonstances, j’aurais déjà une femelle à moi, plusieurs petits. Chez beaucoup de clans, le Premier Chasseur possède même plusieurs concubines… il s’accouple toutes les nuits, et des ellith[1] venues de tout Vorak viennent s’offrir à lui, dans le but d’obtenir une portée saine et robuste, héritant des qualités guerrières de leur père.

Mais pas moi. Je n’ai quasiment pas été sur Vorak, ces dix dernières années. Toujours dans des bases humaines grises et inhospitalières, qui puent le fer et le silicium. Les femelles qu’on m’a proposées pour me détendre entre deux missions étaient toutes synthétiques, et de toute façon, les humaines ne m’intéressaient pas. Je voulais revenir chez moi, à terme, me poser et mener l’existence d’un chasseur comme les autres.

Jusqu’à ce que je rencontre Kristie.

Ma queue, douloureusement enflée, palpite encore. Sa voix rauque de désir, murmurant mon nom et me pressant de la prendre le plus vite possible, la façon dont sa fente minuscule s’ouvrait et s’humidifiait pour moi… le petit œillet accueillant, encore timide et intact, que je m’apprêtais à savourer en même temps que le reste. Je sais que la jouissance aurait anéanti toute ma raison, que je l’aurais baisée pendant des heures, incapable de m’arrêter. Et surtout, que je ne l’aurais plus laissé repartir. Je l’aurais sans doute marquée, la faisant mienne à jamais. Mes crocs sont sortis sur toute leur longueur. C’est ce que je m’apprêtais à faire : la morde profondément, déposer ma salive en elle, l’imprégner de mon luith, de ma sueur et mon odeur. Qu’elle m’appartienne, tout entière et exclusivement. Puis j’aurais défendu cette grotte, où je l’aurais tenue captive, la prenant et la prenant sans répit jusqu’à ce que naissent nos petits. Je serais devenu une bête, un être de pur instinct. C’est ce qui arrive lorsque les gènes urulædhil prennent le pas sur les mâles, dans notre lignée. Ce qui est arrivé à mon père, à Azorth, les transformant en tyrans possessifs et jaloux. Les wyrms, dont le sang coule dans nos veines, gardaient leurs femelles comme des trésors précieux, tuant tous ceux qui s’en approchaient. Et ils leur coupaient les ailes, pour les empêcher de s’enfuir, et les forcer à accepter l’accouplement encore et encore.

Il faut que je me domine. Kristie n’est pas faite pour cette vie, celle d’une femelle soumise au désir insatiable de son mâle dans une tribu au fond de la forêt. Elle ne supporterait pas. Ce n’est pas ce qu’elle souhaite. C’est le luith qui l’a rendue consentante, pas son désir personnel.

Chez nous, on dit qu’une femelle délaissée par un mâle devient plus dangereuse encore qu’une bête blessée, et que sa haine pour celui qui l’a rejetée peut durer dix mille ans. Mais j’ai eu raison d’agir ainsi. D’autant plus que Kristie ne cherche pas à me rappeler, et que j’entends des bruits en contrebas, dans la forêt. Ce signal me dégrise immédiatement. Je déplie mon arc, encoche trois flèches et tire la corde. Puis une brève série de sifflements, imitant le cri d’un orrhaktys, résonne sur la falaise. C’est le code de chasseurs amis : ceux du Clan des Cascades.

Je baisse mon arc et les laisse monter. Je reconnais Urrhas, le Premier Chasseur du clan, accompagné de trois jeunes. Sur un signe de lui, ces derniers s’accroupissent sans trop s’approcher, en position de veille et de surveillance. Seul Urrhas s’approche de moi.

Suilad, Varhun, me salue-t-il en touchant son front, puis son cœur.

Je lui renvoie son salut de la même manière. Je le connais depuis longtemps, et c’est quelqu’un que j’apprécie.

— Que fais-tu si loin de ton territoire ? demande-t-il en ôtant son masque de chasse.

— Je ne faisais que traverser : c’est pour cela que je ne vous ai pas prévenus. J’escorte un agent de liaison humain jusqu’à la base des adannath.

Il hoche la tête gravement, faisant cliqueter les dents de tyraknid qui ornent ses tresses blondes sur ses muscles huilés.

— C’est bien cette odeur que j’avais sentie. Une femelle humaine fertile, dans notre forêt… elle fait partie de la dernière livraison que vous envoie l’Agence ?

Je me raidis immédiatement. Kristie ne peut pas passer inaperçue ici. Tous les mâles doivent capter son odeur sur des lieux à la ronde.

Heureusement que c’est Urrhas et ses guerriers qui sont venus.

— Elle travaille pour eux : elle ne fait pas partie des candidates, réponds-je, ma main migrant ostensiblement vers la dague à ma ceinture. Mais le vaisseau qui les transportaient s’est écrasé, et nous avons dû les accueillir chez nous avant la cérémonie. Comme la Lune Rouge arrive, je la raccompagne à la base. Les autres ont décidé de rester.

Urrhas hoche la tête et la baisse même un peu, en signe d’apaisement. Je laisse ma main retomber.

— On m’a signalé qu’un groupe de mâles bannis erraient dans les parages, m’apprend-il, c’est pourquoi je suis ici, en reconnaissance. Tu devrais me suivre jusqu’au brugh : notre ard-æl te fournira une escorte pour te rendre jusqu’au camp des humains. Ce serait plus prudent. D’autant plus que notre Rêveuse nous a annoncé que cette année, la Lune Rouge sera en avance. Elle dit que se lèvera dès demain.

Demain ! Bordel. Voilà pourquoi je sentais cette urgence brûler en moi. Je savais bien qu’il fallait que j’éloigne Kristie le plus vite possible de cette forêt.

L’idée de l’amener dans un nouveau clan ældien ne me dit rien qui vaille, surtout à l’approche imminente de la période de rut. Mais d’un autre côté, les mâles errants peuvent constituer un grave danger, et l’ard-æl des Cascades est sage et modéré. Il ne fera pas de mal à Kristie, et la recevra avec tout le faste de l’hospitalité ældienne.

— Le brugh est tout près, insiste Urrhas. Accepte au moins de partager notre repas. De chez nous, la base n’est qu’à quelques heures de vol. Et puis… tu verras Sayul.

Sayul. La perædhelleth qu’Azorth m’a promis… la femelle la plus convoitée en ce moment, à cause de sa virginité et de son sang humain. Les hybrides humaines sont plus fertiles que nos femelles. Et elles sont plus étroites. Tout cela leur confère un grand prix.

— Je vais en parler à Kristie, murmuré-je.

Urrhas a l’air étonné que je demande son avis à une femelle humaine, mais il a l’intelligence de ne rien dire. Je me dirige donc vers la tente, devant laquelle je m’arrête sans entrer.

— Kristie… est-ce que je peux entrer ?

Pas de réponse.

— Un guerrier appartenant à un clan ami est là… il propose de nous escorter jusqu’à la base, après un petit arrêt dans leur gîte. Tu es d’accord ? Ce serait plus prudent. Il m’a signalé la présence de jeunes chasseurs exilés…

Toujours le silence.

— Kris… tu m’entends ?

Elle ne me répond pas. Est-elle fâchée ? Probablement.

Bizarrement, ce constat me met en colère. Elle ne peut pas me reprocher de ne pas avoir cédé à mes pulsions. J’ai fait ça pour la protéger, putain !

— Kristie, grogné-je, réponds-moi, par les couilles du dieu de la guerre !

Foutue femelle.

Tant pis. D’un geste brusque, je déchire la tente.

Kristie n’est plus dedans. La tente est vide. Elle a pris mon shynawil… et l’arc que je lui ai fabriqué.

Rhach. Tu veux jouer à ça ? Très bien. Je vais te chasser comme une proie. Et cette fois, quand je t’aurais récupérée, je t’assure que tu vas couiner !

L’arrivée d’Urrhas me tire de ma transe de mâle en pré-rut.

— Un problème ?

— Ma femelle a disparu. Je dois la rattraper.

Je ne me rends compte que trop tard de ce que je viens de dire, en voyant le sourcil levé d’Urrhas. Mais là encore, il a la prudence de garder ses pensées pour lui.

— Nous allons t’aider. Je te le rappelle, des mâles exilés errent dans les parages. Ils vont la repérer très vite, si ce n’est pas déjà fait.

— Je sais, grogné-je. Mais s’ils la touchent, ils le regretteront amèrement !

Bordel. J’aurais dû la marquer. Peu de mâles ont l’audace de revendiquer une femelle qui appartient déjà à un chasseur, surtout s’il est puissant.

— Je pars devant. Avec mes ailes, je peux couvrir un large périmètre, dis-je à Urrhas.

— Vas-y. Nous allons nous déployer afin de couvrir la zone la plus vaste possible. Si l’un de mes chasseurs la repère, il me préviendra, et je t’enverrais un signal.

Je l’écoute à peine. Je sais que je vais la retrouver vite fait : elle ne peut pas être loin. Quand je l’aurais récupérée, je la punirai. Allongée en travers de mes cuisses, elle se prendra une fessée vigoureuse, comme un hënnel récalcitrant. Qu’importe qu’elle crie. Et ensuite, je l’attacherai comme une proie. Ça lui apprendra à s’enfuir !

Une érection massive déforme mon pagne à cette perspective, et à celle de la chasse qui m’attend. Il faudra sans doute que je tue un mâle errant ou deux sur le chemin pour me calmer, si je ne veux pas sauter Kristie sitôt retrouvée. La seule pensée de son petit cul rebondi rougi par mes claques envoie une décharge de désir pressant dans mes couilles. Je les sens pleines à en éclater : les fièvres sont déjà là.

Faut vite que je ramène cette fichue femelle à la base. Encore une journée comme ça… et je ne réponds plus de rien.

J’ouvre mes ailes dans toute leur envergure. Les chasseurs des Cascades reculent : c’est leur instinct qui parle. Il y a peu de choses plus dangereuses sur Vorak qu’un urulædhil en rut, frustré de ne pas pouvoir jouir de sa femelle.

Et dès demain soir, ce sera moi, cet urulædhil en rut.

[1] Femelles ældiennes adultes et initiées (pluriel).

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