Chp 20 : Kristie
Ce qui a failli arriver ne doit plus jamais se produire.
Je ne cesse de me répéter cette phrase comme un mantra, tout en courant dans cette jungle hostile.
J’ai dû fuir. Comme une urgence. Sur le coup, lorsque Varhun m’a repoussée, la douleur était telle que j’ai cru qu’on m’arrachait un organe. Il me fallait cette double queue. Et ce parfum sucré, entêtant. C’est d’abord pour le rechercher que je suis sortie de la caverne, alors qu’il était occupé à discuter avec d’autres ældiens. Je suis partie sans réfléchir, comme sous hypnose. Heureusement, il ne m’a fallu que quelques mètres à l’air libre pour comprendre que j’étais sous l’emprise du luith. Cette foutue phéromone alien…
Je m’arrête pour reprendre mon souffle. Il faisait froid, sur la falaise, mais maintenant, il fait presque moite. Sur cette planète bizarre, tout parait inversé : les jours, les nuits. Une deuxième lune vient d’apparaitre, un croissant rouge sang.
La Lune Rouge. Celle qui régit le cycle reproductif des ældiens.
J’ai eu le temps de lire les explications, dans le guide qu’on nous a donné au tout début. À l’origine, après s’être affranchis de leur statut d’arme céleste et d’outil de terraformation d’une civilisation disparue, les ældiens vivaient sur une planète possédant plusieurs lunes, qui suivaient des orbites différentes. Leur rythme s’est calé naturellement sur l’une d’elle, qui reflétait la lumière d’un de leurs soleils, le plus puissant, en une luminescence infrarouge. Un humain n’aurait pas pu voir cette lune. Mais les ældiens le pouvaient, et ils ont subi son influence pendant des millénaires. Lorsque ce gros soleil a finalement implosé, avalant tout leur système, les ældiens survivants sont devenus un peuple errant, condamné à arpenter l’espace dans d’immenses vaisseaux-mondes. Mais ils ont toujours gardé cette influence inscrite dans leur mémoire atavique, et finalement, lorsque l’une de leurs factions s’est installée sur Vorak, ils ont voulu recréer cet environnement qu’ils avaient connu il y a des millions d’années, en amenant un « lune rouge » ici. C’est ce que je vois maintenant. Et lorsqu’elle sera devenue entièrement ronde… la Chasse Sauvage commencera.
Je ne serai déjà plus là.
Les gens à la base doivent avoir un genre d’antidote, contre le luith. Ils vont purger cette saloperie de mon sang, et je serais libérée de l’emprise de Varhun. J’arrêterai de fantasmer sur lui et sur sa double queue, son regard de braise et sa voix rauque.
Le silence soudain de la forêt m’immobilise. Dans cette jungle pleine d’animaux, le silence est mauvais signe. Sans un bruit, tout doucement, je lève les yeux vers la canopée au-dessus de moi.
Un miroitement entre les branches. Il y a quelque chose là-haut… je recule prudemment, pour me cacher dans un buisson. Un bruit sec, et j’aperçois le scintillement dans la clairière où je me trouvais juste cinq secondes avant. Un long sifflement retentit, ressemblant à un cri d’oiseau. Et soudain… une silhouette se matérialise. Un ældien.
Merde.
Un autre apparait aussitôt. Puis un autre. Je devine qu’ils étaient dans les arbres, dissimulés par leur manteau de camouflage. Heureusement, j’en porte un, moi aussi. Celui que Varhun avait laissé sur moi. C’est pour ça qu’ils ne m’ont pas vu, tout en se trouvant juste au-dessus de moi… j’ai eu de la chance. Beaucoup de chance.
Les trois chasseurs s’échangent des signes rapides avec leurs mains. Ils ne parlent pas. L’un d’eux se baisse, et, accroupit, passe sa main griffue sur le sol. Les autres l’imitent. C’est exactement l’endroit où je me tenais tout à l’heure… ils ont repéré mes traces ! Je m’enfonce de plus en plus dans le buisson. Ils vont finir par me repérer…
Le chasseur relève la tête, regarde plus loin. Il montre quelque chose à ses compagnons. Puis se redresse, et, avec eux, se rapproche de moi, le nez par terre. Ils ont dû voir mes empreintes de pas, même infimes. Les narines de l’un d’eux s’élargissent, sa bouche entrouverte comme un félin qui cherche à humer une odeur. Je suis encore couverte du luith de Varhun… est-ce que c’est ça qu’ils sentent ? J’espère que oui. Il parait que l’odeur d’un autre mâle peut être dissuasive, alors que celle d’une femelle, humaine de surcroit… ne pourra que les attirer.
Le premier chasseur se relève subitement, ses oreilles pointues collées au crâne. Il fait un signe aux autres, et, doucement, les pupilles affutées, se rapproche de moi. Les trois ældiens se sont déployés, avançant vers le buisson en nacelle pour me prendre au piège.
Je suis foutue.
Je peux déjà voir l’anticipation cruelle sur leurs traits acérés, l’excitation de lever une proie.
C’est alors qu’une flèche fuse juste à ses pieds. Grande comme une lance, empennée de noir.
Le chasseur relève la tête, montre les dents. Mais il ne demande pas son reste, et fait un signe à ses compagnons. Tous les trois disparaissent comme ils sont venus. Il n’y a plus personne.
Je continue à reculer. Je ne sais qui est intervenu, mais je n’ai aucune intention de me faire capturer par des ældiens, quels qu’ils soient.
Je me heurte soudain à quelque chose de dur. Et une poigne brutale m’arrache mon shynawil.
— Tu pensais vraiment aller loin, alors que tu portes encore mon odeur sur toi ? gronde une voix grave à mon oreille. Tu ne pourras jamais m’échapper. Il serait temps que tu le comprennes, Kristie.
Varhun.
Je me retourne.
Varhun est méconnaissable : il a l’air fou de rage. Ses muscles bandés semblent éclater sous les lanières de cuir qui soutiennent ses armes, et ses ailes sont déployées. L’éclat rouge dans ses yeux brûle comme de la lave, ses crocs sont sortis. Soudain, il referme sa main sur ma gorge, et me plaque contre un tronc d’arbre.
— Femelle imprudente ! Tu aurais pu être capturée par ces chasseurs. Tu sais ce qu’ils t’auraient fait ! À croire que tu le cherchais, comme une petite pute en chaleur !
Femelle imprudente… petite pute en chaleur. Ses mots devraient me choquer, mais ils ne font que déverser du feu dans mes veines, comme sous la tente, lorsqu’il m’a nommée ainsi. Et cette prise sur ma gorge…
— Non, Rhun, non, je ne le voulais pas…
— Tu ne le voulais pas ? Tu connais les dangers de cette forêt, pourtant ! Où dois-je te les rappeler ? Je vais te donner un avant-goût de ce qui t’attend si des mâles ædhil autres que moi te capturent !
Varhun me fait basculer sur son épaule, comme un sac. Puis il s’assoit lourdement sur une pierre, et me jette en travers de ses cuisses, m’immobilisant sur le ventre de sa poigne puissante.
— Rhun, qu’est-ce que tu fais ?
J’essaie de me débattre, en vain. Sa force est phénoménale. Je me sens aussi impuissante que la fois où Azorth m’a forcé à genoux devant lui, face à sa grosse double bite gonflée. D’ailleurs, je sens celle de Varhun contre mon ventre, plus dure encore que sa poigne sur ma nuque qui me maintient la tête en bas, la joue collée contre sa peau chaude, à l’odeur musquée.
— Je vais te punir, pour que tu comprennes la leçon une bonne fois pour toutes. J’ai été trop doux avec toi, ce qui t’as mise en danger. Mais mon rôle, c’est de te protéger, envers et contre tout. Même si ça implique que tu me détestes.
Sa voix est rauque, presque animale. Que va-t-il faire ? Il parle de me punir… Lors des nombreuses guerres qui nous opposaient à eux, les ældiens étaient connus pour leur punitions impitoyables, et la sévérité avec laquelle ils traitaient leurs captifs humains. Ils ont ça en eux, ce sentiment de dominance, associé à celui de notre infériorité. Même Varhun, que je m’étais mis à trouver presque… humain.
— Varhun, soufflé-je, soudain inquiète. Je t’en prie, ne fais pas ça…
— Ce n’est qu’un mauvais moment à passer, gronde-t-il. Je dois le faire, Kris. Tiens-toi tranquille, ou je serais obligé de te bâillonner, et de t’attacher. Ce sera encore plus humiliant.
Du coin de l’œil, j’aperçois les quatre guerriers ældiens avec qui il parlait dans la grotte sortir de l’ombre des arbres. Ils s’avancent en silence et s’accroupissent en cercle, comme des loups avant la curée. Ils ont l’air d’attendre quelque chose. Mais quoi ? Est-ce que Varhun va me couper, me saigner comme le faisaient les dorśari avec les soldats qu’ils nous renvoyaient mutilés ? Une peur glaciale commence à diffuser son poison dans mes veines.
— Rhun… je t’en supplie… ! plaidé-je, la voix de plus en plus faible.
— La paix, femelle. Soumets-toi à la punition docilement, et ça passera plus vite.
Sa main griffue se pose sur mon arrière-train. La sensation m’envoie un déluge d’informations contradictoires : je tremble, mais j’ai chaud en même temps.
Mais pas longtemps. Un courant d’air froid souffle soudain sur ma peau : Varhun vient de soulever la jupette de cuir qui cache mes fesses…
— Non ! crié-je instinctivement.
Ses griffes frôlent ma peau, qui réagit immédiatement. Tous mes poils se hérissent, et la griffade – presque une caresse – secoue mes nerfs de courants électriques.
— Ta peau est fine et sensible, grogne Varhun. Je ne frapperai pas trop fort. Rassure-toi : ton sang ne coulera pas. J’y vais. Urrhas va compter.
Compter ? Compter quoi ?
La voix puissante d’un ældien s’élève. As. Un, dans leur langue. Et lorsque la main de Rhun s’abat, un véritable battoir qui me coupe le souffle, je comprends soudain en quoi consiste la punition. Il me fesse, sur ses genoux, le cul à l’air, devant les quatre guerriers qui matent cette scène d’humiliation de leurs yeux avides… !
Un cri de révolte et de douleur sort de ma gorge, presque malgré moi. Je me tortille de toutes mes forces, mais Varhun ne desserre pas sa prise d’un millimètre. Et sa main frappe encore, au rythme donné par le chasseur nommé Urrhas. Au bout de trois, un autre battement s’ajoute à celui de la peau qui claque si indécemment sous la paume de Rhun : les autres marquent le tempo en frappant le sol, créant une espèce de musique qui en rappelle une autre… celle du coït, brutale et primaire.
J’essaie de tourner la tête vers Varhun, qui maintient ma joue contre sa peau. Ma bouche entrouverte laisse une trace humide sur sa cuisse, et j’hésite un instant à le mordre. Son parfum de mâle, un mélange de cuir et de forêt, envahit mes narines. Paralysée, saturée par des sensations trop fortes pour moi, je plante mes dents dans ses muscles durs. Varhun plaque violemment ma tête contre lui, et je me retrouve comme ça, la bouche ouverte sur sa peau, immobilisée, le goût ferreux de son sang sur ma langue… sans que les coups ne s’arrêtent une seule seconde. Le bruit de claquement évocateur retentit dans la nuit, rendu de plus en plus moite par ma transpiration. Ma peau brûle, mais le pire n’est pas tant cette sensation cuisante, que celle de l’humiliation, et le constat affreux que mon sexe palpite, enflé, à chaque fois que la main de Varhun s’abat sur moi… Je suis trempée, excitée comme je ne l’ai jamais été. Mes cuisses s’écartent malgré elles, pour échapper aux coups mais également dans un espoir moins avouable, celui de recevoir ici même, devant tout le monde, la pénétration d’une queue bien raide qui me soulagerait… mon clitoris, enflé, frotte à chaque fessée contre la cuisse droite de Varhun, une stimulation à la limite de la torture qui m’amène à chaque coup au plus proche de l’orgasme explosif que j’attends. Mes hanches se mettent à bouger d’elles-mêmes, recherchant cette friction voluptueuse, allant à la rencontre de sa main. C’est tellement avilissant ! Et ces ældiens qui regardent, leurs yeux luisant dans le noir, leurs voix rauques scandant la punition, frappant le sol de leur lance à un rythme de plus en plus rapide… Je sais qu’ils ne perdent rien de la scène, voient et ressentent tout : mon excitation sexuelle, ma honte, ma douleur, jusqu’à la lubrification involontaire de ma fente avide d’être envahie par la verge colossale de l’un des leurs. C’est trop. Je sens les larmes perler, de frustration et de rage, ajoutant à ma déchéance. Elles coulent le long de mes joues, sur mon visage dévasté, plaqué contre la peau chaude et salée de mon bourreau.
Soudain, il s’arrête.
— C’est bon, murmure-t-il.
Sa main se pose doucement sur ma cambrure. Ma peau si impitoyablement fessée, palpite comme un cœur à vif au contact de l’air.
Varhun fouille quelque chose dans sa tunique, et je sens bientôt le contact frais et réconfortant d’une pommade sur la peau. Il me l’applique doucement, en caresses circulaires qui font réagir aussitôt mon entrejambe. Je brûle autant de douleur et de honte que de sentir ses doigts toucher mes parties sensibles, que je sais exposées à sa vue.
Sa griffe effleure rapidement l’entrée de la vulve. Puis il roule ma jupe de cuir sous la ceinture qui la retient, et je suis soudain libérée de sa poigne. Je me redresse doucement, le corps douloureux, le cœur en feu… et la chatte brûlante, palpitante d’attentes non comblées.
En face de moi, Varhun est toujours assis, les coudes sur ses genoux largement écartés. Il me fixe d’un regard dur. Je me force à soutenir son regard, et à ignorer la forme massive qui pointe sous le cuir de son pagne.
— J’espère que tu as compris la leçon. Évite de recommencer. La prochaine fois, je serai plus sévère.
Je renifle, essuie mon visage souillé. Je me sens comme une sale gamine prise en faute. Pas pour m’être enfuie – une attitude tout à fait normale, venant d’une humaine aux prises avec un ædhel en rut -, mais pour avoir quasiment joui sur ses genoux, alors qu’il me fessait le cul à l’air, devant tout le monde.
Je tire sur ma jupe, pour la faire redescendre. J’ai toujours les fesses nues, et ma vulve m’élance comme si un million de fourmis rouges étaient venues la piquer.
— Non, m’arrête Varhun. Attends que ça se calme un peu. Le luith devrait apaiser la brûlure : dans une dizaine de minutes, tu pourras te couvrir.
Le luith. De la semence ældienne… ce salopard m’en a badigeonné le cul !
Je redresse le visage vers lui, mes yeux lançant des éclairs.
— C’est le mien, grogne-t-il en réponse à ma question silencieuse.
— Le tien ? grincé-je en plissant les paupières.
— Mon don de vie. Autant que tu t’habitues.
— Pourquoi devrais-je m’« habituer » ? susurré-je dangereusement.
— Parce que tu vas courir avec les autres, à la Chasse Sauvage. Tu te souviens ?
Mon cœur manque un battement.
— Je croyais que tu devais me ramener à la base…
— J’ai changé d’avis.
Varhun se lève brusquement. Il ne me regarde plus, et son visage est fermé, inflexible.
— Rhun… tenté-je en tendant une main vers lui.
— Écarte-toi, femelle, grogne-t-il. Ta punition est terminée. Ne me pousse pas à t’en infliger une autre, juste pour le plaisir. Tu auras ce que tu cherches demain.
Femelle. Putain ! Il me traite comme une soumise qui quémande son attention.
— Je m’appelle Kristie, sifflé-je à travers mes dents serrées, et tu le sais très bien !
Mais il m’ignore, et s’éloigne. Je veux le suivre, furieuse. Encore une fois, il me fuit, après m’avoir allumée comme une chaudière !
— Tu me dois des explications ! rugis-je. Pour ça, et pour ton attitude dans la grotte !
Mais une poigne ferme me retient.
Urrhas.
Foutus ældiens.
— Je le laisserais tranquille, si j’étais toi, me dit le chasseur dans un Commun étonnement fluide. Varhun est en rut : la Lune Rouge s’est levée pour lui. Seul le contrôle hors normes qu’il a de ses pulsions le retient de te jeter par terre pour te saillir sans répit !
— Il n’oserait pas ! répliqué-je, révoltée.
— C’est un urulædhel : un mâle très dominant, particulièrement puissant. Tu t’es enfuie, et tu as éveillé son instinct de chasse, qui a pris le dessus. Tu le savais, non ? Je pense que tu l’as fait exprès, pour exciter son désir, comme le font toutes les femelles en chaleur. Vu le parfum qui se dégage de ton entrejambe, tu es déjà sous l’emprise de son luith.
Le parfum qui se dégage de mon…
— C’est une bonne chose, ajoute Urrhas en croisant ses bras musculeux. Rhun avait besoin d’une compagne, et il aime les femelles fortes, qui lui tiennent tête. La Chasse sera intense pour vous deux, demain. J’espère que tu te montreras rusée et retorse. Ce serait la plus belle façon de le récompenser de tout ce qu'il fait pour toi.
Je ne l'entends plus. Mon cerveau s'est arrêté à une seule info.
— DEMAIN ??
Mon cri est sorti tout seul.
— La Chasse aura lieu demain : la Lune est précoce, cette année. Il paraît que tu n’avais pas reçu de luith avant aujourd’hui… je te conseille de te rattraper cette nuit. Rhun viendra probablement te voir pour te préparer. C’est un mâle attentionné : il ne laissera pas sa femelle sans formation.
Me préparer ? Que compte-t-il faire, encore ?
Mon cœur bat la chamade. Mais je me rends compte que ce n’est pas de la peur… loin de là. Ce que je ressens, ce n’est pas la terreur que devrait expérimenter toute femme normalement constituée, à l’instinct de survie normal. Non, cette pique qui fouette mon sang… c’est de l’excitation.

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