Chp 26 : Kristie
Jamais, même dans mes fantasmes les plus débridés, je n’aurais pu imaginer ça.
Deux guerriers ældiens de haute stature, un à la chevelure blanche, l’autre à la chevelure noire. Varhun porte sur son visage un masque barbare, qui ne laisse voire que sa mâchoire carrée et sa bouche sensuelle. Le visage d’Azorth, lui, est libre. L’ard-æl est le seul mâle qui appartient à toutes les femelles, m’a expliqué Nur, et c’est pour cela qu’il n’a pas à dissimuler ses traits sous un masque de guerre, hormis pendant les rites importants et les rencontres avec les autres clans. Tous les deux pénètrent dans ma chambre avec une assurance conquérante et se plantent à chaque extrémité de mon lit. Je ne peux pas m’enfuir, même si je connais leur intention. Ensemble, ils se débarrassent du shynawil qui recouvre leur nudité, dévoilant un corps musclé et huilé… et deux verges énormes, veineuses, qui pointent agressivement dans ma direction.
Ça y est, réalisé-je, le cœur battant. Ils se sont mis d’accord, et le moment est arrivé. Ils vont y aller à deux…
J’essaie de m’enfuir, mais Azorth, qui s’est positionné derrière moi, m’attrape les bras et les plaque sur le lit.
— Ne t’inquiète pas, petite femelle, susurre-t-il de sa voix rauque dans mon oreille en me calant contre son torse dur. Ce n’est pas ce soir que tu perdras ta virginité d’humaine. Cette nuit, on est là pour te faire jouir… sans pénétration.
Inutile de répéter pour la millième fois à ces ældiens que je ne suis pas vierge. En fait, vu la taille de leurs queues, oui, je le suis.
Lequel des deux va commencer ? J’espère que ça ne sera pas Azorth… d’ailleurs, je n’ai pas envie qu’il me touche. Je me défendrai, et j’espère qu’il l’a bien compris. Mais d’un autre côté… de seconde en seconde, avec le parfum lourd et sucré du luith, je sens ma combattivité s’envoler. C’est vrai, je pourrais me laisser faire, et sacrifier aux coutumes ældiennes. Me laisser bercer dans les bras de ces deux mâles, les laisser me lécher, me pénétrer, tour à tour ou en même temps, sans savoir lequel fait quoi... Azorth et Varhun sont du même sang. Physiquement, mis à part la couleur de leurs yeux et de leurs cheveux, ils se ressemblent énormément. Mais comment Rhun réagirait si je me laissais revendiquer par son frère ? L’accepterait-il ? Même si c’est la tradition de leur clan que toute femelle se soumette à l’ard-æl, je pense que Varhun ne me le pardonnerait pas… ce qu’il apprécie chez moi, c’est ma résistance, le fait que je ne cède qu’à lui, au contraire de toutes les autres.
Je relève les yeux sur Varhun. Sait-il à quoi je pense ? Il se penche vers moi, et grimpe sur le lit à quatre pattes, sa double érection toujours tendue. Azorth est là derrière, en train de me tenir sans rien manquer du spectacle… je sens même ses griffes glisser vers mes seins. Et pourtant, je ne peux pas m’empêcher d’ouvrir les cuisses, le sexe humide et palpitant, impatiente de recevoir le mâle qui vient vers moi.
Rhun grogne et me maintient les jambes avec autorité, m’obligeant à les ouvrir plus encore. Son panache, cette queue fine en lasso qui m’a donné tant de plaisir quand je le suçais, vient s’enrouler autour de ma cuisse. Puis il m’arrache mon short… Azorth fait de même avec mon haut. Au moment où l’air frais caresse mes seins, je tente instinctivement de fermer les bras, mais Azorth me les maintient plus fermement. Je suis à leur merci… ils peuvent me faire tout ce qu’ils veulent. Et effectivement, Rhun empoigne sa verge et la presse vers mon intimité… avant d’être arrêté par son frère.
Je les entends échanger d’une voix gutturale dans leur langue. Est-ce qu’ils se disputent pour savoir lequel passera le premier ? Je me sens comme un bout de viande entre leurs griffes, une proie. Et pourtant… je trouve ça excitant. Quand la queue en lasso d’Azorth vient glisser dans ma bouche, me forçant à l’ouvrir, je ne proteste même pas. Sa chair pèse sur ma langue, verrouillant impitoyablement ma mâchoire, aussi dure et chaude que la verge de Rhun tout à l’heure. Je sais que mordre ne servira à rien. Non seulement il ne le sentira pas, mais je me casserais peut-être les dents dessus… sans parler de la punition qu’il ne manquera pas de me donner. J’ai évoqué ce sujet avec Nur, en revenant… elle m’a dit que pour châtier une femelle indocile, le père de Rhun et d’Azorth la sodomisait devant tous ses guerriers, avant d’inviter les chasseurs qui avaient ramené le plus de proies dans la semaine à faire de même. J’ai détesté qu’elle me raconte ça, pour deux raisons : d’abord parce que ça m’a rappelé la brutalité dont Rhun pouvait faire preuve, mais aussi… à cause des réactions que ce récit provoquait sur mon corps. Et de ce que j’ai immédiatement pensé.
Si Rhun devient ard-æl… est-ce qu’il me punirait ainsi ? Et est-ce que je résisterais à l’envie de le défier, pour qu’il me punisse plus encore ?
Alors que sa langue pénètre mon vagin dévasté par les spasmes de la jouissance, la pointe triangulaire de la queue de Rhun vient titiller mon anus. Il joue négligemment avec, sans jamais s’enfoncer. Je sais ce qu’il fait. Il me prépare à la suite… lorsque je vais recevoir ses deux verges en moi : une devant, une derrière. Ou peut-être me prépare-t-il pour son frère… ce dernier presse sa hampe humide contre moi, son grand corps collé au mien, sa langue pointue léchant mon cou et mon oreille, sans cesser de me soutenir pour que Rhun me dévore plus encore. La seule chose qui l’empêche de me pénétrer par derrière, dans les faits, c’est l’extrémité du panache de Rhun qui en garde farouchement l’entrée.
Azorth me rallonge sur le lit. Pendant que j’ondule sous les caresses buccales expertes de son frère, il en profite pour frotter l’extrémité de sa double-queue sur mes lèvres, ma joue. Puis il se redresse, et saisit ses deux verges dans ses mains, au-dessus de moi. Plusieurs jets saccadés de semence blanche et épaisse en jaillissent, retombant sur mon visage, mes cheveux, mes seins. Mes sens sont immédiatement saturés par son odeur musquée, différente de celle de Rhun. Je ferme les yeux, hoquète, tentant de me protéger de cette pluie de semence, de ce marquage de territoire. Il me pisse dessus comme un foutu chien !
Rhun relève le visage de mon entre-cuisse. Un grognement inquiétant sort de sa gorge, ses crocs sont dénudés, et ses yeux ne sont plus que deux points rouges. Il a laissé Azorth me caresser les seins, me mettre son panache dans la bouche, me lécher le cou et le visage. Mais qu’il m’arrose de sperme… ça, pour lui, c’est trop. Et pour moi aussi. Qu’Azorth me tienne et me tripote vite fait pendant que Varhun me fait jouir avec sa langue, passe encore. Mais qu’il me douche avec son luith… je suis pas d’accord.
— Rhun, gémis-je en tendant une main désespérée vers lui. Fais-le arrêter…
L’expression de Varhun change du tout au tout. Pendant quelques fugitives secondes, je vois une détresse sans nom passer sur son visage. Puis la colère déforme ses traits.
— Elle n’est plus consentante. Tu as failli en tant que mâle, Azorth ! Quitte ce khangg tout de suite.
Azorth ignore la menace. Il brandit sa queue massive devant ma bouche à nouveau, et me force à l’accueillir. Ses couilles énormes et veineuses, gonflées comme des ballons, viennent se coller sur mon nez, m’empêchant de respirer.
— Je t’ai dit d’arrêter ! gronde Varhun.
— Cette femelle m’appartient, comme les autres, réplique son frère hachée. Ne t’avise pas de t’interposer !
Sa bite énorme se fraye un chemin dans mon œsophage, me provoquant un début d’asphyxie.
— Lâche-là tout de suite !
Je sens une sorte de choc. Mais Azorth tient bon. Il rugit en retour sur son frère qui tente de le pousser loin de moi, sans cesser ses va-et-vient dans ma gorge. Je lutte pour me libérer, mais Azorth est un véritable bloc de granit.
— Depuis quand tu donnes des ordres à ton ard-æl ? Cette femelle doit s’habituer à ma queue, et elle a besoin d’être matée. N’oublie pas que c’est ma proie ! Toi, après tout, tu l’as bien secouée un peu, tout à l’heure.
— Ce n’est pas pareil. Je ne suis pas le chef de cette harde, et Kristie m’a choisie… elle s’est offerte à moi, dans la forêt. C’est ma femelle, désormais.
C’est donc ainsi que Rhun me voit… je cherche son regard, en vain.
— Et tu ne l’as pas prise ? se moque Azorth en faisant glisser ses mains sur ma gorge. Imbécile… c’est pour ça que tu n’es pas ard-æl. Pas assez dominant ! Tu abandonnes trop vite, comme tous les faibles. Moi, je vais m’emparer de cette femelle, et tout de suite !
— Je vais te tuer ! hurle Varhun.
Soudain, le serpent visqueux qui a pris possession de ma gorge se retire. Un rugissement terrifiant me crève les oreilles. Le khangg se balance dans tous les sens, et dans une dernière secousse, il tombe au sol, me projetant sur la paroi en osier.
Le temps que je retrouve mes esprits et me sorte de l’enchevêtrement de couvertures et de cloisons éventrées, un attroupement s’est déjà formé dans la caverne des femelles. Les humaines, bien sûr, accompagnées de leur compagnon ældien, mais aussi les ældiennes : tous assistent, en silence et catastrophés, au combat sans merci entre Azorth et Varhun. Je tente de me faufiler parmi les hautes silhouettes. Rani, qui est comme d’habitude aux premières loges, me jette un regard noir.
— Si Rhun meurt, me lance-t-elle, vipérine, ce sera de ta faute. Tu as tout fait pour les monter l’un contre l’autre !
— Laisse-là, intervient Turyk. Ce combat devait avoir lieu depuis longtemps. Kristie n’y est pour rien.
Je cherche du regard Urtza, l’ard-ælla. S’il y en a une qui peut mettre fin à ce massacre, c’est bien elle. Mais elle reste dans un coin, résignée.
Elle aussi, pense que ce combat est inévitable.
À force de jouer des coudes, je parviens enfin au premier rang. Ce que je vois me stupéfie.
Au centre du cercle, deux géants ailés se font face.
— Tu n’es plus digne de guider nos guerriers, Azorth, crache Varhun, le souffle rauque. Un mâle ne doit jamais prendre une femelle par la force ! Et l’ard-æl, entre tous, est celui qui est sensé avoir le plus de contrôle sur ses pulsions.
— Si tu crois pouvoir m’enlever ce droit, alors prouve-le, petit frère ! réplique Azorth.
Je retiens mon souffle.
Azorth et Varhun se tournent autour comme deux fauves, un sabre dans chaque main. Quelqu’un leur a amené leurs armes… probablement Turyk, qui observe le face à face un genou à terre, aussi concentré qu’eux. Leurs silhouettes massives se découpent dans la lumière rouge. Azorth, cheveux d’argent, le regard dur comme la pierre. Varhun, plus sauvage, les cheveux noirs collés à son front, le torse couvert de cicatrices.
Mon cœur s’accélère.
Rhun…
Le silence tombe… puis l’enfer éclate.
Ils se jettent l’un sur l’autre. Le choc résonne dans mes os. Les griffes tranchent, les ailes fouettent l’air, la poussière s’élève comme une tempête.
Leurs griffes s’entrechoquent dans un fracas d’iridium, leurs ailes fouettent l’air, leurs rugissements couvrent le tonnerre qui s’abat soudain sur la jungle. Azorth encaisse un coup de griffe au visage, une entaille ouverte sur la joue. Il ne bronche pas. D’un mouvement fluide, Rhun enchaîne en frappant son frère à la gorge, le fait basculer au sol, et lui assène un coup de genou dans le thorax.
Azorth se redresse en grognant, ramassant son épée à plasma, dont les runes pulsent d’une lueur bleutée.
Ils se ruent l’un sur l’autre à nouveau.
Les armes hurlent dans la nuit. Étincelles, rugissements, choc de métal et d’ailes. Varhun tente une feinte, Azorth la voit venir, pivote, et le frappe d’un revers brutal au visage, qui fait voler son masque, tout en parant son sabre de l’autre main. La lame brisée s’échappe des mains de Varhun, tombant dans la poussière.
Varhun rugit, frappe de ses griffes, mais Azorth pare, riposte. Chaque coup de l’ard-æl est précis, lourd, implacable. Varhun ploie, chancelle, revient encore, refusant de tomber.
Je veux détourner les yeux. Je ne peux pas.
Je vois la sueur, le sang, la rage pure dans ses yeux. Il se bat non pas pour le pouvoir, mais pour exister, pour ne plus vivre dans l’ombre cruelle de son frère. Et pour moi. C’est pour me protéger, qu’il se bat… jusqu’ici, il a toujours évité le conflit, privilégié la paix du clan. Rani l’a dit. C’est de ma faute. Entièrement.
Azorth finit par le saisir à la gorge, le levant haut devant lui à bout de bras.
Le bruit sourd du corps de Varhun, plaqué brutalement contre la pierre, me transperce.
L’ard-æl le domine, impassible, les griffes enfoncées dans sa chair.
— C’est fini, grogne-t-il. Tu aurais dû rester mon frère, et le Premier Chasseur. Ce rôle te convenait. Tu ne seras jamais ard-æl, Rhun. Tu n’en as pas les épaules.
Je sens mon cœur se fissurer.
Varhun tente de se libérer, en vain. Il lève les yeux vers son frère, et dans ce regard, il y a de la haine, oui… mais aussi une fierté farouche, presque humaine.
Azorth lève sa lame. Varhun le fixe, haletant, attendant de recevoir la mort.
Non…
Je fais un pas sans m’en rendre compte.
— Épargne-le, ard-æl ! hurlé-je en me jetant à genoux devant lui. Je ferai tout ce que tu voudras.
Azorth, le sabre en l’air, baisse ses yeux froids sur moi.
— Tu seras à moi, car je suis le vainqueur. Mais il m’a défié, et il a perdu. Il doit mourir. C’est la loi des clans.
— Je t’en prie… sangloté-je. Je serai docile.
Azorth semble hésiter. Mais Rhun verrouille son regard sur son frère.
— Tue-moi ! Ne me laisse pas dans le déshonneur, dit-il en refermant sa main sur son couteau.
Azorth acquiesce lentement.
— Je savais que tu irais jusqu’au bout. Tu es mon digne frère. Ne t’inquiète pas, je serais patient avec Kristie. Tu avais raison sur ce point : je n’aurais pas dû la brusquer. Adieu, mon frère. Puisses-tu te réincarner en un guerrier encore plus implacable !
De nouveau, il lève son bras en arc de cercle…
J’ouvre la bouche pour crier, mais un son tonitruant m’arrête net. Un écho puissant, grave, venu de la jungle en contrebas.
Le clan entier se fige. Les masques de guerre des mâles se redressent, les chasseurs s’approchent de l’ouverture sur la nuit, scrutant la jungle. Des silhouettes approchent, sombres contre l’horizon rouge : des bannières, des cris.
— Le clan des Cascades, ard-æl, intervient Turyk. Ils viennent amener leurs tributs pour la Chasse. Il faut les accueillir.
Azorth hésite. Ses yeux polaires vont de son frère à son bras droit.
Épargne-le, chuchoté-je tout doucement.
Je vois sa mâchoire se contracter, puis il relâche son frère. Varhun s’effondre dans la poussière, haletant, le sang coulant le long de son torse.
— Le sang attendra, murmure Azorth d’une voix basse, grondante.
Et il se détourne de son frère. Il baisse les yeux vers la lisière de la vallée. Ses ailes se déploient dans un claquement sec, vastes et sombres sous la lune pourpre.
Je cours vers Rhun sans réfléchir. Tout le reste s’efface. Turyk, les ældiennes, les candidates, le clan des Cascades. Il n’y a plus que lui.
Varhun relève la tête, ses yeux ambrés croisent les miens. Il ne dit rien. Mais je vois tout : la douleur, la rage… et surtout la honte.
Il a perdu la face à cause de moi.
— Rhun… murmuré-je. Montre-moi tes blessures.
Mais il détourne la tête.
— Laisse-moi, femelle.
La poigne froide et ferme d’Urtza se referme sur mon bras.
— Viens, dit-elle en me tirant doucement vers elle. Tu vas dormir au nemed, avec moi.
— Mais…
Je tourne un regard désespéré vers Varhun. Rani est déjà accroupi auprès de lui, examinant ses blessures.
Putain. Pourquoi c’est elle qui le soigne ?
La voir s’affairer auprès de Rhun me fait un mal de chien. Il a dit que j’étais sa femelle, que je l’avais choisi… alors pourquoi est-ce qu’il me repousse ?
Soudain, je le réalise. Comme une évidence, limpide, brutale.
Je l’aime. J’aime cet alien, cet ældien. Je veux rester avec lui, lui appartenir.
Mais cette résolution tardive, désormais, semble m’échapper. Que va devenir Varhun ? Quel sort lui réserve Azorth ? Et à moi ?
Une seule chose est sûre : jamais je ne me soumettrai à ce tyran. Jamais.

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