Les copains d'abord ?
Rachid a bien identifié que j’étais en panique et il n’ose plus me parler. Je remets mon casque et me concentre sur ma respiration pour redescendre doucement. Réfléchissons un peu, « les copains d’abord », c’est sans risque normalement ? Ne voulant pas prendre plus de risques, justement, je repars précipitamment m’enfermer chez moi.
Arrivé dans mon appartement, je range rapidement mes courses dans mon grand frigo américain et le petit placard de la cuisine et je me pose sur le canapé pour tenter une énième fois de joindre Jessica.
En vain.
Pour m’occuper l’esprit, je commence à regarder toutes les entreprises de fabrication de matériel électronique qui pourraient remplacer le partenaire perdu. Je tente de croiser avec mes contacts sur les réseaux sociaux. Rien de bien concluant. Je me résigne à attendre 15h pour écouter « radio des bois » en espérant qu’ils ne me déçoivent pas…
Lorsque je reçois un appel d’Alex.
J’hésite à le prendre vu comme il m’a planté il y a deux jours mais je repense aux « copains d’abord » et je décroche :
- Salut Chris, alors ça c’est fini comment ta soirée il y a deux jours ?
- A ton avis, tout seul comme un con ! Alors que j’étais vraiment au bout de ma vie et j’avais vraiment besoin de me détendre.
- Oui mec, j’ai vu que t’étais pas bien. Vraiment désolé. Les fêtes improvisées sont les plus belles mais ça ne fonctionne pas toujours. Mais qu’est-ce qui t’arrive pour que tu sois si mal ?
Je me caresse le menton comme à chaque fois que je suis mal à l’aise car j’hésite à lui raconter mes galères. On est plutôt à jouer à celui qui en mettra plein la vue à l’autre d’habitude. Mais là, j’ai vraiment besoin de me confier.
- Ben déjà, Jessica m’a largué.
- Mais non ! Mais pourquoi ?
- Elle trouve que je ne m’engage pas. Elle voulait que je vienne m’installer chez elle mais c’est vrai que je n’ai pas manifesté beaucoup d’enthousiasme…
- OK, mais on ne se sépare pas tout de suite pour ça, on en discute.
- Oui, justement. Avec mon projet, on n’a pas eu beaucoup le temps d’en discuter ces dernières semaines.
- D’accord, donc il n’y a pas que nous que tu snobais ces derniers temps, elle aussi…
Et voilà, dès que je mets un genou à terre, je me fais couper la tête ! « Les copains d’abord », tu parles ! Je garde néanmoins mon calme et réponds un peu penaud :
- Oui, tu sais, quand je suis concentré sur un truc…
- Rassure-toi, moi je ne vais pas te quitter, je sais voir au-delà de ton égoïsme et apprécier tes qualités ! Et d’ailleurs, t’en es où de ton fameux deal ?
- Ah ben, deuxième merde ! Le partenaire qui devait fabriquer ma Box m’a lâché à 6 jours de la signature. Et je n’ai pas d’autres contacts pour le remplacer.
Je l’entends se marrer à l’autre bout du téléphone. Il se fout de moi en plus ? J’ai la jambe qui tremble d’énervement tellement je déteste passer pour un looser. Il finit par me lâcher :
- Quelle ironie du sort ! Tu as oublié, mais le cousin de Karim bosse dans une boîte qui fabrique des boitiers électroniques pour l’audiovisuel. Il nous en avait parlé parce qu’il est assez proche de lui.
- Ah mais c’est vrai, je n’avais pas fait le rapprochement ! T’es génial, je vais l’appeler tout de suite !
- Holà, je te rappelle qu’il est assez susceptible et qu’il va avoir l’impression, à juste titre, que tu l’appelles juste parce que tu as besoin de lui.
- Ben oui ? C’est bien à ça que ça sert les potes, non ? Tu ferais comment toi ?
Il laisse un silence qui me fait comprendre que je n’ai pas dit ce qu’il fallait et je l’entends prendre une grande respiration :
- Je pense que ce serait mieux que tu te rattrapes en nous invitant ce soir chez Félix, Karim, son cousin et moi. Cela te permettra d’amener subtilement le sujet dans la conversation. Et de toutes façons, Nico a toujours sa gastro et Fred ne rentre des US que dimanche.
- Moi ça me va mais tu es certain qu’ils seront dispos ?
- Ben oui, nous avions déjà une soirée prévue tous les trois ce soir et je devais justement trouver le resto ! Qu’est-ce que tu crois, qu’on se morfond en t’attendant ? La vie continue sans toi mec !
- OK, ok, c’est de bonne guerre et merci pour l’aide que tu m’apportes. En revanche, je ne te garantis pas chez Félix car je lui ai quand même pourri sa réservation mercredi soir.
- Débrouille-toi mais fais en sorte que ce soit vraiment un bon resto !
La vérité est surtout que chez Félix a la fâcheuse habitude de programmer un crooner le vendredi soir et c’est hors de question qu’il joue avec ma vie à travers ses chansons. Je vais trouver un resto haut de gamme qui ne diffuse aucune musique d’ambiance. Ça doit bien exister !
-----------
Un samedi sans réveil et globalement détendu. Cela faisait longtemps. J’ai passé une super soirée hier soir, j’en ai encore mal aux cheveux.
Déjà, j’ai découvert un nouveau resto que je ne connaissais pas qui était très bien. Le patron nous a mis dans une petite salle à part, bon ça m’a coûté cher mais ça en valait la peine ! Il a fallu deux bonnes heures, deux apéros et une bouteille de vin à cinquante euros pour que Karim arrête de me faire la gueule. Au moins, son cousin Sam était beaucoup plus cool et ça a tout de suite bien fonctionné entre nous. C’est vrai qu’il ne me connaissait pas mais avec tout le mal que Karim a dû lui dire de moi, c’est quand même une bonne nouvelle.
Et nous avons tous fini la soirée à refaire le monde chez moi. J’ai prétexté que je voulais leur montrer les dégâts « impressionnants » de l’incendie sur mon immeuble pour éviter le calypso bleu et sa très dangereuse playlist.
Et comme la musique que je mets chez moi n’exerce visiblement aucune influence sur ma vie, c’était parfait !
Sam est super chaud pour mon projet et il est pote avec celui qui s’occupe des partenariats dans son entreprise. A tel point qu’à 1 heure du matin, complétement bourré, il a obtenu un rendez-vous pour moi ce samedi après-midi avec son pote (qui lui, j’espère, n’était pas bourré !) !
C’est vrai que j’ai insisté très lourdement sur le fait que je devais boucler avant lundi.
Y’a pas à dire, il avait raison Brassens, les potes c’est top !
Annotations
Versions