2. L'aide

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Ça fait bientôt quatre semaines qu'un imposteur a volé mon identité sur internet. En colère, tous mes proches m'ont laissé tomber, persuadés que je suis l'auteure de ces commentaires. Je me suis faite virer pour harcèlement. Me voilà désormais seule au monde, enfermée dans mon appartement. Je ne sors plus depuis des jours. J'ai bien essayé de porter plainte mais l'officier de police m'a clairement fait comprendre que ça ne servirait à rien, qu'il n'y aurait pas d'enquête. J'ai prévenu la modération du site, mais lorsqu'ils suppriment le profil, un nouveau apparaît. J'ai envoyer différents mails à mes proches pour les prévenir que je n'étais pas l'auteur de ces immondices, mais aucun ne me croit.

Cette nuit-là, je fais une grosse insomnie. Cette histoire m'empêche de dormir mais je me force à rester au lit. Vers quatre heures du matin, mon téléphone se met à sonner, c'est Sam :

"Salut ! J'espère que tu ne déprimes pas trop à cause de cette histoire... Si ce n'est vraiment pas toi derrière ce profil, tu devrais demander de l'aide. À une association par exemple, ou adresse-toi à un hackeur..."

Je réponds immédiatement, contente d'avoir un contact avec un être humain.

"Salut ! On s'en sort comme on peut. Ca va toi ? Je ne connais aucun hackeur..."

Même pas une minute plus tard, mon téléphone sonne à nouveau.

"Demande sur internet, sur Erditt par exemple, quelqu'un va bien finir par te répondre et t'aider."

Je réfléchis cinq minutes. Après tout, je n’ai plus rien à perdre. Je me connecte immédiatement sur Erditt et m’inscris. Je rédige un petit texte rapide pour expliquer ma situation.

« Bonjour, je m’appelle Zoé, j’ai 28 ans et j’habite dans le nord du pays. Il y a presque deux mois, j’ai découvert qu’un imposteur utilisait mon nom et mes photos sur les réseaux sociaux. Cette personne publie des commentaires horribles sur les profils de mes amis, mes collègues, ma famille leur demandant de se suicider. J’ai perdu tous mes amis, ma famille est en colère et je me suis faite virer de ma boite pour harcèlement. Le plus inquiétant est que cette personne sait tout de ma vie : qui je côtoyais dans le passé, qui je côtoie maintenant, mon parcours professionnel, toute ma vie privée... Elle a même posté des photos que je n’ai jamais mises sur internet. J’ai peur et je ne sais plus quoi faire. Donc, j'ai besoin de vos conseils, que dois-je faire pour me sortir de cette situation ? »

Après avoir posté ce message, je réussis enfin par m’endormir. Je me réveille vers quatorze heures, mon téléphone affiche près d’une centaine de notifications m’indiquant que j’ai une réponse sur Erditt. Je me connecte rapidement et lis chacun des commentaires. Une grosse partie fait preuve de compassion, mais n’offre aucune solution, d’autres me disent de porter plainte, ce que j’ai déjà essayé de faire. L’un d’entre eux attire tout de même mon attention.

"Bonjour, je m'appelle Raphaël et je suis à la tête d'une association visant à aider les individus victimes de vol d'identité sur internet. Nous pouvons peut-être t'aider à te sortir de cette situation. Sache que tu n'es pas seule. Si tu souhaites notre aide, n'hésite pas à m'envoyer un message privé"

Je décide de me rendre sur sa page et de le contacter, l’implorant presque de m’aider. Fatiguée de cette situation, je serais prête à tout pour attraper cette personne, ou simplement arrêter tout ça et faire fermer la fausse page à mon nom. J’attends avec impatience la réponse de cet inconnu.

Quelques heures plus tard, il m’envoie un lien afin qu’on s’appelle en visio. Je me retrouve face à un homme, la trentaine, se présentant sous le nom de Raphaël, très avenant et semblant vraiment décidé à m’aider. Il m’explique qu’il peut enquêter sur ce profil si je lui transmet un mail avec tout ce que je sais sur cette personne. Il me donne son numéro de téléphone ainsi que son adresse mail et le site de son association. Je constate que c’est très sérieux, ce qui me rassure un peu et me donne de l'espoir, je dois l'avouer.

 — Tu m’envoies un mail avec tout ça et je te rappelle dès que j’ai du nouveau.

Après avoir raccroché, je n’attends pas pour lui envoyer tout ce que je sais. J’y ajoute également quelques adresses de pages de personnes s’étant faites insulter par ce voleur d’identité. Une petite lueur d’espoir apparait de nouveau en moi. Cet homme m’offre une potentielle porte de sortie. Je vais peut-être enfin sortir de cette spirale infernale.

Raphaël me rappelle deux jours plus tard. Il me demande s’il peut passer chez moi pour m’expliquer en face à face ce qu’il a trouvé. Sa voix n’est pas aussi assurée que la première fois que nous nous sommes parlés. J’ai peur de ce qu’il va me révéler. Il entre chez moi, ordinateur sous le bras, un air grave sur le visage. Je l’invite à s’assoir à la table du salon. Il allume son ordinateur sans prononcer un seul mot. Au bout de quelques secondes qui me paraissent des heures, mon libérateur finit par me demander :

 — Zoé, est-ce que tu peux me promettre sur tout ce que tu as de plus cher que ce n’est pas toi derrière ce profil ? Que tu ne me mènes pas en bateau ? Moi et tous les autres ?

Je suis vexée qu’il me pose cette question, je pensais qu’il me croyait, que j’avais enfin quelqu’un sur qui compter. Je me faisais une joie d’avoir enfin trouvé un soutien.

 — Évidemment, je me bats depuis un moment pour prouver que ce taré n’est pas moi. Tu étais le seul à me croire...

Je fonds en larmes, fatiguée d'avoir vu mes proches m’abandonner un par un. Je me sens seule depuis deux mois et je ne sais pas comment mettre un terme à tout ça. Cet individu a vraiment bousillé toute ma vie.

 — Écoute, me dit Raphaël sur un ton plus compatissant, je te crois. Mais j’ai trouvé deux, trois trucs vraiment inquiétants.

Mon bienfaiteur se connecte sur Instabook et me montre la page de mon double maléfique. Je n’avais pas eu la force de retourner sur cette page depuis mon licenciement. C’était tout simplement devenu trop pour moi.

 — J’ai fouillé dans les infos personnelles de l’imposteur, en espérant trouver une incohérence, mais tout semble correspondre à ton profil... enfin je veux dire à ta personne et pas à un usurpateur. C’est comme si c’était toi qui avais rédigé tout ça. Je voulais pirater ta webcam, mais tu as désinstallé tout ce qui pouvait la mettre en route...

 — Oui, j'ai nourri une sorte de psychose, je pensais que cette personne pouvait éventuellement m'espionner à travers ma webcam...

Raphaël m’explique qu'à chaque nouvelle stratégie qu’il a tenté pour trouver des indices, il a fait chou blanc. Puis, en dernier recours, il a piraté la page afin de trouvé l’adresse IP utilisée par le voleur d’identité. Il a également vérifié la mienne, la fois où on s’est appelé en visio. Dans d'autres circonstances, je me serais certainement mise en colère, mais à ce stade, je veux juste qu’il trouve l’imposteur.

 — Zoé, me dit le jeune homme d’un air grave. L’adresse IP est la même. Si tu me jures que ce n’est pas toi alors quelqu’un entre chez toi pour poster ces commentaires. Regarde, tout est posté au milieu de la nuit... Je pense vraiment que tu es en danger... Tu devrais mettre des caméras de surveillance aux quatre coins de la maison.

Je n'en reviens pas, tout ça me parait complètement irréel, impossible. Si quelqu'un s'introduisait chez moi au milieu de la nuit, je l'aurais remarqué. Je ne comprends pas.

 — Écoute, je passe te chercher demain, nous irons acheter tout ce qu'il faut pour mettre ton appartement sous surveillance.

 — Est-ce que le voleur d'identité ne va pas pirater ces caméras ? Je n'ai pas envie de lui offrir mon intimité sur un plateau... dis-je d'une voix tremblante.

 — Fais-moi confiance, ces caméras ne seront pas connectées à Internet, elles enregistreront tout sur une carte mémoire. Personne ne pourra les pirater et t'observer à distance.

Le soir même, je reçois un coup de téléphone de Sam. Elle est très en colère. Je suis surprise par la violence de son message.

" Dire que je t'ai cru lorsque tu me disais que ce n'était pas toi, tu es vraiment une pourriture"

Je ne comprends pas, mais une vidéo jointe au texte, va mettre fin à mes interrogations. Sam a une caméra de surveillance qui filme l'entrée extérieure de sa maison et son jardin. Sur cette vidéo, on distingue une femme franchir le portail et accrocher une feuille sur la porte d'entrée. Cette intruse me ressemble comme deux gouttes d'eau, c'est mon portrait craché. Un frisson d'horreur me parcourt l'échine. Je n'ai jamais mis les pieds chez Sam, je ne sais même pas où elle habite. On ne s'est jamais vues en dehors du travail, même pas pour boire un verre, comment aurais-je pu savoir où elle habite... L'individu sur la vidéo fait ensuite le tour de sa maison afin de vérifier si quelqu'un est à l'intérieur. Elle examine chaque fenêtre, chaque entrée qui permet d'avoir une vue sur l'intérieur. La vidéo se termine au moment où l'inconnue se dirige vers la sortie. Un autre message suit celui-ci, une photo de la feuille accrochée sur sa porte d'entrée, j'imagine :

"Suicide toi, suicide toi, suicide toi, suicide toi"

Je fonds en larmes, jamais je n'aurais écrit quelque chose d'aussi ignoble. Tout ça n'est plus seulement virtuel, ça devient vraiment concret. Quelqu'un a du pirater la caméra de Sam et remplacer le coupable par ma silhouette. Je ne comprends pas, je suis perdue, qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce que j'aurais bien pu faire pour que quelqu'un s'en prenne à moi comme ça ? Mon portable sonne de nouveau.

"Si tu remets les pieds chez moi, je porte plainte. Je ne veux plus entendre parler de toi, est-ce que c'est clair ?"

Je ne réponds pas. Les images me montrent clairement en train de déposer ce papier sur sa porte... La seule personne qui m'accordait encore un tant soit peu de confiance, vient de me tourner le dos à son tour.

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