Chapitre 6
Pendant ce temps, dans la magnifique demeure des de Peyrac, Anise se prélassait devant l'immense piscine qui était installée dans une des plus grandes pièces du château. Une idée qui venait, bien évidemment, de la maîtresse de maison, elle n'avait pas regardé à la dépense.
Cependant le résultat était un enchantement pour les yeux, même si cela n'était guère utile puisqu'il y avait dans le jardin, une autre grande piscine.
Pour Anise, une piscine serait utilisée pour l'été et l'autre pour l'hiver avec pour conséquences des dépenses en perspective. Elle se reposait lorsqu'elle fut interrompue par la venue de Belle. En voyant son visage, on pouvait croire qu'elle avait vu un fantôme.
- Que se passe-t-il ma fille ? Pourquoi es-tu aussi pâle ? Demanda Anise en sirotant son verre de jus de citron.
- Tu ne devineras jamais qui je viens de voir, lança-t-elle après avoir repris son souffle.
Et Belle se tut un moment.
- Eh bien, demanda Anise impatiente, vas-y, dis-le-moi !
- J'ai vu Heera en compagnie de Philippe dans un café, ce matin même, répondit- Belle d'une voix chargée de colère contenue.
En entendant cela, Anise bondit sur sa chaise longue.
- Comment ? Tu as vu cette bâtarde avec le Comte ? Cria-t-elle furieuse.
- Oui, comme je te vois. Ils avaient l'air de bien s'entendre et ils semblaient très proches, constata-Belle.
Sa voix était tellement remplie de haine, que cela était effrayant, alors qu'elle avait un visage d'ange.
- Comment avons-nous pu rater cela ?
- Peut-être qu'on ne s'inquiète pour rien et qu'ils se sont croisés par hasard, hasarda Belle.
- Ne soit pas bête ma fille, il est évident qu'ils se connaissent depuis un certain temps si tu me dis qu'ils semblaient proches.
Le fait seulement de penser qu'ils puissent être ensemble, Anise ne pouvait le supporter. Qu'il s'agisse d'une autre femme cela lui convenait, mais pour Heera, elle ne pouvait le tolérer. Philippe était pour sa fille et pour personne d'autre.
- Je dois avoir une discussion sérieuse avec elle, et si elle ne m'écoute pas... déclara Anise froidement.
Voyant que sa mère ne faisait plus attention à elle, Belle s'en alla emplie de haine envers sa sœur. Quant à Anise, son esprit tournait comme un moteur puissant en surcharge. Elle en suffoquait presque mais elle réussit à se contrôler.
« Je ne pensais pas qu'elle avait pris autant d'avance, je dois absolument faire quelque chose pour empêcher que cette relation n'aille plus loin. J'utiliserai tous les moyens nécessaires afin d'atteindre mon objectif. Quoi qu'il m'en coûte, je réussirais à la faire tomber ».
Elle n'avait pas sacrifié toutes ces années auprès d'Aymeric pour rien. Elle se devait d'agir pour son bien. Quoi qu'il puisse l'en coûter, elle aurait une discussion avec sa « fille ».
« Bon sang, comment ai-je pu manquer cela ? Je lui ai laissé une longueur d'avance ! Maudit soit le jour qui l'amena dans cette demeure ».
Anise semblait suffoquer de ce trop-plein de haine envers la jeune fille qui rendait ses traits, habituellement magnifiques, d'une laideur incroyable. Il était difficile de reconnaître le visage de la belle femme sous ce masque effroyable. Quoi qu'il lui en coûtât, elle devait avoir une sérieuse discussion avec la jeune femme afin de mettre les choses au clair.
Quelques instants plus tard, lorsque Heera arriva, le majordome l'informa que sa mère voulait s'entretenir avec elle et l'attendait près de la piscine.
Intriguée, Heera restait méfiante. C'est avec un visage fermé qu'elle rencontra sa mère devant la piscine. À peine, était-elle arrivée qu'Anise cracha son venin.
- Comment as-tu pu faire cela, petite ingrate ? N'as-tu donc aucun respect pour ceux qui t'ont élevée ?
Heera la regarda sans comprendre. De quoi pouvait-elle parler ?
Anise, en voyant le visage perplexe de sa fille, sortit de ses gonds.
- Ne fais pas celle qui ne sait rien ! Je suis au courant pour Philippe. Tu ne sais donc pas qu'il n'est pas pour toi et que jamais vous ne serez ensemble !
En entendant ce chapelet de reproches, Heera esquissa un sourire.
- C'est donc pour cela que vous m'avez fait appeler ? Si vous êtes tellement bien informée, pourquoi alors me le demander ?
- Est-ce vrai ou faux ?
- Je n'ai pas à répondre, ce que je fais de ma vie ne vous regarde pas ! Répondit Heera froidement.
- Comment oses-tu me parler de la sorte, fille ingrate ? s'indigna Anise en haussant la voix.
- Pardonnez-moi, mais c'est vous qui êtes ingrate. Vous ne travaillez guère et êtes la première à tout dépenser. De plus, vous ne m'avez pas élevée, c'est mon père qui l'a fait, alors vous êtes mal placé pour jouer la mère autoritaire, dit Heera qui semblait perdre le contrôle de ses émotions.
Anise qui s'était levée pour l'affronter, leva sa main pour la gifler mais Heera fut plus prompte qu'elle et c'est avec facilité qu'elle la retint avant qu'elle n'atteigne son visage.
- Ne le refaites plus jamais ou vous pourriez le regretter, gronda-t-elle en foudroyant Anise du regard.
Le regard de la jeune femme exprimait une telle noirceur que sa mère baissa les yeux, mais rapidement elle reprit le contrôle de sa personne. Sans un mot, Heera lui tourna le dos et prit la direction opposée. Anise ne valait pas la peine qu'elle gaspille son temps.
Une fois dans sa chambre, elle s'allongea sur l'immense lit. Elle n'en pouvait plus de ses disputes avec sa mère. Depuis son adolescence, Anise trouvait toujours un prétexte pour la réprimander. Elle réfléchissait à une solution lorsque sa mère fut irruption dans la chambre avec la ferme intention de poursuivre la bataille. Ses traits étaient déformés par la colère, ce qui ne présageait rien de bon.
- Nous n'avons pas fini cette conversation, Heera, tu m'écouteras jusqu'à la fin, cria-t-elle froidement.
Elle laissa un silence de glace avant de déclarer :
- Je veux que tu t'éloignes de Philippe, il est pour ma fille et non pour une sale orpheline comme toi. Je ne le répéterais pas. Et je te préviens, ne t'avise jamais de te mettre en travers de mon chemin sinon tu regretteras le jour de ta naissance, crois-moi !
En prononçant ces paroles, Anise n'avait pas une once d'hésitation, elle irait jusqu'au bout comme elle venait de le dire.
Pour sa part, Heera ne se laissa guère impressionner. Elle avait déjà subi bien des épreuves pour fléchir face aux menaces de cette femme furieuse.
- C'est bon, tu as fini ? Maintenant laisse-moi, je veux être seule, dit Heera catégorique.
Comme pour donner force à ses paroles, elle lui tourna le dos et regarda le jardin. Face à cette attitude désinvolte, Anise ne put que contenir sa rage tant bien que mal. Elle bouillonnait littéralement de haine mais réussit à se contrôler.
« Tu ne perds rien pour attendre ! Maudite fille ! »
Sans un mot, elle s'en alla, elle ne pouvait plus la supporter. Elle devait agir au plus vite avant que son mari ne se doute de quelque chose. Heera sentit le regard haineux de sa mère mais ne se retourna pas et lorsqu'elle fut partie, la jeune femme prit conscience qu'elle devait être sur ses gardes. Il fallait au plus vite qu'elle ait une discussion avec son père.
« Malheureusement, je crois que je vais devoir faire comme Philippe. » se dit-elle avec désolation.
*
* *
Pendant ce temps, Philippe s'informa auprès d'une agence afin d'acquérir au plus vite un appartement. En pensant à sa future demeure, son esprit s'évadait et il voyait sa vie avec Heera, vivre à deux et il regarda encore plus loin, en l'imaginant avec des enfants dans leur petit monde. Ils seraient heureux, ensemble pour toujours. Son esprit partait dans tous les sens mais il réussit à revenir à la réalité.
Tant bien que mal, il reprit ses dossiers et inconsciemment, il esquissa un doux sourire.
« Concentre-toi, mon garçon, tu t'imagines trop de choses. Tu n'es plus toi-même. »
Il consultait un dossier lorsque la secrétaire l'informa que sa mère désirait le voir. Il hésita un instant avant de lui dire d'entrer.
Lorsqu'il la vit, Philippe resta figé devant la femme qui se tenait à la porte. Elle ne ressemblait plus en rien à celle de la haute société. Ses magnifiques traits d'antan s'étaient effacés pour laisser place aux cernes difficilement cachés par un maquillage léger, son front marquait une ride soucieuse. Elle ne dégageait plus cette aura de reine, désormais ce n'était plus qu'une personne ordinaire ayant des problèmes comme le commun des mortels. Caroline n'était plus qu'une femme normale.
Une fois la surprise passée, Philippe l'invita à s'asseoir.
- Bonjour, ...que veux-tu, demanda-t-il tout en continuant à feuilleter ses documents.
- Philippe, je veux...j'aimerais que tu reconsidères ta décision de partir, demanda Caroline d'une voix triste.
Le jeune homme n'en revenait toujours pas, mais il resta de glace face au visage désemparé de sa mère. C'était bien la première fois, qu'il la voyait ainsi et cela en vingt-cinq ans d'existence. Sachant parfaitement qu'elle n'abandonnerait pas aussi facilement, Philippe soupira avant de rétorquer :
- Laisse-moi le temps d'y penser.
Loin de s'être imaginée cette réponse, Caroline essaya de faire bonne figure. Soudain son visage s'illumina, elle venait d'avoir une idée.
- Je te promets de ne plus t'embêter avec cette histoire de mariage, proposa-t-elle d'une voix désespérée.
- Allons donc maman, je ne vous ai jamais vu aussi perdue. Mais comme je te l'ai dit à l'instant, je réfléchirai, maintenant si tu veux bien me laisser, j'ai encore du travail qui m'attends.
Caroline le regarda une dernière fois, les yeux emplis de tristesse. Elle espérait qu'il reviendrait sur sa décision. Jamais elle ne s'était sentie aussi perdue et savait qu'il était trop tard pour recoller les morceaux. Elle s'en alla en laissant un fils qu'elle avait méconnu et le regrettait amèrement.
Caroline prenait conscience de toutes ces années perdues à ignorer la chose la plus importante dans la vie d'une femme : un enfant.
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