Chapitre 10
Lorsque Philippe arriva à son hôtel, sa secrétaire l'informa que la présidente l'attendait dans son bureau. Sans plus tarder, il s'y rendit, ce n'était guère le moment d'être en retard. À son entrée, Anja se tourna vers lui, Philippe fut frappé par le physique de la jeune femme. Il resta stoïque quelques secondes mais se ressaisit et s'assit derrière le bureau.
- Bonjour, madame. Je vous prie d'excuser mon retard, une affaire urgente à régler.
- Ce n'est pas bien grave, à quelques minutes près, répondit Anja, en lui souriant.
- Bien nous pouvons commencer. Donc vous souhaitez investir dans mes hôtels ?
- C'est bien cela. Je veux élargir notre domaine. J'ai beaucoup entendu parler de vous Philippe Darcy. Vous avez une solide réputation dans notre milieu.
- Il s'agit là d'une exagération. Je suis un homme d'affaire comme tout autre.
- Que pensez-vous de ma proposition ?
- J'y réfléchirai. Restez-vous longtemps en France ?
- Oui, j'ai des problèmes personnels à régler, répondit-elle.
« C'est incroyable, elle ressemble à Heera. Ce n'était pas possible et pourtant une telle ressemblance ne pouvait être une coïncidence. Elles devaient avoir un lien quelconque ».
Anja lui inspirait la même confiance qu'en étant avec Heera. Plus il observait chaque centimètre de son visage, plus il voyait le portrait de la jeune femme qu'il aimait. Bien qu'Anja approchât la quarantaine, elle n'avait en rien perdue de sa beauté.
- Excusez-moi de vous poser cette question, mais avez-vous de la famille en France ? Osa-t-il demander.
Anja le regarda surpris de sa question.
- Vous ressemblez étrangement à une jeune femme que je connais, ajouta-t-il lentement.
Philippe prit alors le cadre qui trônait au coin de son bureau. C'était une photo de Heera, souriante, simple. Toute sa joie de vivre s'exprimait au travers de son visage. Ses yeux se remplirent d'amour en voyant ce visage tant aimé.
Anja fut alors frappée par l'amour qu'elle ressentait dans les yeux de ce bel homme. Elle y revoyait le même amour qu'elle avait jadis vu dans les yeux d'Aymeric. La femme qui possédait le cœur de cet homme avait beaucoup de chance d'être aimée avec une telle intensité, une telle force. Philippe lui tendit le cadre afin qu'elle puisse comprendre l'ampleur de l'amour qu'il nourrissait envers la jeune indienne. Curieuse, Anja prit la photographie que lui présentait le jeune homme.
À peine eut-elle regardé le cadre qu'elle se leva de son siège précipitamment, renversant la chaise.
- Heera ! Heera ! Cria-t-elle, les larmes aux yeux. C'est ma fille, où est-elle ? Je veux la voir.
Anja était excitée et heureuse à la fois, elle était proche de sa fille. La sentir si proche accélérait les battements de son cœur. Oui, c'était bien elle. Aucun doute, il s'agissait bien de sa fille. Bien qu'elle éprouvât une joie immense à la revoir, elle dut pourtant se contrôler. Elle n'était pas seule et c'est la première fois qu'elle exprimait ses sentiments devant une tierce personne, à part Velkan. Elle se rassit lentement sous le regard surpris du jeune homme.
Voilà la réponse de cette ressemblance. Le destin est incroyable, après vingt ans de séparation, elles allaient enfin se retrouver. En faisant cette découverte, son cœur se gonflait de joie à l'idée que sa moitié allait retrouver sa mère.
- Alors...Heera est votre fille ? Demanda-t-il gravement.
- Oui, je l'avais laissée à l'orphelinat, ma situation n'était pas stable surtout pour un enfant. J'avais prévu de revenir la chercher mais elle fut adoptée.
- Je comprends...
- Et vous, Philippe ? Quelle relation entretenez-vous avec ma fille ?
Le jeune homme se rappelant la confession qu'il avait faite à l'instant, s'empourpra légèrement.
- Je vais être franc avec vous. Je veux prendre Heera pour femme. Je vais bientôt l'épouser, mais auparavant je dois régler un problème urgent...finit-il le regard sérieux.
- Quel est-il ?
Philippe lui conta les événements depuis sa rencontre avec la jeune fille. Lorsque l'horloge sonna, elle indiquait déjà midi. Le jeune homme termina en lui narrant la tentative d'empoisonnement dont elle avait été victime. Anja explosa de colère mais il réussit à la calmer, enfin, il essaya mais pouvait-on calmer la colère d'une mère ?
- Pourrais-je la voir ? Où se trouve-t-elle en ce moment ?
- Aymeric doit déposer ses affaires à mon appartement dans la soirée. Nous pourrions y aller ensemble ? Qu'en dites-vous ?
- Excellente idée, on se retrouve à 16H00 dans le hall d'accueil.
- Très bien.
Anja se leva et le salua avant de quitter la pièce. Elle allait enfin trouver la paix après 20 ans de ténèbres.
*
* *
Heera était encore sous l'effet du sédatif lorsque son père l'allongea sur le grand lit qui trônait dans la chambre que Philippe lui avait préparée. Il resta près d'elle à la veiller. Il ne pouvait s'empêcher de culpabiliser, il n'avait rien vu, rien soupçonné et pourtant sa fille était en danger. Le médecin avait confirmé la thèse de l'empoisonnement après l'analyse de l'échantillon de sang prélevé.
Quel père indigne faisait-il ? Mais il la protégerait, et ne la laisserait plus courir le moindre risque. Que dirait Anja si elle l'apprenait ?
Il se dirigea vers la cuisine, il avait besoin d'un remontant après tous ces événements. Et rien de mieux qu'un café bien corsé pour laver toute fatigue émotionnelle. Se délectant de l'odeur qui se dégageait de la tasse, il entendit la sonnerie d'entrée retentir, le Comte venait d'arriver. Sans tarder, il se dirigea vers l'entrée.
- Philippe, que doit-on faire...
Les mots s'éteignirent dans la bouche d'Aymeric. Il fixait la femme qui se tenait derrière Philippe. Et le monde s'arrêta de tourner.
Anja !
Oui c'était bien elle. Après toutes ces années, il la revoyait enfin. Elle n'avait pas changé, et demeurait toujours aussi belle. Aymeric resta figé, comme si le temps était suspendu. Il se revoyait 20 ans en arrière, au moment de leur rencontre. Mais avant qu'il n'ait pu réagir, Anja le devança, elle passa devant Philippe sans le voir, et se dirigea vers l'homme qui la hantait depuis vingt ans déjà. Elle s'arrêta à quelques centimètres de lui. Il n'y avait pas besoin de paroles, leurs yeux parlaient pour eux. Tellement d'émotions transperçaient leurs regards que cela se ressentait.
L'atmosphère avait radicalement changé, elle était chargée de sous-entendus, d'interrogations. Philippe tenta de placer un mot mais il se tut devant la scène qui se jouait devant lui.
- Bien, je vous laisse discuter. Je vais voir Heera, dit-il, sachant qu'aucun des deux ne l'écoutait.
Sans plus attendre, il se rendit au chevet de la jeune femme. Quelques minutes s'écoulèrent qui semblaient durer une éternité, Anja et Aymeric se fixaient du regard sans dire un mot. Aussi gênés l'un que l'autre, aucun n'osait commencer.
« Que t'arrive-t-il, Anja ? Ressaisis- toi ! » Se dit-elle.
Bien qu'intérieurement, elle fût déterminée à parler, aucun son ne sortait de sa bouche. Ce fut Aymeric qui prit la parole, il sentait le malaise qui la tenaillait, et se trouvait dans le même état, mais devait réagir au plus vite.
- Tu...Tu es en pleine forme ! Dit-il, d'un seul trait.
- Toi aussi répondit tout simplement la jeune femme.
C'est la première fois, qu'elle ne parvenait pas à s'exprimer. Son talent d'oratrice lui faisait défaut maintenant, alors qu'elle avait affronté des hommes bien plus influents que celui qui se tenait devant elle.
- Qu'as-tu fait ces dernières années ? Parvint-elle à demander.
- J'ai créé ma propre entreprise...
- Et tu as fondé une famille, continua-t-elle, tu n'as pas à le cacher. Tu es parfaitement dans ton droit.
Elle se dirigea vers la fenêtre, elle ne pouvait plus supporter le regard d'Aymeric. Bien qu'il se trouvât dans la même pièce qu'elle, Anja n'arrivait toujours pas à croire ce qui lui arrivait. Tout s'enchaînait trop rapidement, et en même temps.
- Veux-tu parler de ce qui s'est passé, il y a vingt ans ? Proposa le père d'Heera.
- Non, cela ne sert à rien de ressasser le passé, pour l'instant ce qui importe pour moi, c'est ma fille. Philippe m'a fait savoir qu'une certaine personne a essayé de l'empoisonner. Est-ce là ta façon de t'occuper de notre fille, Aymeric ?
- Je suis tout aussi surpris que toi Anja. Mais ici, elle ne court aucun risque, assura-t-il fermement.
- As-tu une idée du coupable ?
Aymeric n'osa répondre à cette question sachant pertinemment que le coupable était sa propre femme, ou du moins, il la soupçonnait. Mais il ne pouvait avouer à Anja ce qu'il en était. Il essaya de trouver une réponse adéquate, mais celle-ci le devança.
- Ne te fatigue pas. Velkan, dans son rapport, a mentionné l'antipathie de ta femme pour ma fille, répondit-elle froidement.
- Velkan ? Qui est-ce ? Demanda-t-il, un brin de jalousie dans la voix.
- Mon confident et homme de confiance.
Aymeric allait exiger plus d'explications mais se retint à temps. Il n'en avait pas le droit. Il était normal qu'elle refasse sa vie. Naïvement, il avait cru qu'elle l'avait attendu tout ce temps. Il n'allait pas se comporter en homme jaloux après toutes ces années. Leur priorité était leur fille.
- Très bien, l'heure des retrouvailles a sonné, dit-elle en se dirigeant vers la chambre d'Heera.
Sans un mot, Aymeric la suivit. Le moment qu'il attendait depuis vingt ans allait enfin arriver. Ils allaient être enfin réunis.
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