Chapitre 12
Belle se tenait, droite, devant l'immense bâtiment de la société de son père. Toute la nuit, elle avait mûrement réfléchi et pris une décision. Elle avait décidé, pour commencer, d'avoir une discussion franche avec son père ainsi elle pourrait prendre un nouveau départ. Belle voulait réussir là où elle avait échoué, en tant que fille et sœur. Consciente que cela ne sera pas une tâche facile, elle ferait tout afin de corriger ses erreurs passées. Elle respira calmement, et entra d'un pied ferme.
À son entrée, tout le personnel, incrédule, la regarda. C'était bien la première fois que la deuxième fille du patron venait le voir. Tous les regards braqués sur elle accentuaient les battements de son cœur. Lorsqu'elle arriva devant le bureau, elle tenta de se calmer avant de frapper.
- Entrez ! Répondit une voix grave de l'autre côté de la porte.
Belle entra et vit son père, la tête plongée dans un dossier.
- Bonjour, papa ! Murmura la jeune femme.
Aymeric leva les yeux, et lorsqu'il découvrit sa fille, il bondit de son fauteuil.
- Belle...Que fais-tu ici ?
Bien qu'il fût secrètement heureux de voir sa fille, dans son lieu de travail, il ne put s'empêcher de trouver cela pour le moins étrange.
- Je voulais avoir une discussion franche avec toi, cependant à la maison cela m'est impossible.
- Très bien, je t'écoute.
Belle, une fois installée sur la chaise disposée en face du bureau, respira lentement avant de se lancer.
- Avant tout, je tenais à m'excuser, père. Je sais que je n'ai pas été une fille facile. Je suis consciente de t'avoir déçu alors que tu m'as tout donné. Je souhaiterais me racheter, et repartir de zéro en agissant correctement. Heera avait raison, je me suis laissé manipuler par maman depuis trop longtemps. J'aimerais pouvoir t'aider et prendre enfin ma vie en main.
Aymeric écoutait les propos de sa fille, c'était la première fois qu'il l'entendait parler ainsi. Il n'espérait plus de changement de sa part et pourtant, elle se tenait devant lui, repentante. Belle ne bougeait plus, craignant la réaction de son père. Plus les secondes s'écoulaient plus les battements de son cœur s'accéléraient.
- Ma foi, je n'espérais plus de changement de ta part. Mais je suis agréablement surprise par ta prise de conscience. Il n'est jamais trop tard pour bien faire, répondit-il chaleureusement.
Pour accentuer ses paroles, Aymeric se leva et serra sa fille dans ses bras. Belle envahie par la chaleur paternelle se laissa emporter par cette étreinte.
- Tu peux commencer dès maintenant. Je te préviens tout de suite, que ce ne sera pas une tâche aisée. Il faudra t'armer de courage.
Belle regardait son père, déterminée.
- Je ferais ce qu'il y a à faire. Je veux suivre l'exemple de ma sœur.
Et Belle retrouva la sérénité dans les bras de son père. Elle prenait un nouveau départ et savait que son père ainsi que Heera seraient à ses côtés afin de la soutenir.
- Je dois te dire, Heera a retrouvé sa mère biologique, dit Aymeric.
- Vraiment ? J'imagine la joie qu'elle doit éprouver, répondit-Belle en souriant.
- C'est la présidente du groupe REALYS.
Belle, une fois la surprise passée, rétorqua :
- Eh bien ! Je sais que cette nouvelle ne va pas faire plaisir à tout le monde, dit Belle énigmatique.
- Ferais-tu allusion à ta mère ?
- Oui. Elle prenait un certain plaisir à rabaisser Heera. Je regretterai toujours d'avoir été sa complice.
- Écoute, Belle ! Tu as pris un nouveau parcours alors ne pense plus au passé. Regarde vers le futur, conseilla Aymeric.
Belle afficha un merveilleux sourire. C'était la première fois que son père lui prodiguait un conseil.
- Je sais, d'avance, qu'Heera serait très heureuse de te voir à son mariage.
- Son mariage ?
- Oui, je pense que ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle n'épouse Philippe.
La jeune femme n'était guère surprise par cette nouvelle puisqu'elle savait qu'ils étaient très proches. Lorsqu'elle les avait vus au café, l'alchimie entre eux était plus flagrant que des mots.
Malgré son repentir, Belle ne pouvait s'empêcher d'éprouver un pincement au cœur, tout comme sa sœur, elle espérait trouver sa moitié. Cependant, elle devait d'abord changer avant de penser à l'amour et cela ne se ferait pas sans difficulté. Mais elle était décidée et rien ne pourrait l'arrêter.
*
* *
Dans la semaine qui suivit, Aymeric avait longuement hésité avant d'organiser une rencontre entre les deux sœurs. En effet, il devait avant tout éprouver la détermination de sa cadette. Même s'il applaudissait le courage de celle-ci dans son désir de se détacher de l'influence néfaste de sa mère, il accepta avec méfiance ce changement.
Connaissant sa femme, Aymeric la savait capable d'utiliser Belle à ses fins. À sa plus grande surprise, Belle ne s'était pas plainte une seule fois, et son travail était plus que satisfaisant. Chaque jour, Aymeric était le témoin du changement de sa fille. Une transformation qu'il avait espérait depuis fort longtemps. Devant l'évidente implication de sa fille dans son travail, Aymeric conclut que celle-ci était sincère.
C'est pourquoi, il avait décidé d'organiser une rencontre entre ses filles. Elles ne pourraient pas éternellement s'éviter, autant crever l'abcès tout de suite comme dit le proverbe. Et dans cet optique, il avait choisi son lieu de travail, neutre, aucun facteur extérieur ne viendrait les déranger. Ainsi à dix heures précises, il eut le plaisir de voir ses deux charmantes filles dans son bureau.
Lorsqu' Heera arriva, elle ne reconnut pas Belle. Cette dernière avait pris de l'assurance et toute sa personnalité dégageait d'une sérénité autrefois inexistante. Cette apparence, qui était par le passé superficiel, revêtit aujourd'hui une autre forme. C'est un point qu'elle pouvait l'octroyer. Cependant, comme son père, Heera se méfia devant le revirement de sa sœur. Après tant d'années sous l'influence néfaste de sa mère, elle doutait de la sincérité de sa sœur. D'où cette réserve qu'elle dégageait en face Belle.
Cette dernière sentant l'état de nervosité d'Heera se figea sur son fauteuil, aucun son ne sortant de sa bouche crispée. En dépit des sueurs froides qui s'écoulaient le long de son beau visage, elle trouva le courage d'entamer cette conversation.
- Je suis heureuse que tu ais enfin pu rencontrer ta mère, commença-t-elle, d'une voix tremblante.
- Je te remercie ! ...Je vais être franche avec toi, je suis étonnée de ton revirement. Depuis notre enfance, je n'ai pas l'impression que tu ais témoigné une once d'amour familial, lâcha Heera d'un trait, comme soulagée d'un poids lourd.
Désarçonnée, Belle se doutait de l'avalanche qu'elle allait recevoir mais pas si tôt. D'un autre côté, il fallait être franche dès le départ. Avant de répondre, Belle réfléchit avant de répondre :
- Tu as raison, je ne t'ai jamais aimé. Mais je me suis rendue compte au fils des années que j'ai suivi l'opinion de maman aveuglément, avoua la cadette humblement.
- Qu'est-ce qui t'as fait changer d'avis ?
- C'est toi. Tu m'as ouvert les yeux lorsque j'ai compris que tu avais raison en disant que je n'étais que la marionnette de maman.
Belle se leva et se dirigea vers la fenêtre, intérieurement, il lui était insupportable d'être dans la même pièce que sa sœur, sachant le calvaire que celle-ci avait subi en partie à cause d'elle et de la haine d'Anise. Pourrait-elle un jour lui pardonner ?
- Tout ce que je désire c'est obtenir ton pardon, ce n'est qu'ainsi que je pourrais commencer une nouvelle vie. Je suis consciente que je ne suis pas en mesure de te demander cela mais je sais qu'il n'est pas trop tard pour réparer les erreurs du passé.
Heera s'était retournée afin de vérifier qu'elle ne rêvait pas. Sa propre sœur qui lui avait témoigné tant de mépris, faisait preuve d'une humilité qui ne contrastait en rien avec sa matérialité. Mais, Heera possédait une âme trop généreuse pour tourner le dos à une personne repentante car lui refuser le pardon ne la rendrait pas meilleure que sa mère adoptive.
À sont tour, elle se leva et vint à côté de sa sœur. Lentement, elle posa sa main sur son épaule, essayant de contrôler le tremblement qui l'envahissait. À son contact, Belle se retourna, interprétant ce signe comme un encouragement.
- Je ne suis pas si rancunière au point de fermer la porte à une nouvelle entente, dit simplement la jeune indienne, d'une voix douce.
Belle ne perdit pas une seconde à la perche qu'on lui tendait et se précipita dans ses bras dans une étreinte chaleureuse. Pendant des minutes qui semblaient durer une éternité, aucune parole n'était prononcée, aucun son ne se faisait entendre, seulement les battements de cœurs des deux sœurs enfin retrouvées.
- Je suis tellement désolé, Heera ! Tellement désolé ! murmura Belle sur l'épaule de sa sœur.
Devant cet élan de sincérité, elle resserra son étreinte, espérant apaiser les tourments de Belle.
- Allons, ne te tracasse plus pour ça ! Oublions-le passé et profitons de la nouvelle vie qui s'offre à nous !
Au même instant, Anja entra dans la pièce accompagnée de Velkan. Ce dernier, séduisant dans son tailleur gris, nota immédiatement la présence de Belle dans la pièce. Il l'avait vu en photo mais la réalité dépassait de loin l'image en sa possession.
- Maman, je te présente ma sœur, Belle, dit Heera, souriante.
Anja s'avança avec toute l'assurance qu'était la sienne et fit face à la jeune femme. Sans aucune gêne, elle l'enlaça comme le ferait toute mère. Belle, étonnée, ne réagit pas mais au fil des secondes, elle s'habitua à ce geste maternel qu'elle n'avait jamais vu avec sa propre mère, et qui pourtant révélait un amour ardent. Petit à petit, Belle se détendit et se laissa emporter par la torpeur que lui procurait cette étreinte.
Malheureusement, elle devait l'admettre, Anise ne dégageait pas ce sentiment ardent. Seule la froideur l'habitait, glaçant son entourage et éloignait toute chaleur essayant de s'en approcher. Belle en avait fait très tôt l'expérience, et avec les années, elle s'habitua à cette hostilité qui personnifiait sa mère.
- Enchantée de te connaître, Belle ! Comme tu le sais déjà, je suis la mère d'Heera, je te présente Velkan, mon homme de confiance et grand ami, dit-elle en se tournant vers ce dernier.
Belle croisa son magnifique regard gris et sentit une décharge parcourir l'ensemble de son corps. Jamais, elle n'avait vu un homme aussi captivant et mystérieux. Ce dernier, tout aussi subjugué, saisit la main qu'on lui tendait et il se pencha en déposant un léger mais insistant baiser.
- Enchanté de vous rencontrer, dit-il d'une voix grave aux accents chaudes.
Belle frémit à son contact tant physique que visuel. Pour la première fois, elle ne savait que dire devant un homme. Amusé par sa réaction, Velkan esquissa discrètement un léger sourire et s'effaça discrètement derrière Anja mais en continuant de fixer la jeune femme.
*
* *
À partir de ce moment, il semblait régner un havre de paix sur la famille de Peyrac. Belle faisait des progrès de jour en jour et montrait la même détermination que sa sœur dans son travail. Elle avait ainsi gagné le respect de tout le personnel de l'entreprise familiale. Son père éprouvait une énorme fierté en voyant l'entente entre ses deux filles. En effet, elles s'étaient énormément rapprochées, comme pour effacer ces années perdues. Elles avaient ainsi oublié le passé et se tournèrent vers un futur meilleur qui s'ouvrait à elles.
Peu de temps après, Belle eut l'occasion de faire plus ample connaissance avec la mère d'Heera. Elle constata la grande différence qui existait entre Anise et Anja. Cette dernière dégageait l'amour maternel que Belle n'avait jamais senti avec sa propre mère. La jeune femme s'entendit parfaitement avec Anja et elles devinrent très proches. Avec sa sœur, Heera sentait que la famille était enfin complète.
C'est dans cette atmosphère de paix, qu'Heera prononça ses vœux. Elle avançait lentement au bras de son père. La jeune femme portait une magnifique robe blanche en bustier incrustés de perles nacrées. Son voile couvrait entièrement son visage, mais pas assez pour cacher son sourire resplendissant. Son regard pétillant ne fixait que le séduisant jeune homme qui l'attendait près de l'autel. Philippe était magnifique dans son costume anglais noir. Son regard répondait à celui de sa future femme. Tous deux remplis d'amour réciproque. À côté du marié se tenait Velkan tout aussi séduisant dans son smoking, il était le témoin de Philippe et Belle celui de sa sœur. Elle regardait le sublime marié, le cœur en paix et rempli de joie. Depuis sa réconciliation, elle était heureuse comme elle ne l'avait jamais été. Et finalement, la jeune femme avait trouvé l'amour en la personne de Velkan. Grâce à Heera, Belle se savait heureuse et lui en serait à jamais reconnaissante. La jeune femme pensait à ce que serait devenue sa vie, si elle était restée avec sa mère, renfermée dans la rancœur, une vie de solitude et de ténèbres. En voyant Heera, la jeune femme pensait qu'elle avait fait le bon choix et ne le regrettait pas.
Plus la future mariée avançait au bras de son père, plus les battements de son cœur s'accéléraient. Heera allait commencer une nouvelle page de son existence avec l'homme de sa vie. Lorsqu'ils arrivèrent près de Philippe, celui-ci lui présenta à son tour son bras. Il semblait dire que maintenant c'était lui qui la protégerait. Aymeric, avec fierté, lui confia sa fille. Il pouvait faire confiance au jeune homme pour la guider jusqu'à la fin.
Ensemble, ils s'avancèrent devant l'autel. Le prêtre commença la messe et Heera l'écoutait attentivement. La jeune femme se mit alors à penser à sa rencontre avec le Comte. Lorsqu'elle l'avait aperçu à sa soirée d'anniversaire, elle était loin de s'imaginer avoir une quelconque relation future. Et maintenant, ils étaient ensemble, commençant une nouvelle vie.
Parmi toutes les femmes, il l'avait choisie, il avait porté son attention, son amour sur elle. Ils avaient partagé des moments forts, intenses. Et en plus du mariage, ils allaient être liés pour l'éternité. Heera ne l'avait dit à personne, attendant le moment propice, elle attendait un enfant de Philippe. Avec les préparatifs, elle n'avait pas eu l'occasion de lui parler. Même si elle redoutait sa réaction, elle était parfaitement heureuse avec cet enfant qui grandissait dans son ventre.
Heera revint à la réalité au moment de l'échange des anneaux. Philippe avait choisi pour la jeune femme une alliance en diamant comme son prénom.
Le baiser conclut la cérémonie. Le jeune homme lui murmura délicatement :
- Je te promets de te rendre heureuse.
Heera le regardait, les yeux chargés d'amour. Ils formaient vraiment un beau couple. Outre la différence de couleurs, ils se complétaient parfaitement. Il était rare de trouver des couples qui reflétaient autant le bonheur mais Philippe et Heera étaient l'exception qui confirmait la règle.
La famille s'était retrouvée dans la résidence de Philippe. Elle se réunissait pour une petite fête discrète en l'honneur du couple.
Ils recevaient les félicitations de tous leurs proches. Peu de temps après, la jeune mariée décida de prendre la parole.
- Je vous remercie pour votre présence en ce jour important. Sans vous jamais je n'aurai pu réaliser ce rêve...Maman, papa, Belle, Velkan, je vous dois mon bonheur.
Heera s'interrompit et se tourna vers celui qui était maintenant son mari.
- Je te promets de te rendre heureux pour l'éternité, Philippe. J'espère que nous serons heureux tous les trois, continua-t-elle, d'une voix douce.
Un lourd silence suivit sa déclaration. Aucun son n'était entendu. Ne voyant aucune réaction, Heera décida de reformuler sa déclaration.
- ...Je suis enceinte !
C'est alors que la réaction se produisit et la famille laissa éclater sa joie. Anja se précipita sur sa fille et l'embrassa chaleureusement tout en la félicitant. Et ainsi chacun la complimenta. Lorsqu'elle se tourna vers son mari, Heera n'osait pas affronter son regard de peur de sa réaction. Tout à coup, elle se sentit envelopper et virevolter dans les airs. C'était Philippe, heureux de cette excellente nouvelle, qui laissait exploser sa joie. Alors il l'embrassa passionnément, voulant lui transmettre son bonheur.
- Tu me fais le plus beau des cadeaux, ma chérie. Être père, je vais être papa, répéta-t-il, ahuri.
- J'ai préféré attendre après notre mariage pour te l'annoncer, ajouta Heera.
Aymeric, qui était resté silencieux, ne put contenir son bonheur. Il embrassa sa fille.
- Je suis très heureux pour toi, mon enfant.
C'est dans la joie que se termina la soirée. Aymeric et Anja partirent les premiers, suivis de Belle et Velkan. Heera avait maintenant enlevé sa robe et avait enfilé un déshabillé en satin. Philippe en avait fait de même. Ils étaient installés confortablement dans le grand sofa, enlacés.
Ils regardaient le feu qui crépitait dans la cheminée.
- Connais-tu le sexe de l'enfant ? Demanda le jeune homme.
- Non, c'est encore trop tôt pour se prononcer.
Son mari l'embrassa délicatement sur le front.
- Philippe...Vas-tu le dire à ta mère ? Ajouta-t-elle, doucement.
Elle savait que c'était un sujet assez délicat.
- Je dois t'avouer que j'ai un doute. Elle n'a pas été une bonne mère. C'est dur à accepter pour moi.
- Tu devrais essayer de lui parler, lui laisser une autre chance. Notre enfant a le droit de connaître ses deux grand-mères, argumenta la jeune femme.
Heera avait les mots pour le conseiller. Elle était la voix de la raison.
- Je réfléchirai, dit-il, évasivement.
Le jeune homme s'empara de ses lèvres, concluant ainsi la discussion.
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