• Je me réveille avec l’odeur des crêpes qui flotte dans toute la maison.

Ma mère chante dans la cuisine, une vieille chanson française qu’elle ne finit jamais mais qu’elle recommence toujours avec le même sourire. Mon père est assis à la table, encore en pyjama, les cheveux en bataille, son café à la main. Il lit le journal à voix haute comme s’il voulait nous faire rire. Et moi, je ris. Comme tous les matins.

La lumière du soleil passe à travers les rideaux, douce, tiède, dorée. Mon petit monde est calme. Parfait.

Ma mère me lance un clin d’œil par-dessus sa spatule.

— Debout la Belle au bois dormant, dit-elle en riant.

Je roule des yeux. Elle adore faire des jeux de mots avec mon prénom. Et pour une fois, je trouve ça presque mignon.
Mon père me tend une crêpe roulée au sucre, encore chaude.

— Elle est pour toi, ma championne.

Il m’ébouriffe les cheveux en m’embrassant sur le front. Sa barbe pique un peu, mais je m’en fiche. C’est doux quand même.

Je m’assois entre eux. On mange tous ensemble. On parle de tout et de rien. Maman dit qu’on ira faire les magasins cet après-midi, juste elle et moi. Papa promet de m’emmener au cinéma ce week-end, "un vrai film de grand", pas un dessin animé.

Je souris. Tout est simple. Tout est chaud. Tout est normal.

Et puis, soudain,
la lumière change.

Le rire de ma mère s’arrête.
Le journal de mon père disparaît.
Les crêpes n’ont plus de goût.
Le sol se dérobe sous mes pieds.

Je me réveille.
La vraie vie revient.
Et le silence, surtout, ce silence froid et lourd qui remplace tout le reste.

J’ouvre les yeux.
Je suis seule.
Comme d’habitude.