Chapitre 3 : Invisible a l'oeil nu

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Ça commence toujours dans les couloirs.

Je marche vite, comme d’habitude. Sac serré contre moi, yeux rivés sur le sol. Ne pas croiser de regard. Ne pas réagir. Ne pas exister.
Mais même quand je fais tout ça, je ne passe jamais totalement entre les mailles.

— Bah alors, la Belle ? On a perdu sa couronne ?

Je reconnais la voix sans même lever la tête. C’est Hugo. Encore lui. Toujours lui.
Rire gras derrière. D’autres suivent. Je ne sais même plus qui. Les moqueries sont un chœur anonyme, une bande-son qui m’accompagne depuis toujours.

Quand j’ouvre mon casier, un papier plié m’attend.
Pas un mot d’amour. Pas un secret.
Juste un mot, en lettres capitales, noires, tracées au marqueur :

MONSTRE

Je le froisse sans lire plus. Je ne leur donne pas le plaisir d’un froncement de sourcils. Pas une réaction. Je suis un mur. Un mur qui a appris à tenir.

En cours, c’est pas mieux.
Une boulette de papier atterrit sur ma table.
Puis une deuxième.
Un rire étouffé à ma droite.

Le prof continue de parler comme si rien ne s'était passé. Il ne voit rien. Il ne veut pas voir. Ou peut-être qu’il se dit que j’ai l’habitude.
C’est vrai. J’ai l’habitude.
Mais ça fait mal quand même.

À la récré, je fais semblant de chercher un truc dans mon sac, assise sur un banc.
Personne ne vient me parler.
Personne ne vient jamais me parler.
À force, j’ai appris à compter les fissures sur les dalles de la cour. Il y en a 32 devant le bâtiment B. Une est en forme de cœur, ou presque. J’y reviens toujours.

Le déjeuner, c’est le moment que je déteste le plus.
La queue, les plateaux, les rires, les tables pleines où il n’y a jamais de place pour moi.
Je mange seule, comme d’habitude. Au fond de la cantine, près de la fenêtre.

Je mâche sans avoir faim. Je n’écoute pas. Je ne regarde personne.

Mais aujourd’hui, quelque chose me fait lever les yeux.

Mélanie.

La reine du collège. Belle, blonde, regard qui tue. Toujours entourée. Toujours bruyante.
Sauf maintenant.

Elle me regarde.
Pas comme les autres. Pas en riant. Pas avec moquerie.
Juste… elle me regarde.

Je fronce légèrement les sourcils. Elle ne dit rien. Elle ne détourne pas le regard non plus.

C’est étrange. Inconfortable. Presque pire que les insultes.

Pourquoi elle me regarde ? Est-ce qu’elle prépare un truc ? Un pari ? Une blague ?
Je détourne les yeux, le cœur un peu plus serré que d’habitude.

Je finis mon repas vite, même si j’ai à peine touché à mon yaourt.
Je me lève. Je prends mon plateau.
Je ne regarde personne. Je dépose tout en silence.

Et je retourne en cours.
Comme si de rien n’était.
Comme tous les jours.

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