Des silences qui valent mille mots
Il est vrai que je ne suis pas très bavarde. Non pas parce que je n’ai rien à dire, mais parce que certains silences ont bien plus de sens que des épilogues barbants.
J’ai appris à habiter ce monde que je ne comprends pas vraiment. Mais soyons honnêtes… Qui le comprend réellement ? Depuis le début, nous jouons à un jeu de plateau sans queue ni tête, auquel nous inventons des règles absurdes et dans lesquelles nous nous noyons.
C’est parce que je ne comprends pas que je préfère garder le silence. À quoi bon dérouler un monologue sur quelque chose qui m’échappe complètement ? N’avons-nous pas mieux à faire ? Mieux à nous dire ?
Pour ma part, j’ai appris à écouter. Tous les jours, les gens me parlent, me racontent leur vie, leurs petits tracas, leurs angoisses, parfois… Et moi, j’écoute, sans couper la parole, accordant toute mon attention à mon interlocuteur. Certains se surprennent même à me raconter leur histoire sans même me connaître ! Apparemment, c’est parce que je suis une oreille attentive. Il arrive que l’on se questionne sur mes silences, ces derniers demeurant indéchiffrables.
On pourrait penser que je m’en fiche, que cela ne m’évoque rien, que je n’écoute tout simplement pas. Mais en réalité, à travers mes silences, j’invite autrui à s’asseoir autour d’un feu, à nourrir ce dernier de ses mots, de ses maux, mais aussi à se réchauffer. Parfois, je propose de manger des marshmallows, parce que le sucre apporte du réconfort. Mais la plupart du temps, je ne dis rien, observant les flammes projeter différentes ombres sur le visage de la personne en face de moi. Ainsi, je peux y lire tout ce qu’elle ressent, au plus profond de son être, et ce, même à travers son langage non verbal.
Le feu ne s’éteint jamais. Car après tout, il y a toujours des choses à dire. À la fin de notre échange, les gens se lèvent, époussètent leur pantalon, esquissent un sourire et me remercient. Cela se perd à ce point, l’écoute ? Au point de remercier celui ou celle qui veut bien l’accorder ? Ne doit-on pas s’écouter pour se comprendre ?
Je ne comprends rien, parce que les gens parlent tous en même temps, et ce, beaucoup trop fort… alors qu’ils sont tous sourds. Sûrement parce qu’on leur a appris à écouter les gens dits « supérieurs » à eux, mais jamais ceux qui les entouraient. Eux qui étaient pourtant les rois du silence, lorsque leur professeur leur demandait de se taire pour expliquer la consigne.
Pour ma part, je suis toujours une adepte du silence. Non pas parce que je suis désintéressée, mais parce que je suis disponible. À travers mon mutisme, je partage les traumatismes, les pleurs, les rires, les moments précieux… et tout cela n’a pas besoin de mots. Il suffit juste d’une oreille attentive pour les écouter…

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