Chapitre 08

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Sous le choc

Nal’ki

Je m’avance dans la rue au milieu des bâtiments détruits maintenant que l’effervescence est un peu retombée. Gérer l’urgence, ce n’est jamais très compliqué. On applique les procédures, on fait le nécessaire pour mettre à l’abri ce qui peut l’être et on espère que ça ira mieux après. Par contre, cet “après” arrive vite et là, c’est le début des vrais problèmes, ceux qui ne s’effacent pas d’un claquement de doigt ou d’un ordre aboyé avec autorité.

Je déambule entre les ruines des deux maisons qui ont été touchées plus particulièrement. Quel désastre ! Je ne comprends pas pourquoi les humains font preuve de tant de violence après tout ce temps depuis notre arrivée. Ils sont vraiment si malheureux que ça ? Pourtant, depuis que nous avons mis le pied sur Terre, la paix règne partout sur la planète. On a même arrangé la situation écologique qui partait vers du n’importe quoi. Certes, on a pris le commandement de tous les systèmes politiques, mais c’est pour le bien de tous. Et là, une explosion de violence gratuite et dirigée contre nous. Peut-être que c’est parce qu’ils nous considèrent comme des parasites alors que nous sommes l’avenir de leur société ?

J’essaie de comprendre ce qu’il s’est passé, ce qui n’est pas facile. A priori, deux bombes artisanales dirigées avec des ondes radios à l’ancienne, indétectables des robots qui surveillent les espaces publics. Ils sont forts, ces rebelles. Ou plutôt, elles sont fortes, ces Valkyries. Car c’est elles, d’après les quelques informations que j’ai réussi à glaner. Je soupire car je sens un peu de découragement me saisir. C’est moi qui ai la responsabilité de cette zone, une des moins stabilisées, et c’est donc sur moi que va retomber cette histoire, c’est évident. Un peu plus loin, j’aperçois Verlox et me dirige vers lui, le pas lourd.

— Alors, il s’est passé quoi ? Tu sais qui est blessé ? demandé-je en constatant que la zone est désormais couverte par plusieurs drônes de surveillance dont les flashs lumineux balaient tous les recoins. Et c’est quoi, tout ça ? On a abandonné certaines autres zones pour qu’ils soient tous là ? C’est pas malin, ça. Les Valkyries ne vont pas frapper deux fois au même endroit.

Des fois, j’ai l’impression de ne rien diriger du tout. Je suis sûr que ce sont les membres du Conseil depuis le vaisseau-planète qui ont rameuté tous ces engins pour observer ce qu’il se passe, sans souci de la sécurité générale de la zone.

— Des renforts de la zone la plus proche arrivent pour couvrir les territoires alentours. Nous avons plusieurs blessés présents dans ces maisons, mais aussi dans celle d’à côté. Maxim a subi le souffle de l’explosion, ses fenêtres ont éclaté. Sa chambre donnait sur les voisins, il n’est pas très en forme.

— Maxim est blessé ? Il a quoi ? Ne me dis pas que c’est grave, quand même ! m’inquiété-je immédiatement. Il est où ?

— Non, non, il va s’en tirer. Il a été blessé par du verre, il est en train de se faire soigner par un médecin d’ici, chez lui.

— Je te laisse t’occuper de sécuriser la zone avec les autres. Prends un des robots de protection avec toi, il y a eu assez de dégâts comme ça pour aujourd’hui. Moi, je vais voir Maxim.

Je suis inquiet pour mon ami, il n’est pas du genre à être douillet. S’il a fait venir un médecin, c’est que ce n’est pas rien. Je ne m’embête pas à frapper et pousse la porte qui est ouverte. Je tombe sur un salon où il y a du verre partout. Les fenêtres ont été soufflées et tout semble sens dessus dessous. Un espace a été dégagé et un humain s’affaire auprès de mon ami… qui est couvert de sang.

— Maxim, ça va ? m’affolé-je alors que j’écrase du verre à terre en m’approchant.

— Je vais bien, je vais bien, bougonne-t-il. Mais si je chope ces foutues Valkyries, elles vont passer un sale quart d’heure.

— Tu es sûr ? Tu es couvert de sang !

Et il a même une belle estafilade sur le côté du visage qui va lui faire une belle cicatrice. Lui qui aime tant se regarder, il va déchanter la prochaine fois qu’il va croiser un miroir.

— Mais oui, j’en ai connu d’autres, t’inquiète. Y a d’autres blessés ? Des morts ? J’ai été rapatrié ici à peine sorti, impossible d’avoir la moindre information.

— Je sais qu’il y a des blessés oui. Attends, j’essaie d’avoir des informations plus précises.

Je me connecte au canal de diffusion général mais, comme d’habitude, je ne comprends rien au brouhaha et à la confusion qui y règnent. Les gens ne sont vraiment pas disciplinés et ça, ça ne changera jamais. Je me connecte à Verlox sur notre canal privé et il m’informe qu’il y a deux blessés dans la maison d’à côté et surtout une brigade entière de décimée parmi les humains qui nous aident en tant que gardes.

— Deux blessés chez tes voisins et autant de morts chez les humains. Elles n’y sont pas allées de main morte, on dirait… Je suis dégoûté, là…

— Il faut vraiment sévir, si les hommes voient qu’on n’assure pas leur sécurité et qu’on n’a plus la main sur les rebelles, ils vont finir par ne plus nous être loyaux, grommelle Maxim en repoussant brusquement la main du médecin qui nettoie sa plaie. C’est pas bientôt fini ?

— Et comment tu proposes de sévir ? le tancé-je alors que l’homme bafouille qu’il a presque terminé. Ce n’est pas comme si on n’avait pas essayé depuis plusieurs années ! Elles n’utilisent aucune technologie moderne, elles doivent avoir des brouilleurs pour éviter les robots de surveillance et on n’a pas avancé depuis qu’elles ont commencé à nous embêter ! Sans compter les complicités locales, parce qu’il y en a, tu le sais aussi bien que moi ! Tu crois quoi, qu’il suffit de le déclarer pour que ça arrive ?

Je m’énerve, j’en ai conscience, mais je suis agacé qu’il me remette ainsi en question.

— Il va falloir être plus sévère. Ce Sacha ne méritait pas de s’en sortir si bien, tu es trop laxiste et tu le sais, ton oncle te reproche la même chose. Il faut qu’on assoie notre autorité et ça passe par de la fermeté. On doit leur faire peur.

— On n’arrive à rien avec la peur ! Tous les manuels le disent, c’est par la confiance que l’on parvient à la stabilité sur le long terme, récité-je. Et Sacha, ce n’est pas une Valkyrie, voyons !

— Et s’il leur donnait des infos ? S’il était l’un des leurs ? Il y a forcément des hommes parmi elles, sinon elles ne seraient pas aussi informées ! Sans parler du fait qu’elles n’ont aucune limite puisqu’elles viennent de tuer plusieurs hommes… Ces femelles sont complètement folles.

— Tu n’as aucune preuve de ce que tu avances, grommelé-je. On n’est pas des bêtes, on n’accuse pas sans savoir. Quant aux Valkyries, je te rejoins. Complètement folles. Et dangereuses. Il faut faire cesser tout ça, mais pas en tapant à l’aveugle. Cela ne nous ressemblerait pas. Et c’est contraire à notre objectif pour arriver à la Phase deux de notre invasion !

Maxim ne me répond pas tout de suite car le médecin s’occupe de son visage et finit de nettoyer les plaies. Il y a quelques points de suture mais c’est vrai que dans l’ensemble, ça va. Il n’a rien de grave, ce qui me soulage un peu.

— Très bien, alors on attaque les femmes. On les “flique”, comme ils disent ici, on ne les lâche pas d’une semelle, on les interroge, on leur fout la trouille. Il y a forcément des Valkyries dans les femmes mariées, des femmes qui se rebellent contre leur mari, il faut qu’on les débusque.

Je réfléchis un instant à ce qu’il vient de dire et congédie le médecin pour pouvoir échanger avec mon ami sans être espionné par qui que ce soit. Maxim est énervé mais je le comprends. Il a failli y passer. Et nous aussi, en réalité. Et il a raison, il faut qu’on agisse. Vite et bien. Et ce sont les femmes qu’il faut viser.

— Je pense qu’il va falloir qu’on soit plus stratèges que ça. On ne saura jamais qui se rebelle contre son mari. Par contre, après ce qu’il s’est passé, je suis sûr qu’on va trouver des traces. L’explosion a été forte, elles n’étaient pas loin, il y en a sûrement qui sont blessées. Et elles ne pourront pas le cacher. On va lancer une inspection de toutes les femmes de la zone. Il faut programmer les robots pour nous remonter toute blessure suspecte, il faut qu’on aille nous-mêmes dans tous les endroits où il y a du monde pour constater les choses de nos propres yeux. Et on va les coincer, c’est certain. Tu ne crois pas que c’est ce qu’il faut faire ? lui demandé-je alors qu’il semble encore un peu sceptique.

— J’en sais rien, on n’a aucune preuve qu’il y a des blessées chez elle, j’ai peur que ce soit un coup d’épée dans l’eau. Et puis, tu sais ce que j’en pense, pour moi, les livres d’histoires racontent ce qu’ils veulent. Je crois que leur faire peur et leur faire comprendre qu’on décide et qu’on a le pouvoir de vie ou de mort sur eux est la méthode la plus efficace. Je ne doute pas que ton oncle me soutiendrait, d’ailleurs.

— Mon oncle n’est pas là et c’est moi qui suis en charge de la zone. On va essayer ma méthode, affirmé-je. Et on va rajouter des récompenses pour ceux ou celles qui pourraient nous donner des informations. Tu vas voir, cela va fonctionner, j’en suis convaincu.

Je vois bien qu’il est toujours en colère et ne réfléchit pas comme il le devrait. Je me dis que ça ne sert à rien d’insister ce soir et le salue sans lui laisser le temps de me répondre. Alors que je reviens chez moi, je sens mon implant vibrer et la voix de mon oncle résonne dans ma tête. La conversation va être houleuse et je la rejette en indiquant que je vais utiliser l’intercom dans mon bureau. Ce sera plus confortable. Quoique. Si je veux être honnête, je vais passer un sale moment avec Lorkan. Il va me houspiller et avoir le même type de propos que Maxim. Est-ce que c’est eux qui ont raison ? Est-ce que je suis trop gentil ? Je n’en ai pas l’impression, mais combien de temps vais-je pouvoir tenir mes positions ?

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