Chapitre 22

7 minutes de lecture

Une arrivée bien ordonnée

Nal’ki

Ce matin, je n’avais pas envie de me lever et le sentiment que cette journée ne va rien m’apporter de bon se confirme alors que j’attends dans le froid et le vent l’arrivée de notre nouveau grand manitou. Je ne devrais pas l’appeler comme ça mais à force d’entendre les habitants de cette planète en parler ainsi, j’ai pris le pli. Est-ce que l’on peut dire que c’est de l’acculturation ? Que je m’intègre ? Sûrement un peu, oui. Ou alors, c’est juste que je trouve cette nomination tellement mal venue que je fais tout pour m’en détacher.

Je regarde autour de moi, ou plutôt devant moi car j’ai été relégué au dernier rang, déclassement obligé, et constate que la plupart des nôtres sont présents.Des robots de surveillance quadrillent la zone et les gardes ont été renforcés. Ça la foutrait mal que le nouveau responsable arrive lors d’une attaque mais en même temps, cela me plairait bien, j’avoue. Pour leur prouver que tout ce qui arrive n’est pas de ma faute. Quoique. Depuis que j’ai été démis de mes fonctions, les Valkyries sont restées étrangement silencieuses et même au Blue Heart, je n’ai rien repéré qui sortait de l’habituel. Peut-être que c’est parce que je suis trop obsédé par la jolie serveuse avec qui je flirte et qui occupe de plus en plus mes pensées. Au point que j’en viens à me dire qu’il faudrait peut-être modifier les plans de la phase suivante et qu’on se prenne le droit de récupérer même les femmes mariées. Tant pis pour leurs hommes, non ? Ils n’avaient qu’à gagner la guerre et puis c’est tout.

C’est au milieu de ces pensées un peu sombres et éclairées par la seule jolie Lévana que je vois débarquer Maxim avec des gardes. L’arrivée de Lezeboth doit donc être imminente. Nos regards se croisent et je suis content de constater qu’il me sourit et fait un détour pour venir me saluer. Même s’il a pris du galon et que je ne suis plus en odeur de sainteté, il n’a pas renié notre amitié.

— Bonjour Maxim, le salué-je. On a bientôt fini d’attendre ? Parce que cette cérémonie… comment dire ? C’est vraiment utile ?

— Ils ont voulu faire les choses en grand pour asseoir d’entrée l’autorité du nouveau responsable. Il n’y en a plus pour très longtemps, un peu de patience…

— Ah oui, ça va tout changer. On est partis pour l’Ordre et l’Autorité, quel beau programme, persiflé-je alors qu’en effet le vaisseau amenant le nouveau responsable de la zone apparaît au-dessus de nous.

— Tu vas t’y faire, j’en suis sûr. C’est sans doute mieux comme ça, avoue que tu n’as jamais particulièrement aimé diriger la zone. Tu manques de fermeté face aux rebelles, ce n’est pas une tragédie.

— Je pense que je ne faisais pas du mauvais travail mais bon, on va voir ce qu’a imaginé Lezeboth pour cette zone si dangereuse et qui a tant besoin d’être pacifiée. Bref, j’espère que tu vas savoir bien placer tes pions et que ta prochaine promotion sera pour devenir responsable de zone plutôt que simple adjoint.

Il ne me répond pas car déjà la porte du vaisseau commence à s’ouvrir et il se dépêche d’aller accueillir le grand manitou qui a revêtu un costume militaire d’apparat, du genre de ceux qu’on arborait quand on a conquis la planète. Je trouve ça ridicule mais Lezeboth a l’air d’être complètement obsédé par l’image et la volonté de s’imposer. Cela ne me convainc pas du tout mais qui sait ? C’est peut-être moi qui suis dans l’erreur.

Je retiens un bâillement alors que Maxim présente à notre nouveau chef l’ensemble des personnes présentes. Le grand manitou fait semblant d’être intéressé mais je sais qu’il a dû se contenter d’activer son enregistreur pour pouvoir ressortir les noms au besoin. Comme s’il allait s’intéresser au petit peuple… Quand arrive mon tour, après un trop long moment, je note que l’intérêt de mon successeur est activé et je n’apprécie pas le regard fourbe qu’il me lance.

— Pas besoin de présentation entre nous, n’est-ce pas ? indiqué-je avant que Maxim ne parle. Et je propose qu’on ne fasse pas semblant de s’apprécier non plus. Juste bonne chance pour la mission qui n’est pas de tout repos.

— Effectivement, nul besoin de présentation dans ton cas. Difficile de ne pas entendre parler, même là-haut, de celui qui est incapable de gérer sa zone. Je te dirais bien que tu pourrais m’être utile, mais… toi et moi savons que ce ne sera pas le cas. Éventuellement pour une petite visite de la zone, mais pour le reste, mieux vaut te garder loin du pouvoir.

— J’ai bien compris qu’on souhaitait m’écarter. Incompétent mais pas un con tout court. Quant à ma soi-disant incapacité à gérer, j’attends de voir ce que tu vas faire. Pas sûr que ton costume reste blanc de blanc comme il l’est aujourd’hui. Quand on met les mains dans le cambouis, on se salit forcément un peu. Tu as déjà fait ton programme tout seul dans ton coin ou tu vas faire semblant d’être un peu à l’écoute des autres ?

— On voit ce que ça donne lorsque l’on prend le temps d’écouter les autres, marmonne-t-il en me regardant de haut. N’oublie pas qui est ton chef à présent.

— Comment l’oublier ? rigolé-je. On doit t’appeler comment pour te montrer tout le respect qu’on te porte ? Grand Manitou, ça te va ? le provoqué-je.

— Ne commence pas à me manquer de respect. Je ne suis pas là pour jouer, Nal’ki, et je n’ai pas besoin d’un grand nom pour me faire respecter. D’ailleurs, en parlant de respect, j’espère que tu as déjà fait tes valises, mon cher.

— Comment ça, faire mes valises ? Tu veux dire quoi par là ?

— Oh, le message n’est pas arrivé jusqu’à toi ? me demande-t-il après avoir fait signe à Maxim de se taire. Je suis le nouveau chef de la zone, je récupère le poste et la maison de l’ancien chef, ça me paraît logique. Finalement, incompétent et un peu con tout court, non ?

— Personne ne m’a prévenu, bafouillé-je, un peu choqué de l’annonce. Donc, non, mes valises ne sont pas faites. Et je croyais qu’on t’avait aménagé une maison juste pour toi, n’est-ce pas Maxim ?

Il joue à l’affreux et je sens que je vais avoir du mal à garder mon calme s’il continue comme ça. Je pense qu’il bluffe mais si c’est le cas, il le fait très bien. Et ça promet pour les habitants de la zone. Mon oncle et ses amis pensent vraiment que c’est parce que j’ai été laxiste que les Valkyries existent ? Je suis convaincu qu’on a une des zones qui fonctionne le mieux malgré leur présence. Les gens bossent bien, tout roule et s’il n’y avait pas ces quelques femmes qui veulent leur liberté, je sais que ma zone serait prise en exemple par tous pour la bonne intelligence avec laquelle nous avançons tous ensemble, Terriens et gens de mon peuple.

— Heu… Oui, bien sûr, finit par me répondre Maxime. Une très belle maison dans le même quartier. Les travaux ont été achevés pas plus tard que la semaine dernière, elle propose davantage de choses que celle de Nal’ki, dont une piscine extérieure.

— Ah ben voilà. Je ne voudrais pas te priver d’une piscine. Quelqu’un comme toi a besoin du meilleur ! Fais juste attention à tes petites fesses. Si elles sont aussi blanches que ton costume, elles risquent de vite rougir ! le provoqué-je à nouveau en souriant pour indiquer que c’est une blague juste un peu potache.

— Et toi, fais attention à toi, Nal’ki. Avoir été le dirigeant de cette zone ne te rend pas intouchable et je compte bien trouver de quoi t’occuper. J’espère que tu aimes mettre la main à la pâte, comme ils disent ici, parce que je vais te trouver nombre de tâches ingrates à réaliser.

— Je suis de mission espionnage chaque jour dans un cloaque rempli de ces Terriens sales et ignorants. C’est déjà bien parti pour les missions ingrates, non ?

Mais pourquoi je ne ferme pas ma grande gueule et que je ne me fais pas tout petit ? A force de le provoquer, ça va finir par l’énerver. Mais je suis surpris de le voir sourire. Il doit vraiment croire qu’aller au bar tous les jours est une épreuve car il semble triompher.

— Eh bien, il faut croire que je ne suis pas le seul à avoir eu cette bonne idée, alors. Estime-toi heureux de ne pas nous servir de larbin comme ces femmes de ménage à qui l’on peut tout demander chez soi. J’ai hâte de voir ce que donnera la mienne, d’ailleurs.

Cette fois, je parviens à me taire et plains cette femme qui risque de passer à la casserole en plus de les faire chauffer… Étant proche du pouvoir, il a peut-être des informations inédites sur les compatibilités entre nos peuples. Maxim me fait une grimace alors qu’ils s’éloignent et je comprends qu’il ne faut pas que je pousse le bouchon trop loin. Comme me l’a fait remarquer Lezeboth, même si je pense que je n’ai plus grand-chose à perdre, il y a encore des privilèges qu’on peut me retirer. Et je ne me vois pas vivre sans ma salle de sport, mon jacuzzi et la perle qui s’occupe de mon quotidien. Finalement, je ne vaux pas beaucoup mieux que mon successeur, on dirait.

N’ayant rien de mieux à faire, je m’éclipse aussi discrètement que possible et me dis que je vais finir la journée en étant un bon et loyal serviteur qui remplit sa mission d’espionnage au bar. Je joindrai ainsi l’utile à l’agréable, en espérant que ce ne soit pas le jour de congé de Lévana. Parce que Jasmine est gentille mais n’a pas le même charme que sa collègue. Qui sait, cette journée si mal commencée pourrait se terminer de manière plus agréable ?

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