Chapitre 24

8 minutes de lecture

L’enquête du flatteur

Nal’ki

J’assiste à la réunion de crise dans un rôle de spectateur qui me va bien. Lezeboth est en train d’engueuler tout le monde et je ne vais pas dire que je jubile, mais j’ai du mal à cacher les sourires que certaines de ses remarques provoquent chez moi. On voit bien qu’il ne connaît rien de la planète sur laquelle nous nous sommes installés malgré les années vécues ici. Lui, il a passé son temps dans les hautes sphères et il débarque en pensant avoir toutes les solutions, mais franchement, il est complètement à côté de la plaque.

— On ne peut pas se laisser ridiculiser comme ça ! s’énerve-t-il en marchant d’un bout à l’autre de la pièce, passant au travers des images de ceux qui sont sur le vaisseau planète. Comment se fait-il que les robots de surveillance n’aient rien vu ? Et pourquoi on ne peut pas en avoir autant qu’on veut ? C’est quoi cette histoire de devoir les répartir entre toutes les zones ? Les autres n’en ont pas besoin, si ?

Je souris en voyant Maxim qui passe sa main dans ses cheveux. Le pauvre a déjà dû expliquer la réalité des choses des dizaines de fois. Poussé par un esprit de provocation qui me surprend moi-même, je lève la main et attends que Lezeboth me donne la parole.

— Peut-être que ceux qui savent tout sur le vaisseau planète peuvent nous éclairer et nous donner les moyens d’agir et d’être efficaces, non ?

Quelques-uns de mes collègues pouffent mais l’ordre revient vite quand Lezeboth me lance un regard de tueur et m’interpelle vertement.

— Peut-être que si tu t’étais moins laissé porter et que tu avais vraiment pris les choses en main, on n’en serait pas là, surtout !

— Ah oui, on est encore dans la période où tu peux me mettre les choses sur le dos plutôt que de les assumer. Profites-en, ça ne va pas durer, rétorqué-je vivement. En tout cas, quand tu auras fini avec le tout répressif et de faire la police, peut-être que tu comprendras qu’on n’arrivera à rien en antagonisant les Terriens. On est dans la même galère, autant essayer de composer avec eux. Si ça ne vous dérange pas, je vais vous laisser, je n’apporte rien à cette réunion.

— Tu peux garder tes leçons de morale pour toi, Nal’ki, cingle mon oncle, visiblement agacé. Je n’ai pas l’impression que ta façon de faire ait été efficace, alors je te demanderai de garder tes conseils pour toi.

— Bien, je vous laisse alors. Je vais retourner accomplir ma mission de surveillance des ivrognes du coin. Je vous appelle si je tombe sur une Valkyrie avinée.

Sans attendre une autre réaction, je sors de la pièce principale de la maison de Lezeboth sous les regards soit attristés, soit énervés des autres. Je fonce chez moi, salue à peine Gabrielle qui comprend que ce n’est pas le moment de m’importuner et je m’enferme dans mon bureau. Qu’est-ce qu’ils m’énervent en ne saisissant pas comme je le comprends la situation actuelle. Les Valkyries ne sont pas la dernière poche de résistance mais bien le symbole qu’on n’arrivera jamais à rien en utilisant la force. Et si on en fait des martyrs, on sera beau quand tous les autres vont se révolter. Quelle folie, cette course en avant vers la violence et la répression.

J’hésite à me rendre immédiatement au bar mais je me dis que je devrais d’abord récupérer les informations sur la sœur de Lévana pour ne pas arriver les mains vides. Je me connecte à la base centrale de données et suis satisfait de constater que j’ai encore tous les accès. Je me dis que ça va être facile mais je déchante rapidement en constatant qu’il n’y a aucune trace d’une Jeanne de seize ans emmenée sur le vaisseau planète. C’est étrange car je ne crois pas que Lévana m’ait menti. Je continue à chercher en modifiant l’orthographe ou l’âge mais ne trouve rien.

Après avoir passé une petite demi-heure sans avancer et avoir même consulté la liste des personnes décédées, je me dis qu’il faut que je tente autre chose. J’appelle l’assistante de mon oncle qui m’a à la bonne. Elle pourra me dire s’il y a une Terrienne comme elle qu’elle fréquente et qui s’appelle Jeanne.

— Bonjour Edith. Toujours aussi ravissante, salué-je la quinquagénaire, sachant parfaitement qu’elle répond bien à la flatterie. Lorkan ne te fait pas trop souffrir ?

La brune aux cheveux bouclés lève les yeux de la tâche qu’elle était en train d’accomplir et m’adresse un sourire chaleureux avant de prendre la parole de sa voix un peu rauque.

— Bonjour Nal’ki. Comment vas-tu, vil flatteur ?

— Je me demande toujours pourquoi tu as préféré partir auprès de mon oncle plutôt que de rester à mes côtés, soupiré-je. J’aurais adoré avoir ton intelligence et tes charmes auprès de moi, je te l’ai toujours dit ! Je vais bien même si je crois que je suis tombé au plus bas de l’échelle sociale, non ?

— Parfois il vaut mieux rester éloigné des conflits, ça évite d’être une victime collatérale.

— J’ai un service à te demander. Tu connais une jeune femme qui s’appelle Jeanne, de la Terre comme toi et qui a une vingtaine d’années ? Elle est là depuis le début d’après sa sœur, mais ils n’ont aucune nouvelle ici, ce qui est étrange. Il y a un truc qui n’est pas logique dans tout ça.

— Jeanne… Ça ne me dit rien, non. Peut-être qu’elle travaille sur Terre ? tu as cherché dans la base de données ?

— Bien sûr que j’ai cherché avant de t’appeler, m’impatienté-je, et je n’ai rien trouvé. Elle a disparu depuis qu’on a débarqué sur Terre. Sa famille est convaincue qu’elle est partie là-haut. Ça sent le secret officiel, ça. Tu crois qu’un officier aurait pu merder avec elle ?

— Je ne sais pas… Il faudrait jeter un œil sur le fichier privé aussi. Enfin, j’imagine que tu l’as déjà fait également, je suis bête.

Ah non, je n’ai pas pensé à regarder ce dossier qui répertorie tous les incidents que nous ne voulons pas voir diffuser à large échelle.

— Je vais aller regarder, bonne idée. En attendant, si tu la croises ou si tu peux demander autour de toi et me tenir au courant, jolie Edith, ce serait sympa. C’est possible, ma petite merveille ?

— Je vais essayer de me renseigner. Mais aussi mignon sois-tu, je ne vais pas risquer la colère de ton oncle pour ça, mon bouchon !

— Tu es la meilleure ! Merci !

Je mets fin à la communication et essaie d’accéder au fichier privé. Je ne rencontre aucune difficulté jusqu’à ce que je tape le nom de Jeanne. Un message d’erreur s’affiche et je me demande comment ça se fait. Le reste fonctionne mais concernant la sœur de Lévana, tout est bloqué. Qu’est-ce que cela cache ?

Un peu dépité de ne pas avoir réussi à accéder aux informations que je souhaitais, j’abandonne mes recherches et me rends au bar, en espérant que Lévana sera présente. Je n’ai toujours pas réussi à comprendre quand étaient ses jours de congés. Heureusement pour moi, elle est présente et je l’aborde dès qu’elle vient prendre ma commande.

— Je vais prendre mon cocktail habituel. Et si vous avez un peu de temps, j’ai fait des recherches sur Jeanne. On peut en parler quand vous êtes disponible.

— Je vous prépare ça et je me rends disponible au passage.

Je l’observe s’éloigner et, comme à chaque fois, je ne peux m’empêcher de la trouver belle et charmante. Aujourd’hui, elle porte un jean sombre moulant et un chemisier rose clair qui met toujours autant en valeur son décolleté. Et comme à chacun de mes passages, j’envie son mari qui peut en profiter chaque jour. Le veinard. Lorsqu’elle revient avec la boisson, elle s’assoit en face de moi et je constate que son époux ne la lâche pas du regard depuis le bar où il est resté.

— J’ai mené mes recherches, comme promis, commencé-je, mais les nouvelles ne sont pas… celles que j’attendais.

Wow, elle passe par toutes les émotions. Cela me fait mal de voir l’espoir remplacé par un froncement de sourcils et une crainte qui me donne envie de la prendre dans les bras pour la rassurer. Quoique… ce qui pourrait vraiment la rassurer, c’est de savoir où est Jeanne.

— Pitié, ne faites pas durer le suspens… Est-ce que j’ai une chance de revoir ma sœur en vie ou… vous ne savez pas comment m’annoncer qu’elle est morte ?

— Eh bien, il est là le souci. Pour l’instant, je n’ai pas réussi à accéder à son dossier, ce qui est étrange. Elle n’est pas sur la liste des personnes emmenées sur le vaisseau planète, elle n’est pas non plus sur le dossier des personnes décédées… C’est comme si elle avait disparu totalement, ce qui est impossible connaissant l’efficacité de notre administration.

Je n’ose pas évoquer le fichier secret pour ne pas être accusé de trahison mais je me dois de lui donner un peu plus de précisions, alors je continue.

— Il y a encore un endroit où je vais essayer de regarder mais les accès sont restreints et je n’ai plus les droits. Il faut que je voie comment faire mais là, avec Lezeboth qui est en colère et qui va lancer une opération de fouille chez tous les habitants, je ne sais pas comment je vais faire. Ah, et j’ai aussi demandé à une Terrienne qui est là-haut si elle pouvait se renseigner de son côté. Je vais bien finir par trouver quelque chose. Même si c’est étrange, comme je l’ai déjà dit…

— Est-ce que… est-ce que vous avez déjà vu quelque chose dans ce genre ? Je veux dire, est-ce que vous avez déjà entendu parler d’une personne qui serait totalement introuvable ? me demande-t-elle après m’avoir observé en silence durant une bonne minute.

— Non, jamais. Je vous ai dit que c’était bizarre… mais je n’abandonne pas. Cela pique ma curiosité. J’aurais peut-être dû attendre d’avoir plus d’informations pour vous en parler mais je voulais vous rassurer en vous disant que j’étais sur le coup. Je ne voulais pas vous décevoir. Et je ne vous décevrai pas, j’aurai l’information, je vous le promets.

— Merci… mais je vous en prie, ne faites pas de promesse que vous n'êtes pas certain de pouvoir tenir.

Elle se relève, clairement déçue de ce que je viens de lui annoncer et je la retiens avant qu’elle ne s’éloigne en lui prenant le bras.

— Je vais tout faire pour la tenir, cette promesse. Je vous dois bien ça, vu que vous m’apportez un peu de réconfort tous les jours par votre sourire et votre présence. Ce sera une façon de vous rendre cette joie que vous me donnez.

Elle m’adresse un sourire charmant mais un peu triste avant de se dégager et se diriger vers le bar. Je l’observe échanger avec son mari à qui elle doit raconter la teneur de nos échanges. Je n’ai pas été d’une grande aide mais je constate que son époux ouvre de grands yeux avant de retirer rapidement son tablier et de s’éclipser dans l’arrière-cuisine. Ce couple est vraiment étrange…

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0